Ça ne va pas fort à Riyad. Les revenus du pétrole saoudien ont chuté depuis que les États-Unis sont devenus, en 2014, un important exportateur de pétrole de schiste. Les dirigeants saoudiens ont compris, en observant le rôle joué par les Américains dans le coup d’État contre Moubarak en Egypte, qu’ils devaient se méfier de Washington. Ils sont également inquiets du rapprochement entre Washington et Téhéran et ne goûtent pas les pressions idéologiques américaines sur les droits des femmes, l’homosexualité ou la liberté religieuse.
Enfin, la loi contre les commanditaires du terrorisme (JASTA), votée par le Congrès en 2016 malgré le veto du président Obama, permet aux victimes du 11 septembre de poursuivre l’Arabie Saoudite pour son soutien aux terroristes.
La vérité est que, jusqu’à ce qu’Al-Qaida commence à attaquer directement le royaume en mai 2003, l’Arabie Saoudite était le plus grand soutien du djihadisme dans le monde.

Dans les années 60, le roi Fayçal bin Abdul-Aziz a fait appel aux religieux, autant pour contrecarrer le panarabisme de Nasser, qui le menaçait ainsi que les autres monarchies pétrolières, que pour assurer sa légitimité, contre son frère Saoud qu’il avait écarté. Il fut incité à créer l’Organisation de la Coopération islamique et la Ligue mondiale musulmane. Grâce à la manne du pétrole, l’Arabie Saoudite finança massivement les causes islamiques à travers le monde, finançant des mosquées et des écoles coraniques par milliers. Un rapport du Parlement européen a révélé que les Saoudiens ont dépensé 10 milliards de dollars pour promouvoir le salafisme, par le biais d’organismes comme la Ligue mondiale musulmane. Certains de ces organismes de bienfaisance ont été liés à des groupes terroristes comme Al-Qaida, finançant des camps d’entraînement et des écoles religieuses au Pakistan et en Afghanistan
L’attentat de Khobar Towers, en 1996, qui avait tué dix-neuf militaires américains sur le sol saoudien, comme le djihadisme au Cachemire et en Tchétchénie, n’étaient pas mal vus par l’opinion publique saoudienne. Le ministre de l’Intérieur dans les années 1990, Nayef bin Abdel Aziz (le père de l’actuel prince héritier), défendait même Oussama ben Laden et qualifiait le 11 septembre de « complot sioniste ».

Ce n’est que lorsque Ben Laden déclara, le 14 février 2003, la guerre contre la Maison des Saoud, organisant des attentats qui firent des centaines de victimes, que Riyad changea d’attitude contre Al-Qaida dans la péninsule arabique (AQAP).
En 2010, ce sont les services de renseignements saoudiens qui ont permis de déjouer un attentat de l’AQAP contre les Américains. Les services secrets saoudiens possèdent, et pour cause, une excellente connaissance des cercles djihadistes.

Aujourd’hui, l’État islamique, comme Al-Qaïda, est une menace mortelle pour le régime saoudien, appelant à l’assassinat des dirigeants saoudiens « esclaves des Croisés et des alliés des Juifs ». Riyad a emprisonné plus de 1 600 djihadistes. Les principaux responsables religieux du pays ont dû dénoncer l’État islamique (et Al-Qaïda). Il est beaucoup plus difficile d’envoyer de l’argent aux groupes terroristes, directement depuis l’Arabie Saoudite ; l’argent passe désormais par le Koweït.

L’ancien haut responsable de la CIA, Bruce Riedel, affirme que « les Saoudiens restent bailleurs de fonds des talibans afghans et Lashkar-e-Taiba au Pakistan. » L’argent saoudien alimente également le Front Al-Nusra, Al-Qaida en Syrie.
L’Arabie Saoudite a pourtant lancé un programme de réhabilitation qui permet aux anciens terroristes de réintégrer la société, en leur offrant un emploi et un soutien familial. Plusieurs ont récidivé, de nombreux membres de l’AQAP en particulier. Les Saoudiens constituent, en vérité, une proportion importante des combattants étrangers de l’État Islamique. L’Arabie Saoudite abrite encore de nombreux prédicateurs et organisations religieuses qui embrassent la cause djihadiste et s’opposent à la présence américaine au Moyen-Orient. Des prédicateurs saoudiens condamnent régulièrement les musulmans chiites et l’Iran, légitimant ainsi les positions de l’État islamique.

La campagne militaire saoudienne au Yémen, menée avec un soutien important des Émirats Arabes Unis, ciblant les Houthis alliés à Téhéran, donne encore raison à l’AQAP. La relation de l’Arabie Saoudite avec les terroristes est opaque, les acteurs privés jouent un rôle dominant en Arabie Saoudite. Pourtant, certains reçoivent un mécénat officiel de Riyad. Beaucoup diffusent des discours sur la nature satanique des Juifs, l’apostasie des Chiites, l’hérésie des Ahmadiyyas pakistanais et la nécessité de chasser les occupants étrangers des terres musulmanes. Cela nourrit la guérilla contre les Indiens au Cachemire, les forces américaines en Irak ou les Israéliens en Palestine.

Le roi Salman lui-même, par exemple, a aidé à recueillir des fonds pour les Moudjahidines en Afghanistan et dans les Balkans. La plupart des Saoudiens sont partisans du salafisme, hostile aux non-musulmans et légitime la lutte contre Israël, l’Inde et les États-Unis.

L’effondrement du prix du pétrole a exposé des vulnérabilités alarmantes : le déficit budgétaire du royaume, aujourd’hui, est le plus important de son histoire. Dans un réflexe de survie devenu ancestral, la famille royale s’appuie, plus que jamais, sur les religieux pour se maintenir au pouvoir. Le roi Salman est allé en guerre au Yémen contre l’avis des États-Unis, a critiqué ouvertement l’administration Obama sur les accords avec l’Iran, intensifie ses actions en Syrie. Riyad reste un obstacle important pour vaincre l’État islamique, comme Al-Qaïda. Ce n’est pas un ami.

Source : Daniel L. Byman, The National Interest

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