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On se rappelle encore toutes les promesses radieuses que le traité de Maastricht (1992) et la « construction » européenne allaient nous apporter : la paix, la prospérité, le plein emploi, la croissance, etc., et qui plus est, pour l’éternité. La belle époque où l’Union Européenne faisait rêver. Peut-être pas tout le monde, mais, en tout cas, une partie de la population, juste assez pour passer la barre des 50% en France en 1992.

Pour ce qui est de la paix en Europe, la Yougoslavie et en particulier la Serbie furent allègrement bombardées par l’OTAN, le truc qui est censé nous « protéger » et auquel nous sommes désormais soumis, grâce à l’une des multiples trahisons de Nicolas Sarkozy. Le truc protège aussi l’Ukraine du « danger » russe. Mais les médias du Système semblent s’être lassés eux-mêmes d’annoncer tous les jours une invasion russe en Ukraine. Tout le monde peut constater les résultats des bombardements de l’OTAN sur des peuples européens, sur nos voisins, en Serbie, en Ukraine. Drôle de paix, non ?

Ce que montre le feuilleton grec

Quant à l’économie, la question se pose de plus en plus de comprendre ce qu’est réellement le machin « européen ». Les naïfs voulaient croire que l’Union Européenne serait une sorte de confédération libre de peuples souverains, heureux de partager un destin commun. Ce rêve, c’était la fable bienheureuse vendue par les médias du Système au bon peuple ahuri. Mais, l’interminable feuilleton de la « crise » grecque est venu déchirer plusieurs fictions :

– la fiction d’une Union Européenne démocratique. Une fable déjà bien malade, après plusieurs référendums annulés, répétés, retoqués, contournés, etc. Jean-Claude Juncker, le président du machin, a lui-même déclaré qu’aucune décision démocratique émanant d’un peuple ne pouvait s’opposer aux traités. On se pince pour y croire, est-ce qu’il comprend les énormités qu’il profère ?

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Concrètement, le machin est donc une espèce de superstructure bureaucratique dictatoriale. Nous sommes donc passés du gouvernement du peuple, par le peuple, pour le peuple, à la gouvernance des banques, par les banques, pour les banques. Au moins, voilà un aveu qui a le mérite de la clarté. Merci, M. Juncker pour votre franchise.

– la fiction d’une Union Européenne entre partenaires égaux. On peut s’interroger sur les objectifs réels d’Alexis Tsipras et de Yanis Varoufakis dans les « négociations » autour de la dette. Mais, en tout cas, le feuilleton grec a brillamment révêlé qui commande pour de vrai en Europe : à savoir Frau Merkel et Wolfgang Schäuble, son ministre des finances. Quant à la soi-disant « indépendance » de la Banque Centrale de Frankfort, quant à la mascarade intergouvernementale, quant à ceci et cela, etc. Aux orties et aux oubliettes. Fini de rire, maintenant ce sont les Allemands qui commandent. Punkt. Danke sehr.

D’ailleurs, c’était Frau Merkel, le nouveau Bismarck en jupons, qui avait imposé Jean-Claude Juncker à tout le monde, y compris aux Anglais, qui n’en voulaient pas. Une fois n’est pas coutume, nous l’avons récemment critiqué, mais on peut relire avec le plus grand intérêt ce que disait Emmanuel Todd sur l’hégémonie allemande il y a presque un an.

« Si je devais décrire l’Europe actuelle, si je devais commenter au niveau politique la carte économique, je dirais que l’Europe, ou [plus exactement] l’Empire allemand, commence à prendre la  forme générale d’une [démocratie inégalitaire ou] Herrenvolk democracy avec, en son cœur, une démocratie allemande réservée à ce peuple dominant et, autour, toute une hiérarchie de populations plus ou moins dominées, dont les votes n’ont plus aucune importance. On comprend mieux, pourquoi, dans ce modèle, quand on élit un président en France, il ne se passe rien. Parce qu’il n’a plus de pouvoir ; notamment sur le système monétaire. »

Les votes récents des Grecs, le plus récent en date du 5 juillet 2015, éclairement à la perfection cette description. Seuls comptent le vote et la décision des Allemands. Le reste est négociable.

L’Allemagne joue complètement perso depuis 15 ans

Comprendre comment fonctionne le machin « européen », c’est d’abord comprendre ce que veut et ce que fait l’Allemagne. On peut disserter sur certaines erreurs manifestes de la France et en particulier sur l’absurde et incongrue visite de François Mitterrand à Berlin en RDA, une semaine avant que le mur ne tombe. Cet accroc diplomatique est notoirement resté en travers de la gorge de Helmut Kohl, qui a dû juger que décidément les Français n’étaient pas fiables. Les socialistes français n’aiment pas qu’on leur rappelle ce genre de choses.

Quoi qu’il en soit, depuis la mise en place de l’Euro, les Allemands jouent un jeu complètement perso, et ne se soucient que de leurs intérêts nationaux. La première mesure a été de baisser les salaires en Allemagne, ce qui relève de la concurrence déloyale, dans une large mesure. S’il est une chose qu’on ne peut pas retirer aux Allemands, c’est ce qu’ils comprennent ce qu’est une monnaie, contrairement aux branquignols qui font semblant de gouverner la France. Etant donné que l’Euro, monnaie unique, constitue un système de change fixe, qui interdit toute dévaluation compétitive, le gouvernement allemand, conduit par Gerhard Schröder, a opté pour une baisse généralisée des salaires. Politiquement, cette mesure a été acceptée comme contrepartie d’un chômage très faible.

