Mademoiselle Martin avait demandé à M. le curé de pouvoir faire la crèche de Noël dans la petite chapelle latérale dédiée à la Vierge couronnée. Ce matin-là, à la demande de la toujours dévouée Melle Martin, M. le curé avait répondu un peu froidement, en précisant qu’il voulait quelque chose de simple et de discret. « Pas d’exagération !» avait-il lancé en fermant la porte. Après avoir rassemblé le matériel nécessaire, la vieille sacristine se met courageusement à l’ouvrage. Du haut de ses quatre-vingts ans, elle n’a pas perdu son énergie, ni son amour pour la confection des crèches ; c’est sa dix-neuvième en ce lieu saint, sans compter toutes celles qu’elle a fait régulièrement chez les malades et les personnes âgées.

« Simple » disait le jeune curé. Y a-t-il quelque chose de plus simple que la crèche ? «  Pas d’exagération » se remémore encore la brave femme courbée sur le petit chemin qu’elle trace avec la sciure de bois. Que veut-il dire par là ? Bien vite, oubliant les paroles du jeune curé bougon, la vieille demoiselle est prise par la contemplation du mystère de l’Incarnation qui prend forme sous ses doigts agiles. Chaque mois de décembre me semble toujours plus beau, se dit-elle. Quelques heures plus tard, émue par la scène achevée et bien que le 24 décembre n’ait pas fait raisonner les cloches et les cantiques de la venue du divin Messie, Melle Martin dépose pieusement et délicatement le petit Enfant Jésus sur la paille fraîche. Là, seule, elle ne peut s’empêcher de se recueillir dans le silence ; il lui semble goûter une portion d’éternité. Péniblement elle se met encore à genoux et semble se perdre dans une profonde adoration et un cœur à cœur avec son Divin Sauveur. Une voix ferme et sonore la tire de sa contemplation :

« Mademoiselle ! Vous n’avez pas encore terminé ce travail que j’avais souhaité simple ? lance M. le curé visiblement agacé par la présence de la sacristine. Dans moins de dix minutes je reçois le groupe œcuménique de la région. Vous savez très bien que nous ouvrons l’atelier de travail à 17 h dans l’église. »

M. le curé parlait encore lorsque deux messieurs en djellaba se présentent à ses côtés. La sacristine, confuse, s’empresse de ranger le matériel et de donner un coup de balais rapide autour de la crèche.

« Que représente cette petite scène ? » questionnent les nouveaux venus.

Avant même que M. le curé n’ait eu le temps de dire un mot, la sacristine, fière de son œuvre, répond haut et fort :

« C’est la venue du Sauveur Jésus ! » Les yeux du prêtre semblent se transformer en revolver.

« Ne vous inquiétez pas », reprend immédiatement M. le curé en se tournant vers ses invités, « si quelque chose devait vous choquer dans cette église, n’hésitez pas à m’en faire part. D’ailleurs, oui ! poursuit-il, cette crèche est un peu imposante et… »

« Quelque peu choquants ces animaux autour de cette scène religieuse ! Ne trouvez-vous pas ? » interroge l’imam.

« Oui, oui, b, b, b, bien sûr », bégaye le curé surprit ; « d’ailleurs si j’ai bonne souvenance, nos dernières recherches bibliques mettent sérieusement en doute leur présence ; je vais les enlever » et « hop » dit encore le prêtre en subtilisant d’un geste rapide l’âne, le bœuf et les quelques moutons.

« Bravo ! » s’exclame la voix rauque du pasteur protestant qui avait suivi la scène de près.

M. le curé se précipite vers le nouveau venu en lui tendant chaleureusement la main…

« Soyez le bienvenu parmi nous M. le pasteur ; je suis très heureux de vous avoir réjoui par mon geste œcuménique envers nos frères musulmans. »

« En effet, je suis ravi car nous, protestants, avons toujours lutté contre toutes ces représentations devant lesquelles certaines personnes se prosternent. Cela est choquant pour nous. »

« CHOQUANT ! » Ce mot transperce le cœur si bienveillant du jeune curé. « Aaah ! Monsieur le pasteur, je vois que nos sensibilités se rejoignent. Vous faites bien à cette occasion de témoigner de vos douleurs. C’est à travers ce dialogue positif que nous construirons tous les ponts nécessaires pour nous retrouver dans l’unité. Oui, je vois bien que ces statuettes quelques peu vieillottes vous choquent. »

Tout en parlant le curé se penche encore vers la crèche pour y enlever les trois bergers…

« Je vous remercie cher frère en Christ pour votre geste significatif », dit le pasteur.

Entre temps, la délégation hindoue avait rejoint le petit attroupement réuni autour de la crèche, suivie des représentants du Dalaï-lama. Un moine bouddhiste prend la parole et dit :

« Je vois que cette réunion insuffle la bonne humeur dans les cœurs. Recevez en cette occasion, M. le représentant de la voie œcuménique, notre présent de la part du Dalaï-lamas, malheureusement absent en ce jour. »

Ce disant, il tend un petit bouddha doré au curé ravi.

