Le site Katehon publie cette information qui mérite l’attention de nos lecteurs.

En Décembre 2016, un projet de refonte globale de l’ile de la Cité a été présenté au président François Hollande. Ce rapport prévoit :

  • 100.000 m² crées – (ayant une valeur foncière dépassant le milliard d’euros),
  • La privatisation du patrimoine publique (47% de foncier est détenu par le public) –  (plusieurs centaines de millions d’euros),
  • Monétisation du flux du premier site touristique de France – (plusieurs centaines de millions d’euros pour 15 millions de visiteurs annuels),

Comme le souligne le rapport dont vous allez lire quelques extraits, un tel projet “n’a aucune chance de voir le jour“… Cependant, depuis le drame du 15 avril au soir, où le monde entier à vue en quelques heures des poutres de 800 ans bruler comme de la paille, nous assistons  à un véritable bal de coïncidences.

Avez-vous entendu parler du rapport PERRAULT et Bélaval[1] ? Ce rapport a été commandé par François Hollande et Anne Hidalgo en décembre 2015[2]. La lettre de mission dont nous produisons ici un extrait demande aux architectes Dominique Perrault[3] et Philippe Belaval “une vision de l’île à l’horizon des vingt-cinq prochaines années”. Dans la lignée des grands projets présidentiels…

Longtemps siège du pouvoir royal, elle a conservé celui de plusieurs institutions importantes pour la vie de la collectivité. La cathédrale Notre-Dame en constitue le monument le plus remarquable, mais d’autres édifices ou sites attestent à ses côtés de la place éminente que l’île a occupée dans l’histoire de la ville au fil des siècles, lui conférant un véritable statut d’ « île-monument » aux yeux de très nombreux artistes ou simples admirateurs de Paris. Enfin son inclusion dans le périmètre du classement des berges de la Seine au patrimoine mondiale de l’UNESCO a reconnu sa valeur universelle.

Or la situation de l’Ile de la cité ne saurait être regardée comme entièrement satisfaisante aujourd’hui. En dépit de la fréquentation élevée par les touristes ou les usagers des différents services, ce n’est pas, avec un millier d’habitants à peine, un lieu de vie à proprement parler. Les emprises du Palais de justice, de la préfecture de police, de l’Hôtel-Dieu constituent autant de blocs qui semblent impénétrables.

L’avenir de l’Ile de la Cité est un enjeu majeur, non seulement pour Paris, mais pour la France toute entière. L’Etat, en liaison étroite avec la ville de Paris, doit être le garant, aussi bien vis-à-vis de nos contemporains que des générations futures, de ce que cet avenir soit conforme aux ambitions que son histoire exceptionnelle, sa richesse patrimoniale et artistique et sa situation uniquepermettent de concevoir pour lui. Et ce d’autant plus que de nombreuses institutions relevant directement ou indirectement de l’Etat sont implantées sur l’île et sont pour certaines en voie de la quitter.

C’est la raison pour laquelle j’ai décidé, en accord avec Mme Hidalgo, Maire de Paris, de vous confier une mission d’étude et d’orientation sur ce que pourrait être la place de l’Ile de la Cité à l’horizon des vingt-cinq prochaines années.

Monsieur Dominique PERRAULT

Dominique Perrault architectures

Monsieur Philippe BELAVAL

Centre des monuments nationaux

Le rapport est remis en décembre 2016 et fait les constats suivants :

  • “centre névralgique au cœur de Paris – dans toutes les acceptions du terme : géographique, historique, administrative, patrimoniale, touristique, spirituelle – l’Île de la Cité ne parvient pourtant pas à incarner cette fonction de cœur battant de la ville, et encore moins de la métropole”. “L’île de la Cité n’est plus qu’un labyrinthe de citadelles administratives“.
  • ce territoire insulaire de 22 hectares est le moins dense de Paris si on considère son nombre d’habitants. « Sur un millier d’habitants, à peine 300 sont des résidents permanents. Les autres sont des occupants de passage car l’effet Airbnb ici joue à plein», souligne Philippe Bélaval.
  • “Notre-Dame de Paris reçoit aux alentours de 13 à 14 millions de visiteurs par an, ce qui fait par conséquent d’elle le monument le plus visité de Paris. Les tours de Notre-Dame et la Conciergerie avoisinent ou dépassent les 500 000 visiteurs annuels tandis que la Sainte Chapelle est découverte par plus d’un million de personnes chaque année. ” L’architecte déplore surtout que les 14 millions de touristes qui visitent chaque année la cathédrale (non sans avoir fait la queue sur le parvis, mesures de sécurité obligent) ne soient pas véritablement accueillis.

