Silence, la dernière œuvre cinématographique du sulfureux Martin Scorsese, réalisateur du film blasphématoire La dernière tentation du Christ, a été projeté en avant-première au Vatican au début du mois de décembre 2016, en présence de quelques 300 jésuites du monde entier et de quelques autres invités du pape. Le pape François, qui a eu une « entrevue très cordiale » avec le réalisateur et sa famille, et le supérieur des Jésuites, retenus par d’autres obligations, n’ont pas assisté à cette projection. Le film sortira le 8 février en France.

Considéré un film catholique, adapté du roman Silence du Japonais Shusaku Endo, paru en 1966, il relate à travers le destin de deux missionnaires jésuites portugais du XVIIe siècle (interprétés par Andrew Garfield et Adam Driver), partis au Japon enquêter sur la disparition de leur supérieur, le père Cristóvão Ferreira (interprété par Liam Neeson), l’évangélisation du Japon et la grande persécution de 1614 par les Tokugawa.

Cependant malgré le sujet traité et l’enthousiasme jésuitique qu’il a suscité, Silence de Sorsese ne peut être considéré un film catholique mais plutôt une apologie de l’apostasie. Un journaliste catholique américain en a fait une très intéressante recension dont voici quelques extraits traduits.

« Quand saint François-Xavier porta le catholicisme au Japon en 1549, les conversions étaient difficiles. (…) Il mourut trois ans après le début de sa mission en ce pays.

Cependant, des centaines de milliers se convertirent, et l’Église japonaise prospéra pendant plus d’une génération jusqu’au début des persécutions. En 1597, 26 chrétiens furent crucifiés à Nagasaki. A partir de l’année suivante et jusqu’aux années 30 du siècle successif, 205 autres chrétiens furent martyrisés. Et, à partir de l’arrivée au Japon en 1639 des deux prêtres-héros portugais dont parle Shusaku Endo dans son roman Silence de 1966, 206 autres seront tués parce qu’ils étaient Kirishitan.

(…) L’œuvre missionnaire était dangereuse, et ces deux prêtres fictifs, basés sur des vrais missionnaires, étaient totalement prêts à mourir pour Jésus. Mais le livre de Endo (et sa nouvelle version cinématographique de Martin Sorsese) ne parle pas de martyr mais de comment l’éviter. Les autorités veulent, surtout, l’apostasie (vraie ou fausse), et la majeur partie des personnages principaux devient apostate.

Maintenant, à 5 siècles de distance, c’est facile de regarder avec dédain un prêtre qui connaît les risques et abandonne la vocation de la foi à laquelle son ordination l’avait lié. Scorsese semble nous demander : que feriez-vous s’il vous était demandé de piétiner une image sacrée de Jésus pour ainsi sauver la vie d’autres personnes ? Les Kirishitan sont suspendus la tête en bas sur une fosse, avec des petites incisions sur le cou, perdant leur sang lentement jusqu’à la mort, et seulement vous vous pouvez les sauver. Vous ne devez rien faire d’autre que poser le pied sur une fumi-e, une espèce d’icône diabolique sur laquelle est représenté le Christ. Que feriez-vous ?

Et bien, ces centaines de vrais martyrs japonais, tous saints, moururent pour avoir refusé de devenir apostats, parce qu’ils croyaient que leur vie, nonobstant une fin agonisante, avait été racheté par le Christ. La joie éternelle les attendait.

Endo était un catholique converti, et il est juste de se demander si sa conversion était complète. Martin Scorsese est catholique de naissance, mais, nonobstant sa rencontre avec le pape François durant le lancement de son film, il ne laisse transparaître en aucune façon sa foi catholique.

Le livre reprend beaucoup du roman anti-colonialiste de Joseph Conrad, Au cœur de ténèbres (1899), l’histoire d’un homme du nom de Marlow qui fait un voyage au Congo à la recherche d’un commerçant d’ivoire prénommé Kurtz, décrit comme « un émissaire de la piété, de la science, du progrès » mais vénéré comme un dieu par les indigènes. Le livre de Conrad a inspiré aussi Apocalypse Now, le film de 1979 de Francis Ford Coppola. (…)

Le rapport avec Silence de Scorsese ? Les deux prêtres, Sebastiao Rodrigues (Andrew Garfield) et Francisco Garrpe (Adam Driver) arrivent au Japon pour chercher le père Cristovao Ferreira (Liam Neeson), que l’on dit être devenu un indigène, au point d’avoir apostasié et de s’être marié.

Quand Endo lut Au cœur des ténèbres, évidemment il resta impressionné par l’organisation fictive avec laquelle correspond Kurtz, la Société internationale pour la Suppression des Coutumes Sauvages, parce que cela est certainement une partie de l’activité missionnaire dans chaque coin du monde, tout au moins pour la mentalité indigène, et, probablement, Endo aimait le Christ mais n’était pas particulièrement amoureux des chrétiens.

Quand Marlow/Rodrigues/Garfield à la fin se confronte avec Kurtz/Ferreira/Neeson, c’est l’homme le plus âgé, l’ex-professeur de Rodrigues au Portugal, qui veille à l’apostasie de l’homme plus jeune.

Le film de Scorsese est de fait la seconde transposition sur grand écran du livre de Endo. (…)

Quand le livre est à son apogée, Rodrigues sent le sable qui cède sous ses pieds : « Des plus profonds recoins de mon être, une autre voix se fit sentir en un murmure. Suppose que Dieu n’existe pas… C’était une fantaisie épouvantable. S’Il n’existe pas, tout devient absurde ! Quel absurde drame deviennent les vies de Mokichi et di Ichizo, liés au bois et léchés par les vagues. Et les missionnaires qui ont passé trois années à travers les mers pour rejoindre ce pays… quelle illusion a été la leur! Moi-aussi, ici, à errer sur des montagnes désolées : quelle absurdité ! »

Le film de Scorsese n’est pas un film chrétien fait par un réalisateur catholique mais bien au contraire une justification du manque de foi : l’apostasie, si elle sauve des vies, devient un acte de charité chrétienne, et le martyr devient presque satanique s’il exacerbe les persécutions. « Le Christ serait devenu un apostat à cause de l’amour”  dit Ferreira à Rodrigues et, naturellement, Scorsese est d’accord. »

Et, nous pourrions rajouter, peut-être aussi le pape François !

Martin Scorsese ne déroge donc pas à son image de réalisateur sulfureux, pas vraiment catholique, mais il utilise ici un registre plus subtil pour faire passer son message d’apologie de l’apostasie : son film La tentation du Christ était scandaleux mais son parti-pris ouvertement choquant, outrancier et blasphématoire le reléguait automatiquement parmi les films à ne pas voir pour un chrétien.

Son Silence est tout aussi anti-catholique, niant au martyr sa portée charitable, évangélisatrice et libératrice, –“le sang des martyrs est semence de chrétiens” disait Tertullien-, mais plus dangereux pour les âmes puisqu’il a reçu le placet du Vatican et se présente comme une fresque grandiose consacrée à l’évangélisation des Japonais par les Jésuites, ce qui pourrait induire bon nombre de catholiques à aller le voir. Pourtant, ce film est en réalité une œuvre de subversion raffinée, -comme les tortures des Japonais-, se servant de la compassion humaine envers celui qui souffre pour innocenter et encenser l’apostasie, dépeinte comme l’acte suprême de l’amour du prochain !

Francesca de Villasmundo

 

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