Quand on évoque la « Cour Suprême » on pense le plus souvent à la Cour Suprême américaine, où les juges sont désignés par le président, entérinés par le parlement et nommés à vie.

En Israël, le système de recrutement est un peu différent et les prérogatives de cette juridiction, la plus haute du pays, sont sensiblement élargies par rapport à ce qu’on a l’habitude de voir…

Pour simplifier on pourrait dire, outre son activité proprement juridique, que la Cour Suprême en Israël cumule les fonctions et les pouvoirs qui sont attribués en France au Conseil d’Etat et au Conseil Constitutionnel…

C’est donc une institution clef, redoutée à juste titre de tous les politiques, et qui n’hésite pas à s’opposer aux décisions de la Knesset et à les invalider à la grande fureur d’une notable partie des sionistes extrémistes…

Or la « plus grande démocratie du Moyen Orient » est un état sans constitution promulguée !

Un exemple quasi unique : Israël ne possède pas une Constitution formelle, bien que la Déclaration d’indépendance ait énoncé l’intention de réunir une Assemblée constituante qui aurait dû adopter une Constitution avant le 1er octobre 1948, ce qui ne fut jamais fait.

Renonçant à rédiger un texte constitutionnel unique, la Knesset a décidé, en 1950, d’élaborer une Constitution chapitre par chapitre « selon les besoins »

Un caractère constitutionnel est initialement reconnu à trois documents : la déclaration d’indépendance de 1948, la loi du retour (1950), puis le statut de l’Agence juive et de l’Organisation sioniste mondiale (1952).

Finalement, les textes reconnus à fonction constitutionnelle s’articulent autour de 11 lois dites « fondamentales » établies au fil du temps :

– l’organisation et le rôle de la Knesset (1958) ;
– les terres en Israël (1960) ;
– le président de l’État (1964) ;
– le Gouvernement (1968, 1992, 2001) ;
– les finances de l’État (1975) ;
– l’armée (1976) ;
– Jérusalem, affirmée comme capitale d’Israël (1980) ;
– le pouvoir judiciaire (1984) ;
– le contrôle des comptes (1988) ;
– la liberté et la dignité de l’individu (1992) ;
– la liberté professionnelle (1992 et 1994).

Ce n’est qu’en 1992, la Knesset adopta les deux premières lois relatives aux droits fondamentaux, ce qui permit à la Cour suprême d’Israël de se déclarer alors compétente aussi en matière de contrôle de constitutionnalité.

Les juges de la Cour Suprême sont au nombre de quinze, président compris, dont deux à titre transitoire. Ils ne sont pas nommés à vie et sont mis à la retraite à 70 ans.

Ils sont recrutés par un Comité de Sélection Judicaire constitué de neuf membres :

le ministre de la Justice,

– trois membres de la Knesset,

– deux membres représentant l’ordre des avocats

– trois des juges de la Cour suprême.

Chaque candidat proposé doit recevoir l’accord d’au moins sept de ces neuf membres et avoir obligatoirement l’aval de l’un des trois juges membre de la Cour Suprême.

Ce mode de sélection rend indispensable un dialogue et une concertation entre le pouvoir politique et le pouvoir judiciaire. Or, un député, membre du même parti extrémiste « foyer juif »  que la ministre de la Justice Aleyet Shaked, vient à sa demande de déposer une proposition de loi visant à modifier la procédure de vote au sein du Comité de sélection.

Pour Aleyet Shaked, il s’agit « d’en finir avec l’orientation d’une Cour déconnectée de la volonté du peuple. » (sic !)

On comprend qu’au moment où la loi de légalisation du vol des terres palestiniennes dite « loi de régularisation » vient d’être votée par la Knesset, la ministre Shaked cherche par tous les moyens à éviter que la Cour Suprême ne se prononce négativement, ce qui sera sans doute le cas, sur la régularité de ce texte inique… Deux recours ont d’ailleurs déjà été déposés…

Si ce texte était voté, il suffirait de la majorité simple au comité de sélection (cinq voix contre quatre) pour être admis comme membre de la Cour suprême.

Ainsi, un nouveau membre pourrait être choisi sans l’aval de représentants de la Cour suprême.

Le but du jeu des politiciens extrémistes est évidemment de parvenir à juguler le pouvoir de la Cour Suprême et de l’inféoder en pratique aux vues du gouvernement.

http://fr.timesofisrael.com/la-ministre-de-la-justice-tente-de-reformer-la-cour-supreme/

Il est vrai, pour l’honneur du système juridique israélien, que jusqu’à ce jour les arrêts de la Cour Suprême se sont toujours opposés aux menées sionistes extrémistes même, et surtout, lorsqu’elles se traduisaient par des votes de la Knesset.

Ce n’est donc pas le moindre des paradoxes que de constater que c’est la Cour Suprême d’Israël qui est indiscutablement, à ce jour, le dernier rempart des Palestiniens contre les exactions sionistes !