Comprenez, ce flot humain échappe complétement à toute logique marchande… C’est moche !

  • l’État est propriétaire de 57 % des espaces[4] tandis que la Ville de Paris possède quant à elle 43 % du site[5].
  • “l’emplacement stratégique et la rareté des fonciers de l’île permettent d’envisager des projets uniques et ambitieux, capables de contenter si bien le privé que la personne publique. “

Aussi, les deux architectes proposent de “créer environ 100.000 m² nouveaux ayant une valeur foncière dépassant le milliard d’euros, sans transformation radicale”. Comment ? En construisant une dizaine de couvertures de verre et d’acier au-dessus des nombreuses cours intérieures.

Parmi les 35 propositions du rapport, ils avancent notamment un projet révolutionnaire. Une gigantesque dalle transparente à la place du parvis de Notre-Dame !

En effet, le parvis de Notre Dame, long de 135 m et large de 100 m, serait recouvert d’une immense dalle de verre au-dessus de la crypte archéologique ; aux pieds de la cathédrale, un débarcadère et des plates-formes flottantes accueillants piscine, cafés, restaurants, salles de concerts ; le long de la Seine, une longue promenade végétalisée, débarrassée des voitures, reliant les pointes aval et amont de l’île ; deux nouvelles passerelles qui franchissent le fleuve ; un peu partout, des verrières, des passages couverts, des galeries souterraines, des atriums en sous-sol…

Seulement voilà, l’Île de la Cité renferme une trentaine de biens protégés au titre des monuments historiques. De plus, ce site de 22 ha est classé au patrimoine mondial de l’Unesco…

Par conséquent, comme le souligne le rapport, un tel projet “n’a aucune chance de voir le jour“:

UN PROJET D’ENSEMBLE SINON RIEN (rapport Perrault page 11)

L’entrée de l’Île de la Cité dans une troisième époque heureuse de son histoire exige une prise de position volontariste au plus haut niveau de l’État. En effet, le projet ne peut exister que dans sa complétude, tant les contraintes propres à ce territoire sont multiples. Il s’agit d’abord de contraintes règlementaires identifiées comme le millefeuille de protections patrimoniales touchant ce site inscrit sur la liste du Patrimoine mondial de l’humanité établie par l’Unesco. Les mesures de protection du site sont justifiées eu égard à l’exceptionnalité du patrimoine de l’île. Il convient donc de prendre le parti de les intégrer dans une réflexion d’ensemble mais en aucun cas de les contourner. Outre ces mesures de protection, la mission identifie des freins de nature plus politiques, internes à l’administration, tant la portée du lieu dans l’histoire des institutions crée de compréhensibles réticences au changement. Enfin, le lieu reste marqué par les ambiguïtés du partage de son foncier entre Ville et Etat.

En ce sens, un projet isolé au milieu de cette complexe machine n’a aucune chance de voir le jour, sinon par compromission sur sa qualité. A l’inverse, si l’État prend pleine conscience du potentiel de cette île et pose les bases d’une gouvernance ad hoc d’un projet d’ensemble, les différents verrous ne pourront que tomber. Et cela à raison, car la cohérence du traitement de l’île dans son entièreté sera la garantie de la qualité du résultat.

