Témoignage

Dégradations des services de santé, ça continue. Ce 24 janvier 2017, à l’appel de 14 organisations professionnelles, les infirmières du secteur publique et privé, libérales, spécialisées et les étudiants infirmiers, organisaient une nouvelle journée de grève pour dénoncer leurs conditions de travail.

La précédente mobilisation du 8 novembre 2016 qui faisait suite aux tragiques événements de l’été (5 suicides d’infirmiers), sans autre résultat que l’indifférence de Marisol Touraine, la ministre de la Santé. Les revendications restent inchangées : — exercer en sécurité (l’insécurité ne cesse de croître pour les soignants sur leur lieu de travail) ; — améliorer les conditions de travail en embauchant du personnel, en ouvrant des lits pour les malades et en augmentant les moyens matériels ; — que le rôle et les compétences des personnels soient reconnus et qu’on arrête les transferts de tâches ; — que les étudiants puissent bénéficier d’une formation de qualité ; — que les infirmiers libéraux puissent exercer pleinement leurs compétences ; — que la profession soit reconnue financièrement.

Seule priorité : les réductions budgétaires

Car la situation se dégrade dangereusement. Les suppressions de postes (départs non remplacés, objectif : 22000 postes) et les suppressions de lits (en 10 ans, près de 100 000 lits ont été supprimés alors que le nombre de patients augmente) continuent sans relâche pour un objectif de trois milliards d’euros d’économies en trois ans.

Parmi les autres réformes pour l’APHP, le Plan Hirsch, qui, en maintenant les 35 heures à l’hôpital, réduit le temps de travail journalier de quelques minutes pour supprimer des jours de repos conduisant le personnel à l’épuisement.

Une épidémie mal contrôlée

Conséquence cet hiver : quantité de cas de grippe, ordinairement traités par les médecins de ville, viennent saturer les urgences des hôpitaux qui ne sont plus en mesure de les prendre en charge correctement. Plusieurs centaines d’hôpitaux ont dû déclencher le plan « Hôpital sous tension » en rappelant le personnel hospitalier en repos pour pallier à la surcharge de travail, bloquant et réservant des lits d’hospitalisation. A Lyon, dans une maison de retraite, 72 résidents ont été contaminés, 13 sont décédés, et parmi elles 6 étaient vaccinés contre la grippe.

Solution du Ministre de la Santé : rendre obligatoire le vaccin antigrippe pour tous les soignants, alors qu’il vient de démontrer son inefficacité. C’est l’industrie pharmaceutique qui est contente.

Les soignants seraient-ils responsables ? faute de lits, de place, les patients contagieux sont installés en chambre double, et le matériel (gants, solutions hydro-alcooliques, essuie-mains, masques de protection…), sont parcimonieusement distribués et souvent en rupture de stock.

Comment empêcher cette contamination virale quand un malade grippé reste 6 heures dans une salle d’attente bondée des urgences ?

« Un certain nombre de morts auraient pu être évités. »

Christophe Prudhomme, le porte-parole de l’association des médecins urgentistes de France, le dit, lui-même, lors d’une interview à France Info : « Notre système de santé est à un seuil de dégradation qui ne lui permet plus de répondre à un événement tout à fait banal qui survient régulièrement ». Pour lui, « un certain nombre de morts auraient pu être évités si on avait pu prendre en charge les patients dans de meilleures conditions. »

Seul horizon des technocrates du ministère : la réduction de la DMS (Durée Moyenne de Séjour, calculée en divisant de nombre annuel de journées d’hospitalisation pour une pathologie par le nombre de séjours pour cette pathologie). Résultat : séjours de plus en plus courts et insuffisants pour guérir le malade.

Des grèves du désespoir

En première ligne, les soignants tirent le signal d’alarme. Malgré les suicides et les dépressions, les arrêt maladies (difficile d’être en bonne santé et de tenir le coup quand on enchaîne entre 7 à 10 jours avec juste une journée de coupure au milieu, sans parler des changements d’horaires) qualifiés d’absentéisme par les directions, les absences non remplacées (le personnel doit travailler en sous-effectif et assurer les missions du personnel absent), les démissions de plus en plus fréquentes (à l’hôpital de Dreux, 11 urgentistes ont démissionné en même temps après 7 mois de grève), des grèves qui s’éternisent (à la maternité de l’hôpital Tenon (Paris) une grève a duré près de 3 semaines en décembre pour dénoncer la réorganisation du service qui double sa capacité de travail sans augmenter le personnel et les moyens). Les exemples sont légions.

Grévistes et tenus de travailler

A croire que les grèves et manifestations ne servent à rien, puisque le personnel est assigné et doit assurer les soins comme un jour ordinaire. Le personnel est de moins en moins informé des grèves à venir, au mieux un avis est affiché dans certaines salles de repos pour leur laisser la possibilité de s’inscrire en tant que gréviste, sans information sur le motif.

Le déni des autorités

Maintenant c’est l’occultation et le mensonge. Une interne de l’APHP, Sabrina Ali Benali, a publié plusieurs vidéos interpellant la ministre de la Santé sur les conditions de travail dans les hôpitaux. Ses vidéos ayant été largement relayées sur les réseaux sociaux, elle est passée à la radio. La seule réponse qu’a pu donner Martin Hirsch, directeur de l’APHP et responsable de la réforme qui porte son nom, est qu’elle ne travaillait pas pour l’APHP afin de décrédibiliser ses propos auprès de l’opinion publique. Mensonge évidemment. Mais surtout, quel que soit son statut au sein de l’APHP et le service où elle exerce actuellement, la situation est la même dans la plupart des hôpitaux français, publics comme privés.

Dernièrement, lors de visites officielles et médiatisées, ces dirigeants se sont arrangés pour faire vider les services d’urgences, habituellement saturés, de leur patients et faire en sorte que tout soit propre et aseptisé, pour montrer ce n’est pas la crise et que tout est maîtrisé.

Un directeur dans le déni, une ministre qui aura dégagé dans trois mois, la France n’a plus les moyens de sa santé. Et personne pour admettre que si la vie n’a pas de prix, la santé a un coût.

Morgane, infirmière

Ci-dessus : Un planning du personnel de l’APHP (RT et RH sont des jours de repos). 

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