Il y a le sens des mots et le sens que l’on donne aux mots. Le sens des mots relève de l’objectivité : le mot, en tant qu’objet, toujours défini par d’autres mots – c’est le labyrinthe des mots -, se pose à nous qui l’utilisons pour ce qu’il est. En revanche, le sens que l’on donne au mot relève de la subjectivité : le sujet s’empare de l’objet et l’utilise comme il le pense.

Tout homme ne cesse d’opérer ce va-et-vient dans l’usage des mots. Soit par la parole soit par l’écriture. Il y va de la pensée plus ou moins droite, plus ou moins rigoureuse ; de son expression plus ou moins subtile, plus ou moins juste. En somme, il s’agit d’une sorte d’errance naturelle, aux conséquences le plus souvent limitées. Mais ceux qui font profession d’écriture, comme le journaliste ou l’idéologue, errent davantage que les autres et transforment leur errance en jeu de dupes.

Par la manipulation des mots, le journaliste part d’un fait réel mais le contourne et le détourne pour en faire une information selon son propre jugement. Les exemples sont si nombreux que deux seulement, tirés de l’actualité récente, illustreront le propos :

Thierry de Cabarrus (l’Obs) Twitter zélé et toujours prêts à en découdre avec son adversaire de toujours, lançait ceci, le 25 mars à 8h50 : «           Attention à ne pas relayer cette FakeNews lancée par un compte facho qui a disparu depuis : prétendant que le héros de Trèbes avait été égorgé par le terroriste et inventant le témoignage d’un chirurgien. Un mensonge utilisant cette tragédie pour exciter le sentiment islamophobe ».

L’outrance de ce message se heurtant à l’information continue sur le sujet l’obligeait à s’amender dès le lendemain à la même heure :   « Voilà, j’ai donc écrit un tweet idiot pour dénoncer ce qui me semblait du militantisme antimusulman, en l’absence de toute information vérifiable et sur la foi de la version officielle. Depuis l’autopsie a montré que le colonel Beltrame avait été égorgé. Mes excuses à tous ». Dont acte. Cependant, l’on se demande ce qu’il en aurait été si l’urgence ne l’avait poussé à se rétracter.

Le sujet n’eut pas été aussi grave, la manipulation des mots aurait suivi son cours sans autre forme de procès.

Mais les propos du Procureur de la République en charge de l’affaire ne furent pas plus rassurants.  Certes, il décrivit l’acte criminel dans le détail mais selon le descriptif scientifique de l’autopsie. Et il s’abritait derrière celui-ci pour contourner la sinistre réalité du crime et la diluer dans le jargon du technicien : « L’autopsie d’Arnaud Beltrame a montré plusieurs lésions balistiques non létales sur un bras et un pied. Une très grave lésion à l’arme blanche à la trachée et au larynx a entraîné une détresse respiratoire à l’origine du décès ». On le voit, les mots du rédacteur furent utilisés comme il les pensait, et le jugement qu’il se faisait de la réalité en précédait l’usage à des fins manipulatoires.

En outre, il convient de noter que l’empressement de certains à ériger le sacrifice de cet homme en sacrifice propitiatoire était abusif. Qu’il y eut de la noblesse et de l’héroïsme dans l’acte d’abandon du gendarme, cela est incontestable et nous le soulignons sans réserve. Mais, par ignorance du for interne, nous ne pouvons en dire davantage. Requiescat in pace.

Ce qu’indiquait Jean Marie Guénois sur  le site internet du Figaro du 28 mars aurait dû inviter les mêmes encenseurs à la plus extrême prudence : « Profondément catholique, le gendarme qui s’est sacrifié lors de l’attaque de Trèbes avait choisi de conserver son appartenance à une loge maçonnique. Avec une grande dignité, prêtres, maçons et gendarmes dressent le portrait d’un homme fervent ». Par la voix du journaliste, nous retombions de Charybde en Scylla. La manipulation des mots lui faisait souligner l’évidence, pour tous, de l’appartenance de la victime à la fois à l’Eglise Catholique et à la maçonnerie ! Or, tout, dans la doctrine pérenne de l’Eglise, condamne la maçonnerie et rejette sans détours cette double appartenance…

Un autre exemple mérite, lui aussi, une attention toute particulière (http://www.liberation.fr/debats/2018/03/27/reacs-en-culotte-courte_1639255). Il résulte de l’analyse que fait Laurent Joffrin, du journal Libération et disciple résolu de la pensée progressiste et maçonnique française, de l’éveil ou du réveil de la pensée contre-révolutionnaire dans notre pays. Il lance son cri d’alarme et les mots du signataire portent éloquemment la marque de l’idéologie manipulatrice.

A partir de la publication d’un ouvrage de Pascale Tournier, « Le vieux monde est de retour » (Editions Stock)  – que nous n’avons pas lu, précisons-le  -, il se livre à une diatribe acerbe « de la progéniture nombreuse et remuante biberonnée au nationalisme et au christianisme, qui forme désormais la jeune garde de la vieille droite, quand ce n’est pas de l’extrême droite ».

La manipulation des mots est à son faîte et devient le vecteur du progressisme intellectuel qui ne supporte aucun rival. Car ce rival est à ses yeux : « dangereux ? Oui, par l’influence médiatique, le ripolinage des antiennes réactionnaires qui trompe les déçus du progressisme et, surtout, par cette offensive contre les valeurs démocratiques issues des Lumières ». Il dénonce chez l’adversaire toutes les techniques dont il est le vieux routier et dont il se veut le seul garant : « La nouveauté, c’est l’habileté médiatique des protagonistes. En lecteurs appliqués de Gramsci (moins le communisme, bien sûr), ils ont créé un réseau d’influence en colonisant les pages Opinions du Figaro et son site de débats Figarovox, en occupant les colonnes de Valeurs actuelles, en créant des sites au succès indéniable, comme le Salon beige ou Fdesouche ». Il aurait pu citer MPI ! Mais on voit ici la place que s’octroie le personnage, dans la caste qu’il représente, et qui, depuis les années Mitterrand, s’est arrogé le droit de constituer l’immense maillage associatif et intellectuel que l’on sait pour y engloutir l’opinion collective.

Jaloux de ses prérogatives, le professionnel de la manipulation des mots est l’esclave de l’intellectualisme des Lumières dont il ne cesse de revendiquer l’origine. Son culte du progrès, sa haine de l’Histoire, l’érige en pharisien du langage. Il hurle à la mort contre ce qui n’est pas lui, insulte la Croix et n’est jamais fils que de Guillotin. Sa raison est sans socle : elle est dans la seule errance des mots…

Gilles Colroy

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