Au cours du colloque qui s’est tenu à Rome le 7 avril dernier sur le thème « Où va l’Église ? » sont intervenus différentes personnalités conservatrices, ecclésiastiques et laïcs. Cet événement a été organisé par l’association « Les amis du cardinal Caffarra » qui regroupe des mouvements pro-vie et des particuliers. Plus d’une centaine de personnes était présente afin d’écouter les différents intervenants dont les cardinaux Brandmüller et Burke, deux des signataires des dubia adressés au pape François concernant Amoris Laetitia.

Le message dominant qui ressort des discours qui se sont succédé à la tribune est le constat d’une grande confusion et d’une perte de la foi généralisée. Bilan désastreux prophétisé en son temps, dès après le dernier concile, par l’évêque de la Tradition Mgr Lefebvre qui l’imputait par déduction logique à la nouvelle Église issue de Vatican II -concile qu’il qualifiait de « troisième guerre mondiale » et qui contribue officiellement « à la révolution dans l’Église et à sa destruction. »

Le premier à prendre la parole fut le prélat allemand Brandmüller qui s’est penché sur l’importance d’écouter la voix des fidèles dans les questions de doctrine. Le cardinal Brandmüller a rappelé combien le sens de la foi des fidèles a permis, de nombreuses fois dans l’histoire de l’Église, de sauvegarder la foi : « l’expérience de l’histoire, a-t-il précisé, enseigne aussi que la vérité n’est pas nécessairement de côté de la majorité » et que le consensus fidelium ne peut être comparé à la volonté générale de Rousseau :

« Que faut-il penser quand nos communautés paroissiales applaudissent bien fort un curé qui dans l’homélie du dimanche annonce ces noces imminentes ? (…) Donc quand des catholiques en masse considèrent légitime de se remarier après un divorce ou la contraception, il s’agit d’un éloignement en masse de la foi. »

« Le sensus fidei, a-t-il souligné, n’est pas une entité que l’on peut déterminer démocratiquement. » Et les questionnaires envoyés par Rome aux fidèles pour préparer le prochain synode « ne peuvent représenter le vrai sensus fidelium » a-t-il ajouté.

A sa suite, le cardinal Raymond Burke a débuté son allocution en dévoilant une confidence que lui avait faite le défunt cardinal Joachim Meisner, qui s’inquiétait de la « fausse direction » prise par le synode sur la famille : « Tout cela finira dans un schisme. » Le prélat américain, canoniste réputé et ancien préfet de la Signature apostolique, a focalisé son discours sur « la correction du Pape qui abuse de la plénitude du pouvoir ». Sans jamais prononcé le nom de François, il a évoqué « le risque de malentendu sur l’autorité du pape, qui n’est pas magique mais dérive de son obéissance au Seigneur. » En se référant à de nombreux théologiens, il a spécifié :

« Comme le démontre l’histoire il est possible qu’un Pontife Romain en exerçant la plénitude du pouvoir puisse tomber dans l’hérésie ou dans l’abandon de son premier devoir qui est de sauvegarder et promouvoir l’unité de l’Église, du culte et de la discipline. Et comme il ne peut être sujet à un procès judiciaire il faut remédier à cette situation selon le droit naturel, les Évangiles et la tradition canonique, c’est-à-dire avec une procédure en deux phases : premièrement la correction de l’erreur présumée ou de l’abandon de son devoir doit être adressée directement au Pontife Romain, et ensuite, s’il continue ou ne répond pas, il faudra procéder à une déclaration publique. »

Car a-t-il conclut « comme catholiques fidèles nous devons enseigner et défendre la plénitude du pouvoir du Vicaire du Christ et en même temps enseigner et défendre ce pouvoir dans le cadre de l’enseignement sur l’Église et la défense de l’Église, corps mystique du Christ. »