Citons parmi d’autres :

– Reconnaissance des Droits de l’Homme,

– Dénonciation et refus de l’usage de la torture,

– Refus de la déportation de Palestiniens,

– Condamnations réitérées des colonies reconnues illégales en Judée Samarie,

Et cette liste n’est pas limitative !…

La dernière affaire qui a fait déborder le vase gouvernemental a été l’arrêt contraignant au démantèlement forcé, effectivement exécuté par l’armée début février, de la colonie illégale d’Amona et de l’expulsion des 41 familles juives orthodoxes qui y vivaient sur des terres reconnues palestiniennes.

Nétanyahu, comme les extrémistes des partis religieux, n’ont pas alors eu de mots assez durs pour cette Cour Suprême dont la présidente en exercice, Myriam Naor, a carrément été traitée de « gauchiste » !

Les médias de la propagande sioniste n’ont pas été en reste à commencer par l’emblématique Dreu.zinfo autour du quattuor de fanatiques trop bien connu : Michel Garroté, Guy Millière, Michel Gurfinkiel et Pierre André Taguieff.

« La Cour suprême se cache comme une entité gouvernante et exerce le pouvoir par décret.

Cette Cour pompeuse et tyrannique soutient les intérêts de l’Union européenne, des Palestiniens, des ONG anti-israéliennes, mais à l’égard du peuple juif et de l’Etat d’Israël, elle prend des décisions dures qui ressemblent à une vengeance de l’extrême-gauche. » (sic!)

http://www.dreuz.info/2016/12/09/la-cour-supreme-disrael-nest-pas-au-dessus-des-lois/

Pour tous les extrémistes sionistes la Cour Suprême ne devrait être aujourd’hui qu’une caution de légalité aux exactions perpétrées par la politique d’occupation des faucons d’Israël.

C’est dans ce climat quelque peu délétère que quatre nouveaux juges viennent d’être agréés par le Comité de Sélection. Ils prendront leurs fonctions successivement dans les mois qui viennent en remplaçant ceux des juges qui seront mis à la retraite obligatoire, ayant atteint la limite fatidique de 70 ans.

Les nouveaux juges seront :

– David Mintz, un colon juif orthodoxe de Cisjordanie,

– Yael Vilner, une juive orthodoxe très soutenue par la ministre extrémiste Shaked,

– Yosef Elron, un juif connu comme conservateur et centriste, ce qui l’a conduit à ne pas faire l’unanimité au cours des discussions de sélection.

Des gens très peu suspect d’antisionisme primaire !

Le quatrième lauréat est un « arabe chrétien » !

George Karra est un israélien de famille palestinienne, chrétien et orthodoxe. Sa candidature était soutenue par la présidente de la Cour suprême Miriam Naor et par les autres membres de la Cour suprême.

http://www.europe-israel.org/2017/02/israel-4-nouveaux-juges-sionistes-religieux-et-conservateurs-nommes-a-la-cour-supreme/

George Karra est une grande figure du monde judiciaire israélien.

Son nom restera attaché à la destitution de l’ancien président Katsav, qui a préféré démissionner après avoir été suspendu de ses fonctions, suite aux procédures engagées contre lui pour le viol de plusieurs de ses collaboratrices.

C’est George Karra qui a condamné Moshé Katsav à sept ans de prison en 2010.

(Incarcéré aussitôt, Katsav a été libéré en décembre 2016.)

Clin d’œil de l’Histoire : George Karra va prendre la succession de Salim Joubran, le premier juge « arabe » de la Cour Suprême, nommé en 2003 à un siège permanent.

C’est Joubran qui avait alors entériné la condamnation de Katsav prononcée par George Karra…

(Pour être complet ajoutons qu’il y avait initialement eu un juge transitoire « arabe » nommé à la Cour Suprême pour une période de neuf mois en 1999 : Abdel Rahman Zuabi.)

Cela fait bien peu et ne traduit pas réellement une représentation démocratique des composantes de la population d’Israël : si on admet le chiffre avancé de 80% de juifs et 20% d’arabes majoritairement musulmans, on devrait avoir non pas un goy pour 14 juifs, mais une représentation plus équilibrée du type :

– 12 juifs

– 2 « arabes » musulmans

– 1 « arabe » chrétien

Mais c’est une autre histoire…

La présidente Myriam Naor partant elle aussi en retraite cette année 2017, il est donc certain que, comme le soulignent tous les médias, la Cour Suprême risque de se droitiser.

https://www.lecourrier.ch/147086/la_cour_supreme_prend_un_virage_a_droite

Souhaitons alors seulement que la personnalité de George Karra n’apparaisse pas comme une « caution chrétienne » aux exactions sionistes auxquelles cette nouvelle mouture de la Cour Suprême ne s’opposerait plus !

Claude Timmerman

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