Le quotidien Le Monde se veut le quotidien de référence et vit d’une réputation pour le moins surfaite. Le 6 juin, le quotidien a en effet qualifié de « blocus » les mesures de rétorsions prises par le gouvernement saoudien, suivi de ceux du Bahreïn, de l’Egypte, des Emirats Arabes Unis, du Yémen, des Maldives, des Comores, de l’Ile Maurice et de la Mauritanie (et à un degré moindre du Gabon, du Tchad, de la Libye, du Sénégal et de la Jordanie) contre l’émirat du Qatar.

Cette incongruité a été reprise par plusieurs journaux de la presse officielle, notamment La Croix, France 24, Le Point le 11 juin, L’Express le 25 juin… Le Monde avait d’ailleurs été devancé par Le Figaro la veille. Le 11, Le Monde employait d’ailleurs dans un article les mots « embargo » et « blocus » dans un sens similaire. Or, ce n’est absolument pas la même chose, heureusement pour le peuple qatari…

Le Qatar est soumis à un embargo, certes contraignant, puisque le transit commercial terrestre passe par la seule Arabie Saoudite qui a fermé ses frontières, mais qui n’est pas un blocus. Le mot « embargo » vient de l’espagnol embargar qui signifie embarrasser. Embarrasser et non détruire… Le port de Doha, l’aéroport de Doha, sont libres d’accès, la marine des émirats ne coule ni ne refoule les navires désirant s’y rendre. L’Iran a ainsi, dès les premières heures de l’embargo, livré au Qatar 4.000 vaches sans que les pays membres de la coalition anti-qatari ne s’y opposent. Le Qatar peut librement commercer avec les autres nations du monde, et continuer son petit business avec la France. Simplement, le trajet d’acheminement doit éviter les états hostiles. L’inconvénient touche aussi les liaisons aériennes. Prenons le vol Qatar Airways 1323 qui assure la liaison entre Doha et Khartoum (Soudan). En temps ordinaire, le vol dure 3h39, l’avion survolant le Golfe persique, puis l’île de Bahreïn, l’Arabie Saoudite, la Mer Rouge et le Soudan. Désormais, l’avion doit prendre le cap est au lieu de l’ouest, survoler le Golfe Persique, un bout d’Iran (pour éviter l’espace aérien émirati), repiquer au sud vers la mer d’Oman, traverser le sultanat d’Oman, le Yémen sur quelques kilomètres (qui n’a plus d’aviation militaire, ses 24 Mig-29 étant incapable de voler), le Golfe d’Aden, survoler le Somaliland, l’Ethiopie et arriver à destination, avec un temps de vol accru de 2 h 16, pour un total de 5 h 55. Mais au moins, l’avion arrive et n’est pas descendu en vol par les F-15 saoudiens ou les Rafale émiratis.

Un embargo, c’est ce qui touche le Qatar à l’heure actuelle, qui a jadis touché Cuba, qui touche encore le Soudan. Un ou plusieurs pays décident de cesser les rapports commerciaux avec une nation, libre à elle d’aller se fournir ailleurs. Les navires de guerres américains ont laissé Cuba acheter du pétrole à l’URSS, des vélos à la Chine et commercer avec l’Europe. Les navires cubains chargés de rhum, de cigares, de langoustes, de sucre, de nickel et autres ont atteint sans encombre leur destination. Le pétrole vénézuélien a été sans problème échangé contre des médecins et des membres de la police politique. C’est ce qu’on appelle un embargo. C’est ennuyeux, mais ce n’est pas un blocus.

Le mot blocus vient du dialecte wallon blokehus, une variante de l’allemand blockhaus, qui désigne en temps de guerre les fortifications dressées par l’assiégeant pour empêcher l’assiégé de sortir. Lors d’un blocus, rien n’entre, rien ne sort, le but étant de faire mourir de faim l’ennemi. L’embargo le plus célèbre et le plus lourd de conséquence fut celui auquel fut soumise l’Allemagne à partir de 1916. Il aurait du être levé en novembre 1918 à la signature de l’Armistice. Il n’en fut rien : Churchill ordonna qu’il soit maintenu, afin que les Allemands soient contraints de signer à Versailles tout ce qu’on leur imposerait. Le futur président américain Herbert Clark Hoover s’opposera à cette ignominie et tenta de faire parvenir de la nourriture en Allemagne, exactement comme il le fera à nouveau en 1946 lors du Plan Morgenthau qui devait faire mourir 20 millions d’Allemands de faim (ce qui était exactement le nombre de morts souhaité en 1918-19) mais qui – retournement d’alliance de Staline oblige – s’acheva au 6e million de mort. Le blocus de 1918-19 fut « moins meurtrier », amenant à la mort de faim de 900.000 Allemands et Autrichiens et surtout une grave répercussion une génération plus tard : les enfants allemands souffrant de faim en 1919 seront des hommes en âge de porter les armes dans la Wehrmacht et d’avoir des responsabilités au sein du NSDAP… Ne voulant pas revivre le traumatisme de la famine, l’Allemagne ponctionnera les pays conquis pour ne pas manquer de produits de première nécessité. Certains pays en souffrirent beaucoup (Grèce), d’autres relativement (France), certains en tirèrent un excellent profit financier (Danemark).

Pour le moment, les Qatari n’étant pas contraint de manger leurs billets de banque, leur situation est certes pénible, en rien intenable. C’est quand même un comble ce que soit à moi d’apprendre la signification des mots au journal de l’élite…    

Hristo XIEP

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