Philippe de Villiers s’exprimait le 8 juillet, à propos de l’expansion de l’OTAN en Europe, du Brexit, de l’UE et d’une Europe des souverainetés de civilisation chrétienne, qui inclurait logiquement la Russie, mais exclurait logiquement aussi la Turquie.

220px-Philippe_de_VilliersQuestion : Lors du sommet de l’OTAN à Varsovie les Etats-Unis ont annoncé le déploiement de 1 000 soldats en Pologne. Des milliers de soldats de l’OTAN participent aux entraînements en Europe de l’Est et dans les pays baltes. Selon Barack Obama, «l’agression russe contre l’Ukraine» menace l’Europe, c’est pourquoi il appelle à «renforcer la défense» de ses alliés en Europe centrale et orientale. Comment évaluez-vous cette prise de position ?

Philippe de Villiers : Je pense que la position européenne calquée sur les ordres reçus de l’Amérique, donc calquée sur la position américaine repose sur un contresens. L’Europe écrit depuis la fin de la guerre son avenir sur le continent américain. C’est l’Europe de l’après-guerre qu’on poursuit avant la chute du mur de Berlin alors que l’Europe doit être l’Europe «de l’Atlantique à l’Oural» en comprenant la Russie au sens que l’entendait le général de Gaulle quand il utilisait cette expression.

Aujourd’hui il faut faire une Europe confédérale, c’est-à-dire celle qui s’appuie sur les souverainetés nationales à l’Est comme à l’Ouest, qui s’élargisse à la Russie qui peut servir d’interface pour les hommes de la puissance de demain. Il est absurde de considérer aujourd’hui Poutine et la Russie comme des ennemis. La Russie est notre amie, la Russie ne demande qu’à être notre amie. Elle est non seulement une alliée sur le plan historique, mais il y a des liens plus profonds – par exemple, Dostoïevski parlait français, écrivait en français. Et moi qui connais bien la Russie, je peux dire que c’est une absurdité de ne pas vouloir réunir les deux chrétientés de l’Europe – celle de l’Est et celle de l’Ouest.

C’est un crime de vouloir installer plus d’agressivité, plus de haine dans les nations qui étaient jadis sous le joug soviétique. Il faut leur expliquer que la Russie n’est pas leur ennemi, que la Russie n’est pas l’ennemi de l’Europe et que l’Europe ne doit pas continuer à se faire manipuler par Monsieur Obama et l’Amérique qui elle est agressive, qui dépense deux fois plus pour son budget militaire que l’ensemble des nations du monde.

Question: Lors du même sommet à Varsovie, il a été déclaré un renforcement de partenariat entre l’UE et l’OTAN. Jens Stoltenberg, le secrétaire général de l’OTAN, a déclaré que les deux organisations ont «une position commune sur la Russie : l’UE a imposé des sanctions économiques, l’OTAN a procédé au renforcement de la défense collective après la fin de la guerre froide, le plus important depuis la guerre froide». Cette coopération entre l’Union européenne et l’OTAN, a quoi peut-elle mener ?

Philippe de Villiers : A la guerre. L’OTAN est en fait le bras militaire de l’Amérique. L’OTAN nous entraîne dans des aventures partout dans le monde qui ne sont pas les nôtres. Souvenez-vous du Kosovo, des «printemps arabes», de la Syrie, de l’Irak. Il faut bien comprendre que le nouveau monde dans lequel nous sommes entrés n’est pas le monde de l’après-guerre. L’OTAN a été créé pour contrer l’Union soviétique. L’URSS est morte, le mur de Berlin est tombé, cela fait des décennies. Et donc l’OTAN n’a plus de raison sociale.

Il faut bien comprendre par exemple que Madame Merkel obéit à Monsieur Obama, obéit à l’OTAN quand elle se prosterne devant le sultan Erdogan parce que la Turquie est membre à part entière de l’OTAN et que c’est l’Amérique qui veut faire rentrer la Turquie dans l’Union européenne. Quand vous confiez votre défense, c’est-à-dire l’essentiel de votre puissance régalienne, à une autre nation que la vôtre – en l’occurrence les Etats-Unis – alors vous n’êtes plus indépendant. Donc vous ne pouvez plus avoir une diplomatie propre. C’est tragique pour la France et c’est tragique pour l’Europe. C’est un signe avant-coureur de la décomposition de l’Europe qui va maintenant aller très vite depuis le Brexit parce que les Anglais ont compris qu’il y avait une contradiction entre la loi anglaise et le loi européenne et que l’Europe c’était l’immigration à tout va.

