issa nissaAprès une médiatisation forcenée, les 7 supporters impliqués dans les incidents qui ont précédé Nice-Saint Etienne ont été jugés hier. Le verdict reste clément. Les plus impliqués, qui étaient en détention provisoire, ont écopé d’une peine de 6 mois avec sursis, plus 2 ans d’interdiction de stade. Ces sanctions sont tout à fait justifiées mais la grogne gagne les supporters. Ils ont l’impression d’être pris dans un cercle vicieux dont ils n’arrivent pas à sortir. Ils voudraient être entendus et faire cesser la répression.

La première question serait de trouver l’origine de cette violence mais aussi de comprendre ce qu’est un supporter.  Il faut dire que cette violence s’inscrit dans notre société actuelle et que le football est un phénomène sociétal important, n’en déplaise à ses détracteurs, parce qu’il reste très populaire et parce que c’est là qu’on y voit des supporters, ainsi qu’au rugby. Assistez à un match de tennis et vous verrez vite la différence. Être supporter d’une équipe, c’est plus que venir tous les quinze jours assister au match de son équipe. C’est s’inscrire dans une identité avec des codes à respecter. On se revendique supporter d’un équipe comme on se revendiquerait de nationalité française. Parfois même, il s’identifie à l’identité régionale si cette dernière est forte comme par exemple à Nice ou bien encore à Bastia. On retrouve le patois parfois. « Issa Nissa » est le nom de l’un des plus importants clubs de supporters niçois. On défend donc son club surtout quand des rivalités régionales se greffent. On est pour l’un donc on est contre l’autre. On peut trouver différents niveaux de supporters. On a le simple spectateur qui aime bien son équipe mais sans plus. Il vient surtout quand les résultats sont là. Il y a ensuite le supporter moyen qui vient de temps en temps. Passionné, il ne s’implique pas vraiment dans des groupes mais supporte fidèlement son club. On a ensuite l’ultra qui fait partie d’un groupe. C’est un engagement total, un peu comme un engagement politique. Il est de tous les déplacements, fait l’animation dans les stades en préparant les tifos ou en reprenant les chants. Il défend l’identité de son club. Au-delà du club, il y a une vraie solidarité entre ultras. On organise des sorties mais aussi parfois des opérations humanitaires pour telle ou telle cause. En dernier, nous avons le hooligan qui n’est que dans une logique de violence physique. C’est le skinhead sportif. On peut donc passer d’un affrontement verbal à un affrontement physique.

La rivalité entre clubs peut se manifester à travers des banderoles parfois insultantes mais qui marquent bien la différence culturelle entre deux villes, entre deux clubs comme par exemple la banderole de supporters lyonnais lors d’un derby : « les Gones inventaient le cinéma… pendant que vos pères crevaient dans les mines. » Ici les Lyonnais montrent leur côté bourgeois mettant en contraste le milieu ouvrier stéphanois. Cette banderole, qui peut paraître certes violente, s’inscrit pourtant dans une rivalité et les Stéphanois savent répliquer. Ils avaient réalisé un tifo avec une panthère mangeant un lion. Il était écrit en-dessous : « Ne faisons pas souffrir ce lyon blessé : abattez-le » C’est à travers cette rivalité que peut éclater parfois des violences à cause de trublions ou d’idiots qui ne sont pas à mettre dans le même sac que tout le monde. Sans compter que dès que des ultras sortent des fumigènes, on parle d’incidents. En France, on a une logique répressive : amendes aux clubs, interdictions de déplacements etc… On voudrait des tribunes propres. On ne voudrait que des supporters consommateurs. Regardez ce qu’est devenu le Parc des Princes aujourd’hui et le PSG, un club sans âme et sans public parce qu’il n’y a plus d’ultras qu’on a chassé. Non content de les avoir chassés, ils sont devenus des boucs émissaires au moindre incident comme lors des événements du Trocadéro alors que c’était des casseurs des banlieues. A Saint-Etienne, ils étaient des milliers dans les rues pour fêter la victoire de la Coupe de la Ligue et il n’y a eu aucun incident. On devrait justement entamer le dialogue avec les groupes qui font l’animation des kops et des virages. Ces groupes permettent de catalyser une certaine violence, sans pour autant l’éviter, tout en permettant d’avoir un interlocuteur. Mais la Ligue préfère sanctionner sans discernement tout en déléguant de plus en plus la sécurité aux clubs ce qui leur coûte des milliers d’euros.

bastiaL’image du supporter est trop stéréotypée en France. On ne préfère y voir que le côté violent, en mettant l’accent dessus, sans pour autant apporter des solutions qui commenceraient d’abord par arrêter les interdictions. Interdire n’est pas une solution. Ce n’est que repousser le problème. On est en train de détruire le dernier côté populaire qui reste au foot. Je peux être assez critique sur le tour qu’a pris le foot mais somme toute ce n’est qu’une évolution qui s’inscrit dans notre société de l’argent. Cela fait partie d’un tout. En revanche, ne voir dans le supporter qu’un abruti qui ne vit que de jeu, me paraît à nuancer. A un moment, où l’on se plaint qu’on cherche à nous déraciner, à nous faire perdre nos valeurs et notre identité, les supporters sont un peu là pour faire l’effet inverse. Au-delà de passionnés qui sont très critiques parfois sur le football business, ils sont là pour faire vivre une identité, une culture et défendre une conception des valeurs sportives. Ils ne veulent pas devenir de simples consommateurs, uniquement là pour acheter des gadgets. Ils forment une immense famille solidaire qui se retrouve autour d’une passion commune qui est la leur : leur club. Ici on organise un barbecue géant, ailleurs un tournoi de foot entre sections de supporters. Parfois quand le club se déplace, on se retrouve dans un bar pour voir le match ensemble autour d’un verre. On organise parfois des rencontres entre supporters adverses.  Dans certains clubs, on se transmet cette passion de père en fils tel un héritage familial qui fait partie d’une tradition. Face à eux, ils ont le rouleau compresseur de la Ligue qui ne parle qu’en sous et en terme d’image. Au passage, ne croyez pas que le footballeur amateur n’a pas affaire à de la violence.

Vous pourriez me dire que mon texte s’apparente à un plaidoyer du supporter de football. Oui en quelque sorte parce que je fais partie d’une lignée de famille de supporters et que je trouve qu’en France on les stigmatise trop. Pour eux, c’est la tolérance zéro tout en oubliant que c’est notre société qui est violente. Il y a 30 ou 40 ans, on ne parlait pas de ça. Il y a des supporters bêtes et idiots, cela ne fait aucun doute mais comme partout. Eux, ils n’ont droit à aucune circonstance atténuante. A quand un dialogue constructif ? Sans eux, l’identité du club serait morte mais aussi le sport populaire !

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