Suite de l’article : Opérations militaires en Syrie : trois fronts concomitants – 2 : la Province d’Idlib

Après Alep (qui se termine) et Idlib (qui pourrait commencer bientôt), le troisième front majeur en Syrie est celui de Raqqa, la capitale de l’Etat islamique.

Pour bien comprendre les enjeux de la guerre en Syrie et les stratégies militaires qui en résultent, il faut avoir bien présent à l’esprit que l’Etat islamique règne aujourd’hui sur un territoire assez restreint et bien loin de ce que l’on appelle la Syrie utile. Il ne s’étend finalement que le long de l’Euphrate, depuis le nord de Raqqa jusqu’à Deir er Zor vers l’est et la frontière iraquienne.

Les Russes ont, depuis le début de leur intervention, négligé de s’attaquer à ce territoire dépourvu d’intérêt stratégique. Cela leur a été beaucoup reproché mais l’urgence n’était pas là. Il fallait dans un premier temps bloquer la progression des milices islamistes dans la province d’Idlib (cf notre article précédent) puis chasser des grandes villes les insurgés. Ce fut fait à Homs, Damas (même si la campagne proche à l’ouest est toujours occupée) et Alep maintenant.

Il y a fort à parier que l’armée russe ne va toujours pas organiser d’offensive contre Raqqa. Il semble en effet plus important de sécuriser d’autres zones : l’est d’Alep, l’ouest de Damas (la fameuse Ghouta où le Roi Louis VII perdit une partie de son armée lors de la désastreuse deuxième croisade) et Idlib bien sûr.

La force de l’Etat islamique a longtemps résidé dans le fait que la frontière turque lui était ouverte, ce qui permettait l’acheminement incessant d’armes et de volontaires venus du monde entier. Mais il a fini par se heurter à la volonté des kurdes de saisir l’occasion de cette guerre pour, enfin, se tailler un territoire dans le nord de la Syrie. Ils sont en effet majoritaires dans de nombreuses petites villes de cette région et si une neutralité réciproque avait été trouvée avec l’armée syrienne, la présence de l’Etat islamique dans cette région a permis aux kurdes de bénéficier de l’aide américaine pour l’en expulser.

Cette offensive s’est traduite par la fameuse bataille de Kobané qui, après des bombardements massifs de l’aviation américaine, a permis aux Kurdes de chasser l’Etat islamique de cette ville en janvier 2015 et de le couper de la frontière turque.

On se doute qu’Erdogan n’a pas assisté au dénouement de cette bataille avec beaucoup d’allégresse. Une enclave kurde sur sa frontière syrienne est pour lui inacceptable mais la présence des Américains sur le théâtre d’opérations lui interdisait évidemment toute initiative.

L’intervention russe va tout changer.

Dans un premier temps tout va mal entre Poutine et Erdogan. Ce dernier n’avait en effet qu’une obsession : la chute de Bachar pour d’une part créer l’arc sunnite avec ses amis Saoudiens et Qataris et d’autre part devenir le nouveau sultan de la région. Son ambition démesurée était telle qu’il en a perdu le sens commun. En donnant l’ordre d’abattre un bombardier russe il s’attaquait en réalité à plus fort que lui.

La réconciliation ayant eu lieu aux conditions dictées par Poutine, la Turquie a reçu l’aval russe pour franchir la frontière syrienne, et avec l’aide de milices plus ou moins islamistes armées par elle, de s’attaquer concomitamment aux Kurdes et à l’Etat islamique.

Faire faire le travail par d’autres est vieux comme le monde, mais Poutine a, une fois de plus, apporté  la démonstration de sa supériorité stratégique. Dans cette affaire il a surtout convaincu Erdogan de ne plus faire de la chute de Bachar une priorité absolue. En échange, il le laissait intervenir contre les Kurdes, obsession de la Turquie et enjeu mineur pour la Russie. Bien sûr, il y a ces milices armées par la Turquie qui finiront pas poser problème, mais ce n’est pas le plus important pour le moment.

Bachar ne voit pas d’un très bon oeil cette situation. Il craint évidemment que les Turcs ne se retirent plus et ne veut pas avaliser le fait qu’il ne pourra jamais reconquérir l’ensemble du territoire syrien.

C’est une vraie divergence avec Moscou, la seule importante pour le moment. Les Russes ne croient pas l’armée syrienne capable de tenir l’ensemble du territoire, même avec l’aide des Iraniens et du Hezbollah libanais. Tenir la Syrie utile serait déjà un beau retournement de situation alors qu’en 2013 Hollande voulait bombarder Damas et qu’en 2015 Lattaquié risquait d’être sous le feu des canons islamistes.

En tout état de cause c’est Poutine qui décide et Bachar ne peut guère se permettre de le contredire.

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