aounAprès 29 mois de vacance à la tête de l’Etat, le Liban a enfin un Président, et pas n’importe lequel : le Général Aoun. Vingt-six ans après sa défaite contre l’occupant syrien suivi de son exil, le vieux combattant sort vainqueur d’un imbroglio dont le Liban a le secret.

Depuis le funeste accord de Taef (ville située en Arabie Saoudite…) de 1989, qui a concrètement donné le pouvoir aux musulmans sous l’égide américaine comme il se doit, aucun signe d’espoir n’était venu pour le Liban chrétien. La révolte du Général Aoun avait échoué, sa brouille sanglante avec les Forces libanaises de Samir Geagea avait meurtri la communauté chrétienne et sonné le glas de son influence.

Le pays a ensuite été mis en coupe réglé par la Syrie. Mais petit à petit, un concurrent redoutable s’est imposé : l’Arabie Saoudite. Non par les armes mais par l’argent comme toujours. Le relais politique de cette prise de contrôle à distance était l’homme d’affaires sunnite Rafic Hariri qui possédait la double nationalité libanaise et saoudienne : tout un programme.

Jacques Chirac ne jurait que par lui, le consultait très fréquemment et le renforcement des liens de la France avec le monde sunnite date de là. Au détriment des chrétiens bien sûr. Les liens entre la famille Chirac et la famille Hariri sont si forts que le couple Chirac est logé gracieusement depuis des années dans un somptueux appartement Quai Voltaire appartenant à la famille Hariri.

Hariri va se faire nommer Premier Ministre du Liban et exercera sa fonction de 1992 à 1998 puis de 2000 à 2004. Il augmentera sa fortune, déjà considérable, en rebâtissant Beyrouth qu’il couvre d’immeubles modernes, la défigurant à jamais. De nombreux hommes d’affaires saoudiens profitent largement de la situation et participent à cette confiscation économique, notamment dans le traitement des déchets.

Pour l’ombrageux voisin syrien, la situation n’est pas acceptable : ses troupes occupent toujours le pays mais la réalité du pouvoir lui échappe. D’autant que sous l’influence d’Hariri l’ONU adopte une résolution enjoignant la Syrie de quitter le Liban.

Alors les services secrets syriens font ce qu’ils savent si bien faire : un attentat. Hariri est tué le 14 février 2005 par une camionnette piégée.

L’onde de choc est considérable et va changer le destin du Liban. Les Américains, furieux de la disparition d’un de leur plus fidèle allié, exigent le départ des troupes syriennes. Bachar el Assad, président depuis 2000, préfère s’exécuter plutôt que de risquer une vengeance américaine qui pourrait lui faire perdre le pouvoir.

Parallèlement, le Général Aoun est autorisé à revenir d’exil et Samir Geagea est libéré de prison. Malheureusement la haine entre les deux hommes semble inexpiable et, tandis qu’Aoun se rapproche progressivement du Hezbollah chiite et donc de la Syrie, Geagea prend le chemin inverse et s’allie avec les sunnites.

Leur objectif est clair, mais c’est le même, à savoir la présidence de la république libanaise. On sait que traditionnellement la présidence revient à un chrétien, le poste de premier ministre à un sunnite, la présidence du parlement à un chiite et la direction de l’armée à un druze : c’est le Liban…

En raison de ce conflit qui divise les chrétiens en deux camps, c’est un homme sans beaucoup d’envergure, Michel Sleiman, qui est élu en 2008 jusqu’en 2014. Le temps pour chacun de fourbir ses armes.

Il faudra donc plus de deux de vacance de la présidence pour trouver un accord. Le montage est un peu complexe mais on ne serait pas en orient sinon !

Premier temps, l’Arabie saoudite se rapproche d’une grande famille chrétienne, les Frangié, pour supplanter Aoun et Geagea et mettre fin au blocage institutionnel et surtout empêcher le retour d’Aoun. Furieux, Geagea s’éloigne des Saoudiens, donc des sunnites, et n’a plus d’autre choix que se rapprocher d’Aoun.

Deuxième temps : l’Arabie Saoudite, toujours elle, prend ses distances avec Saad Hariri, fils de Rafic, et héritier de l’empire de son père. Saad s’est révélé piètre homme d’affaires et a laissé d’importantes ardoises en Arabie. Il risque donc de s’isoler.

Troisième temps : Hariri propose à Aoun sa neutralité bienveillante lors de l’élection au Parlement (les voix chiites et chrétiennes suffiront) en échange du poste de Premier Ministre. Aoun vient donc de le nommer Premier Ministre, aussitôt après son éllection.

Tout cela est évidemment bien tortueux et il ne faut pas trop rêver : les pouvoirs du Président libanais sont faibles et Aoun a déjà 81 ans (cela a joué dans le ralliement de Samir Geagea qui n’a que 64 ans).

Mais il faut tout de même saluer deux grandes nouvelles : les chrétiens vont cesser, provisoirement en tout cas, de se déchirer et l’Arabie Saoudite est hors jeux pour un moment.

Soyons donc tout de même heureux de cet évènement.

Antoine de Lacoste

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