Cinq ans après le lancement de l’Opération Serval au mois de janvier 2013, la forte augmentation des actions armées ainsi que leur extension dans la partie centrale du Mali ne doivent pas faire perdre de vue qu’avec les faibles moyens dont ils disposent, les hommes de Barkhane ont réussi à :
– perturber les mouvements terroristes,
– limiter leur liberté d’action,
– empêcher leur coagulation,
– protéger la région du lac Tchad, pivot régional,
– rendre la plus hermétique possible la frontière entre la Libye et le Niger, évitant ainsi le réensemencement du jihadisme sahélien à partir de la Libye.

L’immense zone saharo-sahélo-guinéenne ne pourra cependant jamais être pacifiée sans un véritable quadrillage hors de nos moyens et inenvisageable politiquement. De plus, même à supposer que nous puissions couvrir toute cette vaste région, nous ne contrôlerions pas pour autant l’Algérie, la Libye et le Nigeria d’où pourraient être lancées des actions terroristes.

Le G5 Sahel est-il alors la solution ?

On peut légitimement en douter car, là encore, il ne traitera pas les causes du conflit
Dans ce sombre tableau, un élément positif apparaît de plus en plus, celui des limites de l’ennemi jihadiste qui se trouve face à une grande contradiction. Son islam qui se veut universel, n’a en effet pas réussi à ce jour à transcender les ethnies. Tout au contraire puisque, face à l’échec de son projet universaliste, il s’est vu contraint de prendre appui sur elles.

Par le passé les jihads régionaux furent portés par une ethnie, en l’occurrence les Peul dont le mouvement s’est répandu comme une trainée de poudre à travers des espaces ouverts.
Aujourd’hui, la situation est différente car tout mouvement révolutionnaire de grande ampleur est freiné par l’existence des frontières, même quand elles sont théoriques. La question qui se pose est donc désormais de savoir si l’addition des revendications ethniques particulières et contradictoires que soutiennent les islamistes, peut déboucher sur un engerbage au sein d’un califat transethnique et donc sur un vaste mouvement islamiste régional de type jihadiste à l’image de ce que le Sahel a connu aux XVIIIe  et XIXe siècles.

Les exemples de la Libye et du Nigeria semblent indiquer le contraire. Quant au Mali, le phénomène jihadiste y a débouché sur la parcellisation du pays à travers un émiettement impressionnant puisque les islamistes soutiennent chacune des revendications ethnotribales contradictoires les-unes aux autres.
L’exemple des Peul du Macina illustre clairement mon propos. Dans cette partie centrale du Mali, le recrutement de certains Peul par les jihadistes est favorisé par le problème social dans la mesure où des individus marginalisés voient dans l’islam jihadiste le moyen d’une revanche sur les aristocraties locales.
L’exemple du Macina se retrouve ailleurs. Ainsi dans la zone frontalière entre le Niger et le Mali, et plus largement vers Menaka, les Peul Daoussak (Daoussahak ou Dawasak), traditionnellement bergers des Touareg Ouelleminden Kel Ataram auxquels ils sont intégrés, s’opposent aux Peul de Tillabery. En 2012, ces derniers avaient rejoint le Mujao pour mieux combattre les Daoussak avec lesquels, depuis la nuit des temps, ils sont en concurrence pour l’accès à l’eau et aux pâturages. Aujourd’hui, les Peul de Tillabéry ont migré du Niger au Mali, vers Menaka, d’où des tensions avec les Daoussak de Ménaka.

C’est donc au milieu de cet imbroglio qu’opèrent nos forces, avec un risque majeur qui est de les voir prises au piège de conflits qui leur sont étrangers et qu’elles ne sont pas en mesure de régler.

 

Bernard LUGAN
(
L’Afrique réelle n°100)
Numéro spécial consacré au Mali avec cartographie

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