DESPOT

Quand Slobodan Despot évoque le “ronchon sectaire qui avait osé dire « Je redoute les Grecs, même porteurs de cadeaux », on tremble qu’il ose un parallèle avec les Albanais kosovars”, “les immigrés arabes» et pire encore, avec quelqu’un qui aurait le front de « refuser le prêt d’un juif, même à intérêt nul » …

Slobodan DESPOT, directeur des éditions Xenia, est un européen de cette vieille civilisation chrétienne que l’Union européenne honnit: Suisse mais serbe d’origine, il est avec sa plume incisive un ardent défenseur de la langue et de la culture française. Il a même réussi l’exploit de franchir la barrière des indésirables dans lesquels sont relégués tous ceux qui ne rentrent pas dans le moule du politiquement correct, avec son regard aigu et son style impertinent et enjoué. 

Pourquoi pédagogues et médias ont éradiqué le scepticisme ? Parce que de la méfiance naît la défiance. Par Slobodan DESPOT 

Vous avez entendu parler de Timeo Danaeos et dona ferentes ? Non ? Rassurez-vous, vous n’avez rien raté. Ce n’est pas le couple de trans néerlando-ibériques qui est certain de remporter le prochain concours Eurovision de la chanson. Ce n’est pas non plus un duo de claquettes. L’air de rien, c’est une phrase. Une formule. Une sentence, carrément. Son tort, c’est qu’elle est en latin, une langue morte jadis parlée par quelques castes réactionnaires du Vieux Continent. Du coup, on est dispensé de l’apprendre. On est même fortement encouragé à l’ignorer.

Nous n’en étions pas encore conscients dans notre enfance, mais les écoliers d’aujourd’hui, et surtout leurs pédagogues, le savent : il n’est pas utile de connaître le latin ni son alter ego pédérastique, le grec ancien. C’est superfétatoire, limite nocif. Pourquoi les jeunes gens se chargeraient-ils d’un fardeau plus lourd encore que leurs rucksacks remplis de tablettes, d’écouteurs, de chargeurs et de manuels scolaires obsolètes depuis le jour de leur parution ? Le grec moderne, passe encore : il permet de commander le gyros aux indigènes ruinés du Sud-Est européen. Mais essayez, pour voir, de commander le même gyros en grec ancien !

A quoi bon s’encombrer ?

Où caser un tel bric-à-brac ? Apprendre le grec et le latin au XXIe siècle, c’est comme reconstruire les relais de poste quand on a des autoroutes. Remonter un atelier de dentellière. Ressortir le Rolleiflex de grand-papa pour diffuser les photos de la teuf sur Instagram. Vous imaginez le sparadrap ? Des langues qui charrient deux mille ans de lois, de poèmes, de mémoires, de sagesses, de préceptes de gouvernement et de maximes de vie ? Autant s’embarquer sur le train fantôme ! C’est un défilé d’ombres dans une odeur de tissus moisis !

Parmi ces ombres désaffectées croupit entre autres le sinistre prêtre troyen Laocoon, l’auteur du fameux Timeo Danaeos et dona ferentes cité dans l’Enéide. Un ronchon sectaire qui avait osé dire « Je redoute les Grecs, même porteurs de cadeaux ». Quel racisme ! Quelle intolérance ! Vous imaginez quelqu’un dire aujourd’hui : « Je me méfie des Albanais kosovars, même quand ils jouent bien au foot » ? Ou : « Gare aux immigrés arabes, même quand ils veulent travailler » ? Pire encore : « Je refuse le prêt d’un juif, même à intérêt nul » ? Il serait immédiatement puni. Le monde moderne a des lois pour ça. En Suisse, c’est l’article 261bis : il suffit de le brandir, sans même l’appliquer, pour que tout le monde se taise.

Au temps de la guerre de Troie, ces lois salutaires n’existaient pas encore. Laocoon a donc pu laisser libre cours à sa haine des Grecs en voyant le cheval de bois qu’ils avaient laissé devant les portes de Troie en se retirant. Hargne gratuite, bien entendu, et du reste personne ne l’a écouté. Les Troyens ont fait rentrer le bel objet dans leurs murs et les Grecs en sont sortis dès la nuit tombée pour les massacrer. Comme pour justifier, a posteriori, l’ignoble xénophobie de Laocoon ! 

