L’esclavagisme est un sujet revenu à l’avant-scène de l’actualité. Or, il subsiste à ce sujet des tabous qui éloignent l’opinion publique de la vérité historique.

Nous vous invitons à lire ce que le rabbin Marc Lee Raphael a publié sur l’implication des Juifs dans l’esclavage. Professeur d’études judaïques au Nathan and Sophia Gumenick, professeur d’études religieuses et directeur du département du même nom au College William and Mary, Marc Lee Raphael est par ailleurs rabbin de la congrégation Bet Aviv de Columbia, dont l’une des activités est de se consacrer à la réforme du judaïsme. http://www.betaviv.org/

Voici des extraits l’ouvrage du rabbin Marc Lee Raphael : »Les Juifs et le judaïsme aux Etats-unis ; une histoire documentée. » (New York; Behrman House Inc, Pub. 1983. Pages 14, 23-25).

« Les juifs prirent aussi une part active dans le commerce colonial hollandais des esclaves. En effet, les statuts des congrégations de Récife (Brésil) et Maurice (1648) comprenait une imposta (taxe juive) de 5 Soldos pour l’achat de chaque esclave nègre par les Juifs brésiliens achetés auprès de la Compagnie des Indes. Les ventes aux enchères d’esclaves étaient reportées si elles tombaient au moment d’une fête juive. A Curaçao au XVIIe siècle, ainsi qu’à Barbade et à la Jamaïque au XVIIIe siècle, les marchands juifs jouèrent un rôle majeur dans le commerce des esclaves. En fait, dans toutes les colonies américaines, qu’elles soient anglaises, françaises ou hollandaises, les marchands juifs dominaient fréquemment. »

« Ce n’était pas moins vrai sur le continent nord-américain où durant le XVIIIe siècle, les Juifs participèrent au commerce triangulaire qui importait des esclaves d’Afrique vers les Indes Occidentales (Amériques), les échangeait contre de la molasse qui était acheminé en Angleterre où elle était transformée en rhum destinée à être revendue en Afrique. Isaac Da Costa de Charleston dans les années 1750, David Franks de Philadelphie dans les années 1760 et 70 dominèrent le commerce juif des esclaves. »

Durant le XVIeme siècle, forcés à s’exiler d’Espagne pour échapper aux griffes de l’Inquisition, les Juifs d’Espagne et du Portugal fuirent vers les Pays-Bas. Les Néerlandais accueillirent les bras ouverts ces commerçants talentueux et qualifiés. En s’implantant à Amsterdam, où ils devinrent la plaque tournante d’un univers juif urbain unique et accédèrent à des statuts qui anticipaient l’émancipation des Juifs d’Occident de plus d’un siècle, et à partir de là; ils commencèrent à s’établir dans les colonies anglaises et hollandaises  du Nouveau Monde. Celles-ci incluaient Curacao, le Surinam, Récife et la Nouvelle-Amsterdam (hollandaises) et la Barbade, la Jamaïque, Newport et Savannah (anglaises). Dans ces avant-postes européens, les Juifs, avec leur longue expérience du commerce, leurs réseaux communautaires qui leur transmettrait des informations précieuses sur l’état des marchés, ont joué un rôle important dans le capitalisme marchand, la révolution commerciale et l’expansion du Nouveau Monde à travers à travers le développement économique des colonies. Le contrôle stratègique des Caraïbes a donné aux Juifs de bénéficier d’une influence disproportionnée dans le commerce du Nouveau-Monde aux XVIIe et XVIIIe siècles. »

« Les Juifs commencèrent à arriver au Surinam à partir du milieu du XVIIe siècle, après que les Portugais eurent repris le contrôle du Nord du Brésil. En 1694, 27 ans après que les Anglais eurent cédés le Surinam aux Néerlandais, vivaient là-bas environ 100 familles et 50 célibataires juifs, soit environ 570 personnes. Ils possédaient plus de 40 propriétés et 9000 esclaves ! Ils contribuèrent par un don de 25 905 livres de sucre pour la construction d’un hôpital et faisaient un commerce actif avec Newport et les autres ports coloniaux. En 1730, les Juifs possédaient 115 plantations et prenaient un part important du marché sucrier en exportant 21 680 000 Livres de sucre pour la seule année 1730.

La traite négrière est une caractéristique majeure de la vie économique des Juifs. Le Surinam étant l’une des plaques tournantes majeure du commerce triangulaire. Les Juifs nord-américains et des Caraïbes jouèrent un rôle clé dans ce commerce. Les registre d’une vente d’esclaves en 1707 révèlent que les 10 plus gros acheteurs juifs contribuèrent à plus de 25 % de la vente (10 400 Guilders pour un total de 38 605 Guilders).

La vie économique des Juifs dans les Indes occidentales ainsi qu’en Amérique du Nord se composait essentiellement en communautés mercantiles avec de larges inégalités dans la répartition des richesses. La plupart des juifs étaient commerçants, intermédiaires ou petits marchands qui avaient reçu les encouragements des autorités néerlandaises. A Curacao, la vie communautaire juive commença après la victoire des Portugais en 1654. En 1656, la communauté fonda une congrégation, et dans les années 1670 débarqua le premier Rabbin. Curacao avec son lgrand port naturel était le point d’appuis pour relier les autres îles des Caraïbes et parfaitement adapté pour le commerce. Les Juifs ont bénéficié de chartes favorables contenant de généreux privilèges économiques offerts par la Compagnie des Indes Occidentales. La vie économique de la communauté juive de Curacao tournait autour de la propriété de plantations de cannes à sucre, de la commercialisation de la canne à sucre, de l’importation des produits manufacturés et une forte implication dans la traite négrière. Une décénie après leur arrivée, les Juifs possédaient 80 % des plantations de Curacao. La force du commerce juif réside dans les connexions en europe occidentale ainsi que dans la propriété des bateaux de commerce. Alors que les Juifs commerçaient avec les colonies françaises et anglais des Caraïbes, leur principal marché étaient les colonies espagnoles d’Amérique du Sud (aujourd’hui Vénézuela et Colombie). »

Les listes d’impôt existantes donnent un aperçu de leur position dominante. Parmi les 18 juifs les plus riches recensés dans les listes d’impôts entre 1702 et 1707, 9 avaient soit la propriété d’un navire, soit une part. En 1721, une lettre adressé à la communauté juive d’Amsterdam faisait valoir que « presque toute la navigation …était entre les mains des Juifs » . Une autre indication du succès économique des Juifs de Curacao, en 1707, les 377 résidents de l’île payaient  4002 Pesos. Les juifs représentants 27,6 % de la population contribuaient à hauteur de 34,5%, soit 1380 Pesos du montant total évalué.

Dans les Antilles britanniques, deux listes d’impôts datant de 1680 existent encore, toutes deux venant de la Barbade, nous donnent de bonnes indication sur la santé financière de la communauté juive. A Bridge town même, sur 404 foyers, 54 sont juifs pour 300 personnes recensées. On y note des différences d’imposition importantes au sein même de la population juive.