Plusieurs conseillers municipaux frontistes du Nord, écartés des listes pour les élections régionales, dénoncent les méthodes employées par leur parti pour financer ses campagnes. Des témoignages qui viennent éclairer concrètement le fameux système des kits de campagne, pour lequel le FN a été mis en examen en septembre pour « recel d’abus de biens sociaux et complicité d’escroquerie ».

Pour le FN, l’intérêt de ces kits est d’uniformiser le message et les codes graphiques du parti, ainsi que de faciliter la tâche de candidats parfois inexpérimentés.

«L’investiture du FN n’est validée qu’après signature du bon de commande relatif au kit de campagne (page 3) Celui-ci est donc obligatoire et s’impose à tout candidat investi par le FN.» Le document précise en outre que le kit standard, facturé 16.650 €, est «modulable à la hausse», mais pas à la baisse.

Francis Boudrenghien, artisan de 61 ans, élu FN au conseil municipal d’Anzin, était candidat aux élections départementales de mars.  « Tout candidat devait partir avec un kit de campagne obligatoire. Ils m’ont aussi obligé à prendre 300 affiches supplémentaires, alors que je n’en avais pas besoin », explique-t-il à Marianne. « Pourtant, j’avais un imprimeur ici qui avait besoin de travail, et il était beaucoup moins cher »

Francis Boudrenghien a aussi dû contracter un prêt à son nom, de manière toujours « obligatoire »

Pour financer quoi ?

Le système, très rôdé, est le suivant.

Acte 1 : 
JEANNE, le micro-parti du FN, prête au candidat une somme destinée à financer sa campagne, avec un taux d’intérêt à 6,5%. 
Jeanne, le microparti était la quatrième formation politique en termes de rentrées financières, à 9,6 millions €, derrière le PS, l’UMP et le PCF… mais devant le FN plus de 90 % des rentrées d’argent de Jeanne étaient constituées de la facturation des « services rendus aux candidats pour les campagnes électorales », essentiellement les « kits de campagne »

Acte 2 : 
avec cette somme, le candidat doit acheter à Jeanne un kit de campagne (affiches, tracts…) confectionné par la société Riwal, dirigée par un proche de Marine Le Pen. 
L’argent revient donc dans les caisses du micro-parti frontiste. 
RIWAL
39 RUE VINEUSE 
75116 PARIS
Gérant M Frederic CHATILLON
RCS 400 363 198 – pas de comptes déposés depuis 2006

Frédéric Chatillon, dont la société a perçu 1,6 million € pendant la campagne présidentielle, d’après des documents consultés par Mediapart. Ces kits sont au cœur des soupçons des juges auraient été largement surfacturés aux candidats frontistes ….

Acte 3 : 
après la campagne, le candidat se fait rembourser par l’Etat ses dépenses, c’est à dire le prêt majoré des intérêts, qu’il peut ainsi rembourser à son tour à Jeanne. Au final, le micro-parti du FN enregistre un bénéfice. Pour le parti, qui dénonce un « acharnement » judiciaire, ce système est parfaitement légal. Ce n’est pas l’avis des juges, qui le soupçonnent d’avoir détourné 10 millions € d’argent public.

Francis Boudrenghien : « Au début, je n’ai pas cherché à comprendre, mais c’est après qu’on réalise qu’il se passe quelque chose », poursuit-il. « c’est de la magouille ! »

Mais pourquoi l’élu a-t-il attendu tant de mois pour s’en plaindre ? 
« Après les départementales, j’ai écrit à Marine Le Pen avec accusé de réception, elle ne m’a jamais répondu », assure-t-il.

Pour lui qui milite dans les rangs frontistes depuis 1995, jamais de telles pratiques n’auraient eu cours dans le FN « d’avant ». 
« C’est la première fois que l’on m’oblige à faire ça. Ce n’était pas comme ça sous Jean-Marie Le Pen »

Jean-Luc François Laurent, conseiller municipal FN à Valenciennes, mais écarté des listes pour les régionales, s’est lui aussi plaint de ce système.

Bruno Wolinski, conseiller municipal de Sin-Le-Noble aussi : ils mettent en cause le patron du FN local, Guy Cannie, secrétaire départemental du parti.

Contacté par Marianne, celui-ci met ces propos sur le compte de l’amertume des deux élus, pas retenus pour le scrutin de décembre. 
« M. Boudrenghien a été suspendu l’année dernière par Marine Le Pen et la commission des conflits. Il ne pouvait donc pas prétendre à être candidat », explique-t-il.

Une suspension que confirme l’intéressé.

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