Aujourd’hui les Français sont de plus en plus nombreux à comprendre qu’on leur a menti. Monnet, Schuman et tous les autres grands prêtres de cette Europe supranationale ont menti. Ils ont dit que l’Europe ce sera la prospérité ; on voit que ce n’est pas le cas, la sécurité ; on voit que ce n’est pas le cas. Ils ajoutaient – et c’est le plus grand mensonge – que l’Europe ce serait l’indépendance, ce serait la puissance, c’est-à-dire l’émancipation des Etats-Unis. Il y aura les Etats-Unis de l’Europe qui s’émanciperont des Etats-Unis et c’est pour cela que les gens avaient voté «oui» à Maastricht en se disant qu’on sera une très grande puissance, on sera «une France démultipliée».

Aujourd’hui on n’a pas de France démultipliée, on a une Amérique démultipliée qui met la main ferme et lourde sur le continent européen pour empêcher à tout prix qu’il y ait entre la Russie, la France et d’autres pays européens un échange qui est dans l’ordre des choses et dans la nécessité de la paix et de l’harmonie. Je suis triste, je suis bouleversé, je suis effaré et écœuré de voir l’attitude des dirigeants européens qui sont des menteurs et des manipulateurs parce qu’ils sont eux-mêmes sujets aux mensonges américains et manipulés par l’Amérique.

Question: Barack Obama a appelé l’OTAN à agir contre Daesh, la Russie et le Brexit. Selon vous, pourquoi le président américain met ces trois phénomènes dans le même panier ?

Philippe de Villiers : Obama dit n’importe quoi. Mais cela ne date pas d’aujourd’hui. Mettre dans le même panier le Brexit, Daesh et la Russie, c’est montrer qu’on comprend rien en histoire, qu’on est inculte. On ne peut pas commenter une position comme celle-là.

L’Amérique a une vision du monde qui est la même, c’est-à-dire un monde monocentré sur l’Amérique, alors que la Russie accepte le monde polycentré et travaille pour cela. Dans la conversation que j’ai eue avec Vladimir Poutine en août 2014, il m’a dit qu’il ne voulait pas un monde centré-américain, mais un monde qui soit organisé en pôles régionaux. C’est beaucoup plus sûr pour la paix.

Mais l’Amérique ne conçoit le monde qu’à sa botte. Tout ce qui lui résiste ou lui déplaît, c’est l’ennemi. Donc on fait un paquet cadeau. Avec la Russie, le Brexit et Daesh c’est une pochette surprise de la kermesse flamande. On met tout le monde dans le même panier. Mon père disait que les Américains sont sympathiques mais ils sont de grands enfants. Obama c’est un grand enfant.

Question : L’OTAN et l’UE viennent de signer une déclaration commune afin de faire face «aux nouveaux défis», notamment aux «menaces hybrides» des cyberattaques. A votre avis, comment l’OTAN va-t-il contrer ces menaces cybernétiques qui pourraient menacer l’Europe ?

Philippe de Villiers : C’est assez amusant d’entendre le pyromane expliquer qu’il se propose de se faire pompier. En réalité sur cette question des cyberattaques, tous ceux qui ont un peu de renseignement savent que c’est l’Amérique qui est concernée en premier – c’est elle qui nous menace, c’est elle qui nous écoute, c’est elle qui installe des réseaux, c’est elle qui veut mettre la main sur toute cette communication nouvelle pour nous écouter, nous menacer et nous faire du chantage. On le sait très bien parce que Merkel, Hollande et tous les autres sont écoutés par l’Amérique. Donc s’il y a un risque de cyberattaque dans le monde alors il vient de l’Amérique. C’est drôle que les Etats-Unis demandent à l’OTAN de les aider à éteindre le feu parce que ce sont eux qui ont allumé le feu. L’Amérique me fait penser à ce pyromane qui met le feu à une maison et qui ensuite ne peux pas résister au plaisir de venir se mettre au premier rang en criant «au feu !»

Question : Est-ce que cette phase de tension entre l’OTAN et la Russie est surmontable ?

Philippe de Villiers : Le jour où il y aura un chef d’Etat en Europe, peut-être en France ou ailleurs, qui comprendra qu’on ne peut pas construire notre avenir sans la Russie ou contre la Russie – alors tout changera. Mais pour ça, il faut qu’il y ait un pays – la France – qui quitte l’OTAN. Tant que la France sera dans l’OTAN, les choses ne bougeront pas. Moi, j’appelle la France à quitter cette structure, cette organisation militaire qui pèse sur notre diplomatie, et dont nous ne recueillons aucun fruit, sinon une croissante dépendance par rapport à l’Amérique, l’Oncle Sam. Nous ne sommes pas les neveux de l’Oncle Sam.

Source de l’interview: RT France

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