Voilà un débat et un combat inhabituels au sein de l’Église conciliaire mais courant pourrait-on dire dans les rangs de la Tradition : dès 1974, Mgr Lefebvre, après avoir adressé ses inquiétudes au pape Paul VI face aux innovations conciliaires en rupture avec la doctrine bimillénaire de l’Église catholique, publiait sa fameuse déclaration d’adhésion à la Rome catholique et de refus de la Rome de tendance néo-moderniste et néo-protestante qui s’épanouit pleinement, sans réserve, sous le pontificat bergoglien. Il fut condamné à la suspens a divinis par ce même Paul VI et mis au ban de la société ecclésiale par ces mêmes conservateurs qui, aujourd’hui, face aux innovations spectaculaires du pape François s’inquiètent… mais un peu tard ! Car le vers est déjà dans le fruit dit le dicton…

Cette révolution bergoglienne était déjà en germe dans le fruit conciliaire : et c’est l’intervenant suivant, l’ancien président du Sénat italien Marcello Pera, qui en fera une magistrale démonstration. Que la voix des fidèles soit entendue

Marcello Pera débute son discours par une affirmation vigoureuse :

« Si certains pensent que l’actuelle confusion dérive ou est de la responsabilité première et exclusive du pape François, selon moi ils commettent une erreur historique parce que la confusion lui est antérieure. »

« La confusion, explique-t-il, regarde la nature du message chrétien. Le message chrétien est un message de salut ou un message de libération ? C’est un langage eschatologique ou idéologique ? Un message de salut concerne tout le monde et chacun de la même manière, le message de libération c’est autre chose, il concerne certains et pas tous de la même manière : on libère la femme, et non l’homme, le pauvre, et non le puissant, l’immigré, et non le résident. Non pas qu’il refuse le salut, mais il dit autre chose. Cela signifie interpréter le christianisme de façon mondaine. Qui retient que le message chrétien est un message de salut a conscience que le chrétien ne peut supprimer les injustices du monde, ce n’est pas son rôle. »

Le pape François, continue Pera, a été « le dernier des protagonistes de cette involution » qui « a transféré le message du terrain du salut sur celui de la libération, et s’acquièrent ainsi des mérites pour le salut. Il fut un temps où cela s’appelait pélagianisme et était considéré une hérésie. » L’ancien président du Sénat continue son observation de la déliquescence de la foi en faisant référence à la dernière entrevue du pape actuel avec Eugenio Scalfari :

 « Tous voudraient savoir du pape s’il croit ou non à l’enfer. Moi je voudrais poser une question : Sainteté, l’Église aujourd’hui croit-elle dans le péché originel ? Croit-elle que le péché originel n’est racheté que par l’intermédiaire de la grâce de Dieu, croit-elle que du péché originel on ne peut être racheté avec des œuvres de justice ou politique ou de charité ? Aujourd’hui, on dit des paroles au sein de l’Église qui jusqu’aux années 80/90 étaient considérées des hérésies : qu’est-il en train d’arriver ? »

Mgr Athanasius Schneider, évêque d’Astana au Kazakhstan, coqueluche des mouvements Ecclesia Dei, a disserté sur la possibilité que la chaire de Pierre soit attaquée par Satan. Le cardinal Zen, archevêque émérite de Hong-Kong, et ferme opposant à tout accord entre le Saint-Siège et Pékin la rouge, a exprimé son désarroi parce que la voix des Chinois comme lui, celle des « périphéries », des clandestins, n’est pas entendue à Rome. Une allocution a porté également sur la révolution bioéthique en cours au Vatican sous les auspices du sulfureux Mgr Paglia, président du Conseil Pontifical pour la vie.

Au terme de toutes ces discours, après la lecture de la déclaration finale réaffirmant l’impossibilité de la communion aux adultères, divorcés remariés civilement, un diacre est intervenu pour demander que soit abordé le thème de l’Antichrist, ce qui ne fut pas fait faute de temps.

Mais cette demande est en elle-même une possible conclusion…

Francesca de Villasmundo

http://www.lastampa.it/2018/04/07/vaticaninsider/ita/news/dopo-i-dubia-una-declaratio-critica-sui-divorziati-risposati-amrdRzvPRVbVpSzusZLqAO/pagina.html

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