« Quant à nous, poursuit un des hindous, la statue de Shiva vous est offerte en signe d’union dans la paix. »

« Merci, merci chers amis. »

Le curé s’arrête un instant les deux statuettes à la main. Il semble réfléchir, et se tournant vers la crèche…

« Eh bien ! Qu’en pensez-vous? Je dépose en signe d’unité ces deux magnifiques statues dans notre crèche. Où vais-je les mettre… attendez… et oui… »

Il saisit la statue de Saint Joseph puis celle de la Sainte Vierge, et les tendant vers mademoiselle Martin lui dit :

« Tenez, rangez-moi tout cela avec le reste, on n’en a plus besoin. »

« Puisque nous sommes dans les cadeaux », dit un des derniers invités arrivé sur les lieux, je suis heureux de vous offrir cette petite pyramide en verre qui contient un peu de terre du sol de la Terre Sainte. »

« Aaah ! » Monsieur le Rabbin, « quelle grandeur dans ce geste », s’exclame le jeune curé. « Permettez que je dépose cet objet précieux dans notre crèche œcuménique. Où vais-je… »

Le curé s’arrête brusquement. Il semble soudainement absorbé par une profonde réflexion. A côté de Shiva ? de Bouddha ? ou de Jésus ? Mais une lumière scintille dans son esprit : Tonnerre ! Jésus… Le Rabbin… Incompatible ! Ca sent le drame. L’œuvre de l’œcuménisme fleurissant risque de se faner d’un seul coup. Sans compter le démarrage raté de notre réunion œcuménique… L’évêque ne sera pas content ! Bref ! Il faut agir et vite.

D’un geste aussi rapide que précis, il saisit la statue de l’Enfant Jésus, la tend à mademoiselle Martin qui se trouvait non loin de là en lui disant à voix basse :

« Rangez-moi ça dans votre carton et cachez rapidement le tout dans la sacristie. »

Puis, se tournant vers la crèche, il dépose la pyramide de M. le Rabbin à la place de l’Enfant Dieu entre Shiva et Bouddha. Il se retourne ensuite vers ses invités avec un sourire banane, et commence un petit discours de bienvenue, louant cette          innovation géniale de la crèche œcuménique.

Entre-temps, la brave sacristine, Melle Martin, chargée de son carton rempli de toutes les statues de la crèche, se dirigeait à pas lents vers la sacristie. Il lui semblait vivre un cauchemar, ses jambes ne la portaient presque plus, ses larmes coulaient abondamment. Jésus, Marie, Joseph, les bergers et même les animaux chassés de la crèche… Est-ce possible ? Une phrase de l’Écriture lui vint à l’esprit : « II n’y avait pas de place pour eux… » Même pas dans la crèche de nos églises ? murmurait-elle sans cesse en pénétrant dans la sacristie. Elle est subitement tirée hors de ses réflexions par le babillage d’une dizaine de petits garçons en soutanelles rouges, qui se préparaient pour la répétition de liturgie avec le frère Bernard.

—        Martin ! s’écrie l’un d’eux, que transportez-vous dans ce carton ?

—        Tous les personnages de la crèche, répond-elle machinalement.

—        Ooooh ! On peut les voir ?

Le carton est déposé sur la table et les petites mains se plongent délicatement dans cette « boîte à trésors ».

—        Regardez ! J’ai attrapé un mouton, s’écrie le premier.

Tous rient de bon cœur.

—        Et moi, je tiens saint Joseph, dit celui-ci.

—        Allons, les amis, faisons notre crèche !» s’écrie le plus grand.

Le carton est incliné sur le côté, la paille sert de litière pour les animaux et de lit pour l’Enfant Jésus. Un vieux bout de tissu gris recouvre le carton pour imiter la rocaille. Voilà qu’en moins de cinq minutes l’Enfant-Jésus avait retrouvé un lieu de résidence. Toutes les frimousses sont maintenant penchées vers cette crèche de fortune. Insensiblement le silence se fait et l’un d’eux murmure encore :

—        C’est beau, hein, Mademoiselle !

—        Chuuuut ! Zézus dort !.. dis le petit Jean.

Puis, comme poussé par une grâce céleste, Henri se met à entonner un chant de Noël, et toutes les petites voix le suivent dans son élan d’amour… « Les Anges dans nos campagnes… » suivi du : « GlooOooooria in excelsis Deo ». La sacristie semble remplie d’anges et est comme enveloppée d’une présence divine et paisible. Melle Martin ne contient plus ses larmes, mais cette fois elles expriment la joie d’un cœur qui a retrouvé le bonheur de son enfance, une joie vraie parce que simple, parce que divine.

Attiré par le « tapage », bien que lointain, M. le curé profite du discours du pasteur protestant pour faire irruption dans la sacristie :

—        Que se passe-t-il ici ?

Dix frimousses le regardent en silence.

