Un article publié par La voix de la Russie est passé quasi inaperçu, semble-t-il. Il ne manque pourtant pas de poser des questions essentielles.

 L’État islamique du Levant continue de persécuter des milliers des chrétiens au Proche-Orient : la réponse des autorités romaines étonne par sa réticence et son manque de réalisme et de principes clairs.

Dans l’avion de retour de Corée du Sud à Rome, le Pape François a répondu aux journalistes sur le massacre des chrétiens en Irak. Il a affirmé que pour stopper les djihadistes « il ne faut pas bombarder, ni faire la guerre, mais les arrêter », et que la décision sur une intervention au Proche-Orient doit être remise aux Nations-Unies, c’est-à-dire justement à l’organisation qui pendant 70 ans s’est montrée totalement incapable de gérer tout conflit et qui mène aujourd’hui une politique violemment opposée aux principes chrétiens, du soutien à l’avortement jusqu’à l’idéologie du genre. D’ailleurs, comment arrêter des combattants cruels et puissants tels que les djihadistes en Irak sans une action militaire (« ni bombarder, ni faire la guerre »), c’est un mystère dépassant en même temps la raison et la foi. Ces déclarations étonnantes ne sont que le dernier anneau d’une chaîne de réticence que le Vatican a montré depuis l’élection de Jorge Mario Bergoglio, devant la souffrance et les persécutions des chrétiens. Alors qu’on observe des dénonciations très fortes des maux de l’économie contemporaine (sans pour autant affirmer clairement à quel modèle alternatif on devrait faire référence), ou bien une sollicitude montrée à coup de fils envers de non-chrétiens, des journalistes athées etc, on constate un certain silence sur ce thème. Si beaucoup d’évêques locaux dénoncent les persécutions, le Pape et les autorités ecclésiastiques romaines sont au contraire très prudents : on aurait du mal à repérer des dénonciations aguerries, par exemple, sur les cas de Asia Bibi ou Meriam Ibrahim, deux femmes chrétiennes condamnées à mort pour apostasie dans des pays musulmans.

Force est de constater que le pontificat du Pape François se caractérise pour une volonté de plaire à une certaine opinion publique laïque et progressiste, alors que le christianisme devrait être « signe de contradiction » devant le monde. Pour s’en convaincre, il suffit de comparer la timidité des déclarations sur la persécution des chrétiens avec l’énergie des appels à l’aide humanitaire lors de la mort des migrants au large de Lampedusa. Le mot d’ordre de ce pontificat, de toute évidence, est bien le « dialogue », qui ressemble toutefois à une éternelle conversation où les parleurs causent à l’infini sans jamais s’entendre. Le juste refus de la violence contre les innocents se transforme ainsi en un pacifisme lâche que le christianisme apostolique (catholique et orthodoxe) n’a jamais prêché. Bien au contraire, dans l’histoire de la civilisation chrétienne la mobilisation armée contre l’ennemi persécuteur a toujours été, tant dans le catholicisme que dans l’orthodoxie, un élément fondamental de la profession de foi. Il suffit de rappeler la glorieuse victoire de Lépante en 1571, la victoire à Vienne sur l’Empire Ottoman en 1683, les extraordinaires entreprises de Georges Skandenberg, le formidable combattant albanais contre les Turcs du XVe siècle, ou encore l’émouvante victoire de Dmitri Donskoy dans la bataille de Kulikovo en 1380 avec le soutien spirituel de Saint Serge de Radonezh.

La Tradition de l’Église enseigne en fait qu’un chrétien ne peut jamais aimer la guerre en soi et devrait faire toujours tout effort pour l’éviter, mais aussi que la défense armée des plus faibles, tout comme celle de la foi et des chrétiens persécutés, à certaines conditions, n’est pas seulement légitime : elle est aussi un devoir. Ce n’est pas un hasard si pendant 2000 ans des figures comme Saint Michel Archange ou bien Saint Georges ont été l’objet d’un culte répandu universellement : avec leur épée et leur dignité dans le combat, il symbolisent justement ce principe guerrier où la bataille spirituelle et matérielle se reflètent souvent l’une dans l’autre. La lutte contre le mal que chaque chrétien doit faire en lui-même peut donc s’accompagner de l’honneur des armes contre les ennemis de la Foi et de la Patrie, comme l’ont témoigné les grands souverains et combattants auxquelles l’Église catholique donnait autrefois le titre d’« Athleta Christi » : par exemple, l’orthodoxe Étienne III de Moldavie et les catholiques hongrois Louis Ier et Jean Huniade entre les XIVème et XVème siècle. La chevalerie chrétienne du Moyen-âge, avec ses valeurs de prouesse et de sagesse, de respect pour la femme et de fidélité à l’Église, de haute politesse en société et d’héroïsme sur les champs de batailles, a incarné cet idéal bien fixé aussi dans la grande littérature européenne.