Les vertus de l’éducation classique

Cet exemple nous permet de comprendre combien les pédagogues modernes ont eu raison de couper les nouvelles générations de toute influence classique. Dans cette école du scepticisme et de la méfiance, on devenait vieux avant l’heure. On apprenait à tout rejeter a priori, pour n’accepter les innovations qu’au compte-gouttes, à tâtons, comme un chat de gouttière à qui l’on tend du lard.

L’éducation classique est l’antithèse exacte de l’esprit d’ouverture qui marque l’époque actuelle. Malheureusement, il en subsiste beaucoup de traces dans toute la culture commune. « Chat échaudé craint l’eau froide », disent les grands-mères par chez nous. Encore un proverbe qui vante la méfiance et le repli sur soi. Il serait urgent d’éplucher les traditions populaires, ou ce qu’il en reste, pour en extirper la graine de racisme. Pour le moment, il faut encore faire avec. Les crédits alloués aux centres de recherche tautologique et aux facultés de déconstruction sont ridiculement insuffisants pour la besogne. On estime en effet que plus de 99,9 % des idées non filtrées par la science moderne reposent à des degrés divers sur un discours réactionnaire.

Heureusement, les citoyens des pays développés commencent déjà, en moins de deux générations, à ressentir les bienfaits d’une éducation basée non plus sur le passé et le repli, mais sur l’avenir et l’ouverture. Les vieux réflexes de scepticisme sont pratiquement déracinés au sein de la population. Nous le devons en premier lieu au remarquable travail des médias, qui se hâtent de dénoncer comme « complotiste » ou « extrémiste » toute personne prétendant faire usage de ses facultés logiques. Les facultés logiques — reposant, par exemple, sur le principe de non-contradiction, l’analogie ou la mise en rapport des causes et des conséquences — sont un héritage pernicieux et camouflé de l’ère classique. L’élimination de ces mauvaises herbes coriaces demandera encore quelques décennies. Si elles s’accrochent dans les bas-fonds sociaux, on constate déjà leur quasi-disparition au sein des couches les mieux éduquées. Les exemples de l’actualité récente le démontrent brillamment.

Nous n’avons même pas besoin de nous attarder sur le phénomène migratoire en Europe, dont l’acceptation est exactement proportionnée au niveau de revenu et au statut social. Moins l’Européen a de chances d’être concrètement en contact avec ces migrants, et plus il les accepte. En revanche, moins il est instruit, et plus il les soupçonne d’apporter le chaos social, l’appauvrissement et la violence. 

L’accueil peu curieux fait aux « Panama papers »

Prenons un exemple plus frais : les « Panama papers ». C’est une révélation inouïe, aussi inattendue et spectaculaire que la découverte d’une planète habitée : les riches trichent ! Ils se moquent des lois et des frontières nationales ! Quel choc ! On est si abasourdi qu’on remarque à peine que les seuls riches vertueux au monde, d’après ces listes, sont les citoyens américains. On ne lit même pas la signature des institutions qui nous ont apporté la nouvelle, et qui sont financées par M. George Soros, l’un des plus redoutables spéculateurs financiers de la planète. Timeo Soros et virtutes ferentem (« Je crains Soros, même drapé de vertus »), aurait dit un journaliste ferré d’éducation classique. Puis il se serait aussitôt demandé où est le cheval de Troie dans l’affaire et ce qu’il cache dans son ventre.

Heureusement, les journalistes d’éducation classique ont été pratiquement exterminés. Les journalistes modernes et ouverts, eux, n’y ont vu aucune malice. Au contraire : ils ont couru avec enthousiasme après le bâton que papa Soros leur a lancé. Et maintenant, ils le lui rapportent et le re-rapportent sans se lasser, en bavant de joie et en frétillant de la queue. Et voici que les bâtons s’entassent au pied du lanceur : ici un chef de gouvernement islandais ; là un ministre espagnol ; là-bas encore une ministre belge. Et d’amener au poteau de la honte des avocats de renom soudain devenus véreux et infréquentables ; et d’applaudir l’adoption précipitée de nouvelles lois de flicage financier…

Mais le plus gros bâton que nos journalistes modernes ont rapporté à leur maître, c’est la nouvelle campagne de dénigrement contre le tsar russe. Il n’est même pas nommé dans l’affaire ? Qu’importe : on le mouillera par amalgame. Par osmose ! « Si ce n’est toi, c’est donc ton frère ! » : le plus fort accuse, mais ne s’embarrasse pas de preuves

 emiliedefresne@medias-presse.info

 

 

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