mickail gamandiy egorovMikhail Gamandiy-Egorov est journaliste chroniqueur à la Voix de la Russie. Nous l’avons interrogé  sur les derniers événements de Crimée et la Russie pour en savoir plus et donner une autre vision.

1)      Mikhail Gamandiy-Egorov, vous travaillez à la Voix de la Russie et c’est pour nous l’occasion de revenir un peu plus sur l’actualité récente au cœur duquel était la Russie. On peut le dire les Jeux Olympiques de Sotchi ont été un vrai succès pour la Russie et Poutine. Peut-on penser que les événements de Crimée sont venus ternir ce bilan alors que se profile déjà la Coupe du Monde en 2018 ?

 

Je ne crois pas que les événements de Crimée sont venus ternir quoique ce soit. La Russie était effectivement concentrée sur les Jeux olympiques de Sotchi lorsque d’autres forces, au lieu de respecter la trêve olympique, ont voulu utiliser ce moment de paix pour réaliser des plans franchement malsains. Ce n’est d’ailleurs pas la première fois que la période de trêve olympique est utilisée pour déstabiliser les peuples. En août 2008, lors du jour d’ouverture des Jeux olympiques d’été de Pékin, le régime géorgien de Saakachvili soutenu par les USA, d’autres pays occidentaux et Israël, avait lancé une attaque contre Tskhinval, la capitale de l’Ossétie du Sud. Donc tant que nous aurons des forces qui pensent que les périodes de grands événements, sportifs ou autres, censés être de véritables moments de paix, constituent pour ces forces des périodes « idéales » pour déstabiliser des pays et nations, alors on ne doit pas s’étonner du chaos qui s’y crée. La Russie ne fait pas partie de ces forces et ce n’est pas elle qui crée ce chaos. En ce qui concerne les JO de Sotchi et la Crimée, je ne dirais que deux choses : les JO ont été effectivement un grand succès, la Crimée elle a évité le bain de sang et le chaos qui règne aujourd’hui en Ukraine.

 

2)      La situation en Ukraine s’est rapidement dégradée juste à la fin de ces Jeux Olympiques. Poutine a-t-il été surpris par cette succession rapide d’événements alors qu’il avait encore la tête dans l’événement sportif ou bien avait-il déjà un plan en tête en cas de chute de Ianoukovitch ?

Vladimir Poutine est effectivement un grand stratège. Mais en ce qui concerne l’Ukraine et la situation qui y prévaut, je ne crois pas que durant la période des JO de Sotchi, il avait concrètement un plan. Lorsque la situation en Ukraine s’est en effet dégradée, il a agi en conséquence.

3)      Selon certains journalistes russes, il n’y aurait pas une telle volonté du peuple de Crimée d’adhérer à la Fédération de Russie. Les premières mesures du gouvernement issues de la révolution de la place Maïdan ont provoqué de l’inquiétude. Le gouvernement provisoire ukrainien a-t-il été maladroit ?

Chacun a le droit de penser et de dire ce qu’il considère être bon, surtout si c’est effectivement leur propre avis et non autre chose. Mais je pense personnellement qu’il faut être de très mauvaise foi pour ne pas voir le degré d’enthousiasme des Criméens quant à l’idée du ralliement à la Russie. Pour ma part et j’en suis convaincu : l’écrasante majorité du peuple de Crimée voulait revenir au sein de la Russie. Je dis bien revenir. Et cela ne date pas d’hier. La Crimée est historiquement russe. Lors de l’éclatement de l’URSS, les Criméens avaient déjà exprimé le désir de rejoindre la Fédération de Russie mais les responsables politiques de l’époque ont préféré ignoré ces appels. Après et en ce qui concerne la réalité actuelle, bien sûr que les premières mesures du nouveau pseudo-gouvernement ukrainien, dont la Russie ne reconnait pas la légitimité, ont rapidement montré le vrai visage de ceux que l’Occident présentait comme de « gentils personnages » voulant le bien pour leur pays. Vous savez, je ne crois pas que l’on puisse parler de maladresse. Simplement lorsque vous avez au sein de cette « coalition » des extrémistes ultra-nationalistes et néo-nazis et également des marionnettes qui ne font qu’appliquer les ordres de l’extérieur, je ne pense pas qu’il fallait alors s’attendre à autre chose. Tout cela évidemment a provoqué la réaction conséquente de la Crimée et des régions du Sud-Est de l’Ukraine, majoritairement russophone et russophile.

4)      Annexion pour les uns, référendum légal pour les autres. Comment peut-on interpréter les retrouvailles entre la Crimée et la Russie ? Est-ce tout simplement le rétablissement d’une anomalie historique ?

Je pense effectivement qu’il s’agit d’une justice historique. Peut-être que cette justice n’aurait pas eu lieu récemment si ceux qui ont déstabilisé l’Ukraine ne seraient pas allé trop loin. L’Ukraine, il faut le dire est un Etat artificiel, avec des populations qui voient leur passé, leur présent et leur avenir d’une manière très souvent diamétralement opposée. De même que l’interprétation de leur histoire. Mais si les gouvernements occidentaux, qui voulaient donner une gifle à la Russie et prendre une revanche sur la victoire diplomatique russe en Syrie, n’auraient pas fait tout ce qui était en leur pouvoir pour déstabiliser l’Ukraine, y compris en soutenant (comme en Syrie d’ailleurs) des extrémistes déclarés, peut-être que l’Ukraine aurait pu encore garder un semblant « d’unité ». Aujourd’hui je crois que c’est chose impossible. Quant à la gifle, elle s’est de nouveau retourné contre les élites politiques occidentales.

