Un arrêt qui devrait faire couler beaucoup d’encre….

Les faits :

Il y a 8 ans, un certain Abdallah X (intérimaire de Manpower) meurt des suites d’un accident du travail pour lequel son employeur final la société Fimaco Vosges (dénommée « la société ») est convaincue de faute inexcusable.

La veuve, Mme X…, agissant tant en son nom personnel qu’en qualité de représentante légale de ses enfants mineurs, dont le dernier, posthume, Zachary, a saisi le tribunal pour obtenir réparation du préjudice subi tant par elle-même que par ses enfants.

Manpower, employeur officiel d’Abdallah mis à disposition de Fimaco-Vosges, est donc condamnée à verser des dommages et intérêts à madame Abdallah et à ses enfants dont Zachary.

Ces dommages et intérêts doivent être versés par l’assureur Axa, qui fait appel de cette décision au motif que l’enfant Zachary étant né APRES la mort d’Abdallah, il n’existait pas légalement au moment des faits.

De ce fait l’assureur AXA estime qu’il n’y a pas lieu d’indemniser le fils posthume Zachary.

La décision d’indemnisation du fils posthume est pourtant maintenue par la cour d’appel, ce qui conduit Axa – qui se refuse à couvrir ce préjudice – à se pourvoir en cassation.

(Le pourvoi en cassation est introduit sur la base d’un argumentaire appelé « le moyen », d’où sa mention, pour évoquer de certains aspects de l’affaire reprise dans l’arrêt ci-dessous.)

L’arrêt de la Cour de cassation :

Il se fonde sur l’analyse du moyen : la cour de cassation ne juge jamais une affaire sur le fond, mais sur le respect rigoureux de la forme juridique des arguments utilisés, et sur la valeur des procédures judiciaires en cause, notamment celles qui sont invoquées lors de la décision rendue par la cour d’appel.

En l’espèce, la cour de cassation souligne dans son arrêt deux points soulevés tous deux liés à l’interprétation de l’article n°1240 du Code Civil :

« Tout fait quelconque de l’homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer. »

La cour reprend les arguments introduits dans le moyen (donc mis en avant par l’assureur qui s’est pourvu):

  • pour ouvrir droit à réparation, un préjudice doit être certain et la cour d’appel a fait état d’une souffrance affirmée de l’enfant « sans avoir retenu ni analysé aucun élément de nature à établir la réalité objective de la souffrance invoquée, la cour a privé sa décision de base légale au regard de l’article 1382 devenu 1240 du code civil » ;
  • «  pour ouvrir droit à réparation, un préjudice doit résulter du fait générateur qui l’a produit par un lien de causalité direct et certain ; qu’il n’existe pas de lien de causalité entre le décès accidentel d’une personne et le préjudice prétendument subi par son fils né après son décès ; qu’en jugeant le contraire, au motif inopérant que la mère de l’enfant a elle-même subi un préjudice moral lorsque, alors qu’elle était enceinte, son mari est décédé, la cour a violé l’article 1382 devenu 1240 du code civil »;

Mais la cour de cassation estime que la cour d’appel a effectivement caractérisé l’existence du préjudice moral :

« Mais attendu que, dès sa naissance, l’enfant peut demander réparation du préjudice résultant du décès accidentel de son père survenu alors qu’il était conçu ; qu’ayant estimé que Zachary X… souffrait de l’absence définitive de son père décédé dans l’accident du […], la cour d’appel a caractérisé l’existence d’un préjudice moral ainsi que le lien de causalité entre le décès accidentel de Abdallah X… et ce préjudice ; »

[Ce qui reste paradoxalement en fait subjectif de la part de la cour d’appel !]

Et de conclure alors :

« Par ces motifs :

REJETTE le pourvoi ; »

(de l’assureur)

https://www.courdecassation.fr/jurisprudence_2/deuxieme_chambre_civile_570/1605_14_38239.html

Autrement dit :

La cour de cassation reconnaît juridiquement le bien-fondé d’un préjudice moral, jugé comme caractérisé, occasionné à un enfant, mais survenu alors qu’il n’était pas encore né :

« attendu que, dès sa naissance, l’enfant peut demander réparation du préjudice résultant du décès accidentel de son père survenu alors qu’il était conçu »

(L’assureur devra donc l’indemniser!)

C’est donc reconnaître le fœtus, l’embryon dès sa conception, comme « personne humaine par destination » puisque bénéficiaire des droits qui s’y rattachent !

Et cela fera nécessairement jurisprudence !

C’est tout le fondement juridique de l’avortement qui peut, par-là, être remis en cause.

Jusqu’ici il est professé que : « un fœtus n’est pas une personne ».

Cela aura autant de répercussions que l’arrêt Perruche !…

(Et cela ne pourra pas non plus rester en l’état !)

Claude Timmerman

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