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Globalement, l’Euro et l’Union Européenne, tels qu’ils existent, assurent à l’Allemagne de multiples avantages :

– l’Euro est plus faible que ne serait le Mark, d’environ 20% au moins, ce qui constitue de facto une dévaluation compétitive implicite permanente. A l’inverse, l’Euro est trop élevé pour presque tous les autres pays !! 

– le potentiel industriel allemand garantit une rente de situation mondiale, sur de nombreux secteurs où les Allemands vendent à leurs prix, en l’absence de concurrence réelle,

– la baisse des salaires allemands, au début des années 2000, a fourni un surcroît de compétitivité de l’ordre de 5 à 10%,

– l’Europe centrale : Pologne, Tchéquie, etc. est une réserve de main-d’oeuvre, à la fois qualifiée et peu chère, que l’Allemagne ne se gêne pas pour exploiter et mettre en soustraitance.

En résumé, l’Allemagne est le pays le plus peuplé de l’Union Européenne, possède un potentiel économique d’envergure mondiale et dispose de plusieurs atouts compétitifs qui se cumulent, grâce à l’Euro et à l’Union Européenne. En l’état, les Allemands se fichent éperdument ce que pensent les autres pays. Même les USA ne sont pas réellement en situation de faire pression sur l’Allemagne. Ils ont aimablement demandé aux Allemands de faire une politique de relance, autant dire de faire l’inverse de leur stratégie habituelle. Il ne s’est rien passé. Inutile de dire que ce ne sont pas des bouffons comme Nicolas Sarkozy ou François Hollande qui y changeront grand-chose. Si Frau Merkel prend François Hollande dans ses valises pour aller à Minsk, c’est pour éviter que la domination allemande se voit trop. Il faut maintenir les apparences d’un « partenariat ». La fable romantique du couple franco-allemand…

Le 4ème Reich allemand

Concrètement, l’Union Européenne réelle, à ne pas confondre avec l’Union Européenne fantasmée par les euro-fabulistes, est une zone de domination économique allemande, organisée autour de l’Allemagne, principalement sinon exclusivement à son profit. L’heure a sonné pour un 4ème Reich allemand, très efficace, d’autant plus efficace que les peuples occupés s’occupent eux-mêmes, avec la complicité ou l’aveuglement de leurs dirigeants.

Les Allemands commandent, les autres obéissent. Voilà le programme, le programme réel, sans les boniments et les yeux grand ouverts.

En outre, on présente souvent l’Allemagne comme un pays « vertueux ». Mais le modèle allemand repose essentiellement sur l’exploitation de l’Europe centrale et sur la vampirisation de la croissance dans les autres pays. Si l’Union Européenne est une zone où la croissance est totalement à l’arrêt depuis 15 ans, c’est d’abord parce que l’Allemagne se satisfait de piller la richesse créée dans les autres pays, en maintenant des excédents commerciaux obèses. Concrètement, l’Allemagne se comporte comme un passager clandestin, qui serait de facto le plus riche et qui, en plus, ferait les poches des autres passagers. Prétendre que le modèle allemand est « vertueux », un slogan très fréquent à l’UMP ripoublicaine, est débile. Vampiriser les autres pays, maintenir des excédents commerciaux aberrants et gruger tout principe de solidarité n’est pas « vertueux »

La folie euro-millénariste

Concrètement, les Allemands presseront le citron juteux de l’Union-Européenne-4ème-Reich, aussi longtemps que ce sera possible et que les autres pays seront assez anesthésiés pour se laisser traire sans se rebeller.  

C’est donc dans ce contexte que l’on peut examiner le niveau de folie et de délire euro-millénariste de François Hollande et du PS. Par exemple, on peut lire cet article qui semble être vaguement conscient qu’il y a des « vices de construction » et qui s’imagine que l’on peut surmonter les problèmes actuels en s’enfonçant encore plus dans la même direction.

François Hollande a proposé de créer un nouveau parlement de la zone euro (!!!) et une gouvernance renforcée, dans une tribune publiée le 19 juillet 2015 dans le JDD. Ce document permet de mesurer l’aveuglement et la folie euro-millénariste de la secte socialiste.

Morceaux choisis :

« L’Union [Européenne] ne peut se réduire à des règles, des mécanismes ou des disciplines. Elle doit convaincre les peuples que, si elle a été capable de préserver la paix, elle est aujourd’hui la meilleure invention pour protéger les valeurs et les principes qui fondent notre culture commune, ce que l’on appelle notre mode de vie et qui est aussi notre modèle social. »

[Commentaire : (1) l’Union Européenne a déjà 4 guerres à son actif : en Serbie, en Libye, en Ukraine et en Syrie, (2) le dogme ultra-libéral inscrit dans le marbre des traités rend chimérique toute Europe « sociale », surtout avec des pays comme la Roumanie avec des salaires moyens de 300 Euros, inférieurs à ceux de la Chine (!)]

« Partager une monnaie, c’est bien plus que vouloir une convergence. C’est un choix que 19 pays ont fait parce que c’était leur intérêt. Nul gouvernement d’ailleurs depuis quinze ans n’a pris la responsabilité d’en sortir. Ce choix appelle une organisation renforcée et avec les pays qui en décideront, une avant-garde. »

[Commentaire : François Hollande ne semble pas comprendre que l’Euro n’arrange que l’Allemagne. Quid des 6 millions de chômeurs français, des 10 millions de pauvres et de la liquidation en cours de l’industrie et de l’agriculture française ?]

Pendant ce temps-là, les Allemands doivent bien rigoler…

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