En ce qui concerne le référendum, il est bel et bien question d’une volonté du peuple de Crimée. Et il s’est déroulé en tout légalité. Les mêmes qui crient hystériquement aujourd’hui oublient le cas du Kosovo qui a obtenu son indépendance par l’aval unilatéral des pays occidentaux alors qu’à Belgrade se trouvait un gouvernement légitime, totalement opposé à ce qu’on lui arrache son berceau historique. En Ukraine aujourd’hui il n’y a pas de gouvernement légitime. Et lorsque les nouvelles pseudo-autorités à Kiev via leurs extrémistes qui contrôlent désormais les rues et font la loi dans une partie de l’Ukraine ont commencé à ouvertement menacer les habitants des régions qui ne sont pas d’accord avec cette donne, les habitants de Crimée ont pris leur responsabilité et ont fait un choix légitime.

5)      Certains se plaisent à dépeindre Poutine comme le nouveau Staline qui voudrait reprendre toute l’Europe de l’Est sous sa botte. Aujourd’hui quelqu’un sait-il ses intentions ? A-t-il des visées au-delà de la Crimée ?

La comparaison de Poutine à Staline me fait franchement sourire. Évidemment, ceux qui créent le chaos aux quatre coins du monde ont tout intérêt à créer des images irréalistes et grotesques de ceux qui ne sont pas d’accord avec ces pratiques, qui mènent une politique indépendante et qui résistent aux tentatives de nuire à la souveraineté de leurs Etats. Je vous rassure, ni Poutine ni la Russie ne comptent « reprendre toute l’Europe de l’Est » ou quoique ce soit. C’est à vous Européens, de décider de votre avenir. En Russie, on respecte la souveraineté des Etats, il serait bon que des pays comme les USA en fassent autant mais leur « exceptionnalisme » les en empêche certainement.

6)      Paradoxalement à une russophobie ambiante récurrente du monde occidental, Poutine n’a jamais été aussi populaire en Russie. À quoi, cela est-il dû ?

Vous savez, je ne crois pas que la russophobie soit désormais si ambiante que cela dans le monde occidental. Si vous parlez des principaux médias occidentaux, là oui, la russophobie bat son plein. Mais en ce qui concerne l’opinion publique occidentale, je crois que nous vivons un véritable retournement de la situation. Ayant fait mes études à Paris, à la Sorbonne, je me souviens qu’alors la russophobie était assez répandue, y compris au sein de l’opinion publique. Aujourd’hui bien que je vive à Moscou, je n’ai pas perdu le contact avec la France, et vu que je voyage assez souvent, je peux vous dire qu’en l’espace de quelques années la situation a énormément évolué, et ce globalement parlant dans tout le monde occidental. Je pense que cela est dû au fait que les gens sont lassés d’être manipulés. Les Français ont vu les mensonges de leurs médias sur la Syrie, ils voient aujourd’hui les mensonges sur l’Ukraine aussi. Plus généralement, c’est un processus mondial. En Afrique par exemple, le continent de l’avenir et dont je suis un grand partisan, l’opinion publique est aujourd’hui extrêmement positive vis-à-vis de la Russie.

En ce qui concerne nous, les Russes, il est vrai qu’après les années sombres de notre histoire récente, je parle des années 1990, on avait besoin de retrouver la stabilité, le succès et aller de l’avant. Aujourd’hui en 2014, la Russie est un pays totalement différent de celui qui a suivi l’éclatement de l’URSS. Et les Russes ne sont pas dupes pour ne pas s’apercevoir des changements qui ont été réalisés, surtout depuis 2000. Aussi bien sur le plan intérieur qu’extérieur.  Sur le plan intérieur et en l’espace de dix ans (2000 à 2010), les salaires ont été multipliés par dix. Les retraites ont également augmenté, comme d’autres avantages sociaux. Le niveau de vie de la Russie d’aujourd’hui est incomparable à celui qui prévalait avant et vers l’année 2000, lorsque le marasme économique était tout simplement criant. D’autre part, la Russie n’a probablement jamais été aussi libre. Les citoyens russes voyagent beaucoup, découvrent le monde et profitent de la stabilité pour bâtir leur avenir. Une vraie classe moyenne a vu le jour. Sur le plan démographique, la natalité est de nouveau dans le positif. Sur le plan extérieur, la Russie a retrouvé la place qui est la sienne. En général, les Russes comprennent parfaitement que la Russie version 2014 est de loin bien meilleure que celle de 1991 à 2000. Et le leadership de Poutine y est bien pour quelque chose.

7)      Pour finir, les médias occidentaux n’arrêtent pas de parler de propagande russe. Ne serait-il pas juste de parler également d’une propagande atlantiste ? Le conflit n’a-t-il pas aussi une dimension sémantique ?

Il serait effectivement et parfaitement juste de parler de propagande atlantiste. En ce qui concerne la Russie, disons qu’aujourd’hui elle répond à cette propagande médiatique occidentale de plus en plus efficacement. C’est ce qui s’appelle la réinformation. Surtout à l’heure des nouvelles technologies et des moyens qui en découlent. Aujourd’hui, toute personne désireuse de se faire sa propre opinion a pratiquement tous les moyens de le faire. Différentes sources d’opinions et d’informations, analyse personnelle : tout est là pour se faire une vraie idée de telle ou telle chose. Et sur ce point, je pense que le mainstream occidental est en train de perdre.

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