Par conséquent, il faudrait vraiment un évènement impromptu et très volontariste” ou “inattendu et improbable”[6]  pour que des travaux d’une telle ampleur puissent être autorisés dans un des sites architecturaux les plus protégés de France…

 Mais le hasard fait parfois bien les choses ! Depuis le drame du 15 avril, le gouvernement a préparé une loi d’exception pour accélérer la reconstruction de Notre-Dame. Le texte permettrait notamment de déroger au code du patrimoine[7]. En effet, le texte, rédigé en quelques heures, proposerait de s’affranchir des procédures en vigueur en matière de monuments historiques sur un site qui n’en compte pas moins de 35… Plus inquiétant, ce projet de loi autoriserait à déroger à un certain nombre de règles, comme le Code des marchés publics.

Concernant le nouveau parvis de Notre-Dame, Philippe Bélaval  précise : “Cette proposition fera peut-être débat[8], mais nous sommes prêts à répondre aux éventuels détracteurs. En sous-sol, les millions de visiteurs qui patientent [[aujourd’hui]] sous la pluie ou la canicule disposeront de services indispensables, comme des toilettes ou une bagagerie.” Ou encore des commerces…

Ainsi, comme le souligne le rapport un tel projet “exige une prise de position volontariste“! Heureusement, il avait déjà de fervents apôtres. Premièrement, la commande vient du plus haut niveau de l’Etat, Le président François Hollande en personne. Ensuite, de la mairie de Paris. En effet, le 16 décembre 2016 lors de la remise du rapport au président, Anne Hidalgo s’est montrée dithyrambique : “Je suis extrêmement enthousiaste ! Ce projet très puissant aura une répercussion internationale. C’est un signal fort qui montre au monde que Paris est capable de se réinventer, tout en protégeant, et même en valorisant, son patrimoine exceptionnel”.

Dans une conférence[9] donnée le 22 novembre 2017, à la 16ème minute, l’ancien président François Hollande vient écouter et soutenir les deux experts[10]

De plus, il semble bien que quelques entreprises soutiennent le projet puisque sur les 56 pages que compte le rapport, à la section « Entretiens avec des personnalités qualifiées, susceptibles d’apporter un éclairage particulier sur l’avenir de l’ile de la Cité », notons la participation de :

– M. Marc-Antoine Jamet, Secrétaire Général du groupe de luxe LVMH, ainsi que directeur immobilier,

– M. Jean-Paul Claverie, conseiller de M. Bernard Arnault, Président de LVMH…

Il semble bien que le privé y voit un intérêt certain. Comme en témoignent les 200 millions d’investissements (Pardon !) de dons réalisés par M. Arnault à la suite de l’incendie de Notre-Dame…

Vous l’aurez compris, ce projet rapporte beaucoup et à plus d’un titre :

  • 100.000 m² de crées – (valeur foncière dépassant un milliard d’euros),
  • La privatisation potentielle d’une bonne partie du patrimoine public (47% de foncier détenu par le public) –  (plusieurs centaines de millions d’euros),
  • Monétisation du flot de touristes du premier site touristique de France –(plusieurs centaines de millions d’euros),

Depuis l’incendie de Notre Dame certains médias ont commencé à communiquer de nouveau sur le projet de M. Perrault. Dans un article du Figaro[11] du 18 avril 2019, l’architecte a confirmé la faisabilité de la reconstruction de la cathédrale en 5 ans, tel qu’annoncé par le président Macron[12]. Il va sans dire que ce chiffre de 5 ans est donné à titre indicatif. Imaginer un impératif lié aux Jeux olympiques de 2024[13] serait pure fiction !… M. Perrault, par ailleurs, n’est pas spécialement impliqué dans les préparatifs de cet événement, puisqu’à l’exception du contrat du village olympique dont sa société a la charge, il n’a, à notre connaissance, aucun autre chantier en cours qui concernerait cette échéance…

Les médias Vanity Fair[14] et L’Obs[15] ont consacré depuis l’incendie de Notre Dame une interview au “starchitecte”. Selon Dominique Perrault: “Ces idées sont toujours d’actualité[16] et verront peut-être le jour grâce ou à cause de cet évènement. Car la cathédrale a été endommagée mais elle suscite aujourd’hui une attention nouvelle. “

Vient alors une première question :

Y a-t-il la volonté au niveau de l’Etat de reconstruire Notre-Dame à l’identique ou ne serait-ce que dans le même type architectural ? Que va donner cette “attention nouvelle” ? Pour Dominique Perrault la réponse est très claire. Il faut “introduire la modernité dans le patrimoine.