Saint-François, le grand religieux médiéval qui a inspiré, semble-t-il, le choix du nom au Cardinal Bergoglio lors de son élection de Pontife romain, rencontra pendant les Croisades le Sultan d’Egypte, non pas pour « dialoguer » avec lui, mais bien pour le convertir à la foi chrétienne. Quel contraste avec l’initiative prise par le Pape François concernant la soi-disant « prière pour la paix » du 8 juin dernier ! Shimon Peres, Mahmoud Abbas et le Pontife romain réunis dans les jardins du Vatican pour invoquer on ne sait pas bien quel divinité en commun, en présence d’un imam musulman qui priait pour le soulèvement contre les chrétiens juste au cœur de la chrétienté catholique. Le résultat, d’ailleurs, est embarrassant : peu de temps après cette prière en commun, la guerre entre Israéliens et Palestiniens a éclaté à nouveau avec une violence qu’on n’avait plus vue depuis des années. Beaucoup de catholiques se demandent si le Pape François, dans sa conscience, regrette ou non ce genre d’initiatives et s’il commence à douter de la justesse de cette stratégie.

On ne veut pas dire ici que les autorités catholiques auraient dû nécessairement appeler aux armes les nations de tradition chrétienne contre l’État islamique du Levant. Ce qui est étonnant, c’est surtout la timidité avec laquelle le Vatican juge les massacres djihadistes et, plus généralement, les persécutions antichrétiennes dans le monde entier. Le maximum auquel on arrive, c’est quelques mots génériques contre une imprécisée « violence religieuse », sur le fait qu’on est tous égaux devant Dieu et qu’on ne devrait jamais tuer quelqu’un d’autre s’il a des convictions religieuses différentes. Il s’agit de propositions d’une banalité déconcertante, qui évitent soigneusement d’affirmer qu’en Syrie et en Irak, on est devant une tuerie de chrétiens perpétrée par des musulmans sans qu’aucune autorité islamique ne vienne demander pardon (comme les représentants de l’Église catholique aiment faire souvent pour les fautes réelles ou présumées du christianisme dans l’histoire). De même, pas un mot fort sur le sens du martyr chrétien, sur la foi témoignée jusqu’à l’effusion du sang qui devrait donner force à chaque chrétien ayant du mal à vivre sa vie religieuse dans un monde hostile (c’est justement à cela qu’on s’attendrait en principe de la part du Chef de l’Église catholique).

Pendant qu’en Irak les djihadistes continuaient de crucifier, tuer et chasser les chrétiens, le Pape à Séoul béatifiait 124 martyrs coréens. Mais ses mots ont été là aussi stupéfiants pour leur manque de sens religieux, pour le silence sur la valeur du sacrifice et de la lutte qui selon Saint Paul est le signe de l’existence chrétienne : « J’ai combattu le bon combat, j’ai terminé ma course, j’ai gardé la foi » (2 Tm, 4,7). Bergoglio, au contraire, a affirmé que l’héritage des martyrs « peut inspirer tous les hommes et femmes de bonne volonté à œuvrer en harmonie pour une société plus juste, libre et réconciliée, contribuant ainsi à la paix et à la défense des valeurs authentiquement humaines, dans ce pays et dans le monde entier ». Il s’agit d’une contradiction évidente : quel paix et quelle harmonie peut inspirer la lutte entre persécuteurs et persécutés ? Au contraire, le martyre représente justement le contraste entre le chrétien et le monde, expliqué par Saint-Augustin comme la lutte entre les deux Cités. Le Christ lui-même a été très clair sur le sujet : « Je vous laisse la paix ; je vous donne ma paix ; je ne vous la donne pas comme le monde la donne » (Jn 14, 27). Cela veut dire que la vrai paix n’équivaut pas à l’absence de conflit et à une promotion de valeurs humaines « comme le monde la donne », mais suppose l’effort d’aller jusqu’au bout dans la foi, même lorsque cela détermine un conflit avec les autres.

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Devant une persécution objectivement terrible, beaucoup de fidèles et de chrétiens voudraient peut-être écouter quelque chose de plus opportun de la part des autorités catholiques. Mais il paraît que l’orientation générale des hiérarchies ne va pas changer de si vite. Par exemple, le 1er septembre prochain, à Rome, va être organisé un « match interreligieux pour la paix » fortement voulu par le Pape François. Reste à savoir s’il y aura aussi des joueurs de football venant de l’État islamique du Levant : il n’y a aucun doute qu’ils aimeraient beaucoup inscrire un énième but contre les chrétiens.

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