Suite de l’entretien du pape François au quotidien des évêques italiens Avvenire : le jubilé et l’œcuménisme sont les fruits de Vatican II – IIIe partie. (Cliquez ici, ici et ici pour avoir accès aux trois premières parties.)

Quand à Cuba vous avez rencontré le patriarche Cyril, vos premières paroles ont été : “Nous avons le même baptême. Nous sommes évêques.”

Quand j’étais évêque à Buenos Aires, j’étais heureux de toutes les tentatives mises en action par de nombreux prêtres pour faciliter l’administration des baptêmes. Le baptême est le geste avec lequel le Seigneur nous choisit, et si nous reconnaissons que nous sommes déjà unis dans le baptême cela veut dire que nous sommes unis sur ce qui est fondamental. C’est cette source commune qui unit tous les chrétiens et nourrit chacun de nos possibles nouveaux pas pour retourner à la pleine communion entre nous. Pour redécouvrir notre unité nous ne devons pas “aller au-delà” du baptême. Avoir le même baptême veut dire confesser ensemble que le Verbe s’est fait chair : c’est cela qui nous sauve. Toutes les idéologies et les théories naissent des personnes qui ne s’arrêtent pas à cela, qui ne restent pas dans la foi qui reconnaît Jésus venu dans la chair, et qui veulent “aller au-delà”. De là naissent toutes ces positions qui enlèvent à l’Église la chair du Christ, qui “désincarne” l’Église. Si nous regardons ensemble notre baptême commun, nous en venons aussi à être délivrés de la tentation du pélagianisme, qui veut nous convaincre que nous nous sauvons par nos propres forces, avec notre activisme. Et s’arrêter au baptême nous sauve aussi de la gnose. Cette dernière dénature le christianisme en le réduisant à un parcours de connaissances, qui peut s’abstenir d’une rencontre réelle avec le Christ.

Le-pape-Francois-beni-par-le-patriarche-de-Constantinople_article_mainLe patriarche Bartolomé dans un entretien à Avvenire a dit que la racine de la division fut la pénétration d’une “pensée mondaine” dans l’Église. Pour vous-aussi, est-ce la cause de la division ?

Je continue à penser que le cancer dans l’Église c’est se glorifier mutuellement. Si quelqu’un ne sait pas qui est Jésus, ou ne l’a jamais rencontré, il peut toujours le rencontrer; mais si quelqu’un est dans l’Église, et se meut en elle juste parce que c’est à l’intérieur de l’Église qu’il cultive et alimente sa faim de domination et d’affirmation de soi, il a une maladie spirituelle, il croit que l’Église est une réalité humaine auto-suffisante, où tout bouge selon une logique d’ambition et de pouvoir. Dans la réaction de Luther il y avait aussi de cela : le refus de l’image d’une Église comme une organisation qui pouvait aller de l’avant en se passant de la Grâce du Christ, ou en la considérant comme une possession assurée, garantie à priori. Et cette tentation de construire une Église autoréférentielle, qui porte à l’opposition et donc à la division, revient toujours.

Concernant les orthodoxes, on cite souvent la “formule Ratzinger”, énoncée par le théologien qui devint ensuite pape : celle selon laquelle “concernant le primat du Pape, Rome ne doit exiger des Églises orthodoxes rien de plus que ce qui fut établi et vécu durant le premier millénaire.” Mais la perspective de l’Église du début et des premiers siècles que peut-elle suggérer d’essentiel, dans le temps présent ?

Nous devons regarder le premier millénaire, puis ensuite s’en inspirer. Il ne s’agit pas de revenir en arrière de manière mécanique, ce n’est pas seulement faire “marche-arrière” : on y trouve des trésors valables encore aujourd’hui. Avant j’évoquais l’autoréférentialité, l’habitude peccamineuse de l’Église de  trop se regarder, comme si elle croyait briller d’elle-même. Le patriarche Bartolomé a dit la même chose en parlant “d’introversion” ecclésiale. Les Pères de l’Église des premiers siècles savaient que l’Église vit instant par instant de la Grâce de Dieu. Pour cela, et je l’ai déjà dit, ils disaient que l’Église n’a pas de lumière personnelle, et ils l’appelaient mysterium lunae, le mystère de la lune. Parce que l’Église donne la lumière, mais ne brille pas d’elle-même. Et quand l’Église, au lieu de regarder le Christ, se regarde elle-même arrivent alors les divisions. C’est ce qui est arrivé après le premier millénaire. Regarder le Christ nous libère de cette habitude, et aussi de la tentation du triomphalisme et du rigorisme. Et nous fait cheminer ensemble sur la voie de la docilité à l’Esprit-Saint, qui nous porte à l’unité.

Dans diverses Églises orthodoxes il existe des résistances au chemin vers l’unité, comme celles de ceux que le métropolite Ioannis Zizioulas définit “les talibans orthodoxes”. Certaines résistances peuvent encore exister aussi du côté catholique. Que faut-il faire ?

L’Esprit-Saint mène à bien toutes choses, dans les temps que Lui décide. Pour cela il ne faut pas être impatients, défiants, anxieux. Le chemin demande patience pour conserver et améliorer ce qui existe déjà, qui est beaucoup plus que ce qui nous divise. Et témoigner son amour pour tous les hommes, afin que le monde croit.” (Traduction de Francesca de Villasmundo)

Francesca de Villasmundo

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