“Réinterpréter la structure de l’édifice lors de la reconstruction de la flèche posera de vraies questions philosophiques, techniques et poétiques. Le fait de ne pas imposer la restitution permet à l’imagination de se développer et d’apporter ce que Victor Hugo appelait « les alluvions du temps » “.[17] 

Voici alors une illustration de ce que pourrait devenir Notre Dame de Paris[18] :

Mais surtout, la question que nous nous posons tous sachant que les sommes déjà récoltées excèdent très largement les besoins.[19]

Refaire le toit de la cathédrale ? Certes ! Mais vont-ils refaire juste cela ?…


[1]https://www.courdecassation.fr/institution_1/redeploiement_sein_palais_cite_8720/mission_ile_cite_7990/philippe_belaval_35920.html

[2] http://www.missioniledelacite.paris/la-mission

[3] L’architecte de la BNF

[4] Notamment les locaux de la Préfecture de Police implantés dans le Palais, la Sainte-Chapelle et la Conciergerie, la Cour de cassation et la Cour d’appel.

[5] Principalement les juridictions du premier degré (Tribunal de Grande Instance et Cour d’Assises).

[8] Ouvrir le sol sur le devant de Notre-Dame ne peut manquer également d’interroger sensiblement son assise…

[10] Par ailleurs, Dominique Perrault est un homme de réseau. Ayant été l’architecte de la BNF il fait partie du réseau  Mitterrand et Lang. Avec un chiffre d’affaires de 5.9 Millions en 2016 DOMINIQUE PERRAULT ARCHITECTURE compte une 100aine de collaborateurs. En plus de ses locaux à Paris, l’agence compte une filiale genevoise et madrilène.

[16] Notons que sur le site de Dominique Perrault ARCHITECTURE la rénovation de l’ile de la Cité se trouve dans la catégorie PROJET. De plus, la page internet du projet « Mission d’étude île de la cité » à également était complété le mardi 16 avril d’un texte de l’architecte ainsi que d’une photo de Notre Dame de Paris en feu.

[18] Attention : ce plan n’est pas du cabinet Dominique Perrault ARCHITECTURE

[19] L’historien de l’art Alexandre Gady note : Une large restauration de la cathédrale avait été fixée à 250 millions il y a trois ans, somme qui peut, après le drame, être estimée à plus du double mais pas à quatre fois plus? “

+++++++

Pour Notre-Dame de Paris et pour sainte Jeanne d’Arc,

tous à Paris le 12 mai 2019 !

Cet article vous a plu ? MPI est une association à but non lucratif qui offre un service de réinformation gratuit et qui ne subsiste que par la générosité de ses lecteurs. Merci de votre soutien !

MPI vous informe gratuitement

Recevez la liste des nouveaux articles

Je veux recevoir la lettre d'information :

Nous n’envoyons pas de messages indésirables ! Lisez notre politique de confidentialité pour plus d’informations.

Les commentaires sont fermés

Abonnez-vous à CARITAS !

Ça y est, le numéro 1 de la tout nouvelle revue Caritas est chez l’imprimeur et en prévente sur MCP.

Nous vous l’avions annoncé dans un précédent mailing : la naissance d’une toute nouvelle revue de qualité, Caritas, la revue du pays réel, et la parution prochaine de son premier numéro de 86 pages. Bonne nouvelle, : ce numéro 1 de Caritas qui consacre son dossier à la Lutte contre la haine anticatholique vient d’être envoyé à l’imprimerie et sera bientôt dans les librairies et les boites aux lettres des abonnés.

Militez,

En achetant le n°1 de CARITAS : Lutter contre la haine anticatholique

En s’abonnant à cette nouvelle revue : la revue CARITAS !