—        On adore jésus dans la crèche…, dit alors Henri.

—        et puis on sante des samps pour faire dormir Zésus… C’est notre manière à nous d’lui dire qu’on l’aime, parce qu’y en a des zens pas zentis qui lui on pas donné de maison, poursuit le petit Jean, rouge comme un coq.

Le Curé est comme paralysé face à tous ces petits bambins silencieux en habit de chœur ; la dernière phrase de Jean l’a frappé comme une flèche de feu. Le film de sa jeunesse se déroule dans sa tête ; il se rappelle que lui aussi avait été enfant de chœur et avait adoré Jésus dans la crèche avec la même simplicité et… petit à petit, —comme tout à l’heure devant la crèche de l’église ; sous une multitude de prétextes — il avait gommé les vérités qui nous enseignent la divinité du Christ, qu’il n’y a qu’un seul Dieu ; sa royauté ; la Vierge Marie et son rôle de corédemptrice, etc. Que restait-il de tout cela ? Une âme ruinée par les démissions successives ! Des paroles creuses, du vent.

Ces dix petits enfants de chœur, comme des anges venus du ciel, venaient de lui rappeler la vraie bonne nouvelle de la venue du Sauveur Jésus. L’angoisse le saisit à la gorge, il se retire pâle et triste, sans pouvoir prononcer une seule parole ; et pourtant dans le fond de son âme une petite joie se réveille, oui, je crois bien que c’est ça : la joie d’avoir, en un court instant, retrouvé son maître et Seigneur JESUS qui l’avait appelé pour devenir son prêtre.

La porte de la sacristie est à peine refermée que le pauvre curé se sent défaillir. Une sueur froide coule sur son front, le cœur semble vouloir sortir de sa poitrine. Pris de panique, il s’appuie sur la colonne de l’apôtre Paul, et insensiblement son regard se tourne en direction de la chapelle de la Vierge couronnée. Et malgré son souffle bien court, il trouve encore la force de dire : « Marie, sauvez-moi ! » Un élancement dans la tête semble le foudroyer…, il perd connaissance…

Quelques minutes plus tard, il se relève, son visage paraît serein. Puis, d’un pas décidé, il se dirige vers le guitariste Jiji qui grattait ses derniers accords. Il saisit le micro et s’adressant à tous les assistants, il dit d’une voix ferme et grave :

— Messieurs, je vous remercie de votre visite. Pour des raisons graves, je me vois dans le devoir d’interrompre cette cérémonie. Ainsi je vous demande maintenant de bien vouloir quitter celle église dédiée au Très Saint Sauveur.

Et d’un geste large, il montre la porte de sortie aux gens des premiers rangs. Un grand brouhaha s’installe. Les discussions vont bon train, tout le monde s’interroge, mais le curé sans faire le moindre commentaire accompagne les derniers jusqu’à la porte en donnant quelques poignées de mains. La porte d’entrée est fermée à clef.

Puis, d’un pas ferme, le curé retourne à la sacristie. Là, sans dire un mot, il enfile son surplis à dentelles, rassemble les enfants de chœur en les mettant sur deux colonnes, distribue les divers personnages de la crèche à chaque enfant se réservant celui de l’Enfant Jésus et ordonne d’un ton solennel de commencer la procession en direction de la crèche. Celle-ci est débarrassée des objets insolites et ornée par les statues de plâtre qu’à tour de rôle chaque enfant vient déposer sur la mousse fraîche. Enfin, M. le curé dépose la statue de l’Enfant Jésus au centre. Il se tourne ensuite vers les enfants de chœur en leur disant :

— rappelez-vous toujours qu’il n’y a qu’un seul Dieu et qui s’appelle Jésus ! Mettons-nous à genoux et adorons-le !

Une douceur mystérieuse s’installe dans l’église… Après quelques minutes de silence, M. le curé entonne des chants de Noël…

—Alors, j’avais quand même raison ! murmure la bonne sacristine.

Et vous cher lecteur !

N’avez-vous pas aussi commencé à gommer certaines vérités fondamentales de votre sainte religion ? De concession en concession vous avez peut-être déjà invité des divinités étrangères à l’autel de votre cœur et vous ne voyez plus d’inconvénient à en inviter d’autres ; les prétextes sont nombreux ; votre oreille est souvent tendue vers les sirènes de la paix et de l’unité qui vous séduisent, et Jésus n’est plus qu’un bienfaiteur de l’humanité au milieu de tous les autres. Bientôt il sera un gêneur, que vous rangerez dans le musée de votre chœur à côté des fossiles des temps antiques.

Revenez vite à la joie de Noël avant que ce petit Enfant couché dans la crèche ne se présente à vous avec la sévérité d’un roi qu’on a voulu détrôner. Attention ce Roi est Dieu !

Que la conversion de ce curé vous stimule et vous aide à remettre Jésus à sa juste place.

Je prie pour cela et vous bénis.

Abbé Michel Koller

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