Bruno Guillot raconte dans son ouvrage autobiographique ( Adieu Soulayman. Itinéraire d’un imam salafiste, Éditions Nous Al Aalam) le voyage qui l’a conduit du salafisme le plus strict à la foi catholique, en passant par une profonde crise spirituelle qui a complètement transformé sa vision religieuse.
Le magazine français La Nef raconte comment cet homme né en 1986 dans une famille française d’origine catholique mais non pratiquante, et ayant grandi en Belgique, a cru trouver dans l’islam une réponse à ses interrogations spirituelles durant son adolescence. À l’âge de 15 ans, il a prononcé la shahada dans une mosquée de Charleroi, où il a été chaleureusement accueilli, et a adopté le nom de Soulayman (qui signifie « Homme de paix »). Quatre ans plus tard, il a épousé une jeune femme également convertie à l’islam, avec laquelle il a eu deux enfants.
Son engagement religieux s’est intensifié après un séjour en Égypte, où il a étudié l’arabe et commencé à mémoriser le Coran. Il a ensuite été admis à l’Université islamique de Médine (Arabie saoudite) et a terminé ses études à Tanger (Maroc).
Guillot embrassa le salafisme, qui considère que l’unique voie du salut sont le Coran et la Sunna, qui interdisent catégoriquement toute remise en question de l’islam sous peine de châtiment terrestre et éternel pour apostasie. Il s’imprégna pleinement du mépris pour le judaïsme et le christianisme qui régnait à Médine. Son dévouement était absolu : « Je vis, je mange et je respire l’islam », reconnaissait-il. Même la possibilité de participer un jour au djihad ne l’inquiétait pas. Ce dévouement impressionna ses supérieurs à Médine, qui lui accordèrent, ainsi qu’à sa famille, des avantages matériels tout en le préparant à contribuer à l’islamisation d’une Europe « décadente ».
Le moment décisif
Un événement inattendu marqua un tournant dans la foi de Bruno. Après avoir obtenu l’autorisation de se rendre en Belgique pour rendre visite à son père, atteint d’une tumeur au cerveau (une nouvelle interprétée à Médine comme une intervention divine), il fut surpris d’être accueilli par ces mots affectueux, inspirés de l’Évangile : « Tu es enfin à la maison, mon petit. » Sa mère lui expliqua alors comment son père avait redécouvert une foi qu’il avait abandonnée depuis des années et qu’il abordait désormais la mort avec sérénité. « Ne t’inquiète pas pour la mort : nous ne perdons rien, nous gagnons tout », lui avait-il dit.
Cependant, d’un point de vue islamique, une telle attitude est inconcevable : en tant qu’« infidèle », le non-musulman ne peut que s’attendre à être « maudit » par Dieu (Coran 9:68). Bruno, profondément imprégné de cette doctrine, se sentit « paralysé » lorsqu’au chevet du corps serein de son père récemment décédé, il composa une prière demandant à Dieu de l’accepter.
Etude comparative de la Bible et du Coran
Cet épisode lui a permis de prendre conscience de son erreur. « Je comprends maintenant que ce n’est pas l’amour qui lie les musulmans à l’islam, mais la peur. Mes conversions [à l’islam] étaient motivées par la crainte de l’enfer, et non par la miséricorde divine, et je ne peux m’empêcher de me sentir coupable de mon passé. »
Il s’est alors plongé dans un conflit intérieur qui l’a conduit à entreprendre une étude comparative de la Bible et du Coran. Il a décelé une ambiguïté dans le texte sacré de l’islam concernant des passages fondamentaux de l’Ancien Testament, ce qui complique leur classification au sein d’une même tradition, comme le suggère le terme « religions abrahamiques ».
Alors que le récit biblique situe le sacrifice d’Isaac, fils d’Abraham, dans le contexte de l’alliance de Dieu avec son peuple (Genèse 22:2), le passage coranique qui relate cet épisode omet l’identité de l’enfant. Bruno a alors découvert que le nom Ismaël, utilisé dans la tradition islamique, vise à présenter Mahomet comme un descendant d’Abraham. Il est affirmé qu’ensemble, ils ont fondé la Kaaba (la pierre de météorite enchâssée dans la mosquée de La Mecque). Cela permet aux musulmans de le considérer comme le « Sceau des Prophètes ». Pour pallier l’absence de toute référence à Mahomet dans la Bible, l’islam se réfère à l’Évangile de Jean, qui rapporte les paroles de Jésus annonçant la « venue d’un autre Défenseur » (14:16). Se fondant sur cette clarification du Christ, pour qui ce Défenseur est « l’Esprit de vérité… qui demeure avec vous et qui sera en vous » (Jean 14:17), Bruno conclut : « Il ne peut s’agir que du Saint-Esprit. »
L’ambiguïté de l’islam est également manifeste dans l’affirmation concernant les Juifs et leur responsabilité dans la crucifixion de Jésus. Selon le Coran : « Ils ne l’ont ni tué ni crucifié, mais cela leur a paru ainsi. Ceux qui ne sont pas d’accord sur ce point sont dans le doute. Ils n’en ont aucune certitude » (4:157). Le mot « incertitude » frappe soudain Bruno. Après avoir récité ce verset à maintes reprises, même pour persuader des chrétiens de se convertir à l’islam, il prend conscience de son ignorance d’une réalité historique qui n’a jamais été remise en question. Il conclut : « Je comprends alors, aussi soudainement qu’involontairement, que ceux qui doutent sont les musulmans. » Et il choisit la vérité. « Toutes mes recherches me conduisent désormais à admettre que Jésus a été crucifié. Un des piliers sur lesquels repose l’islam s’est effondré de façon spectaculaire, et moi avec lui. Je comprends donc que cette crucifixion et la Résurrection constituent un élément fondamental du plan de Dieu et du salut de l’humanité. »
Des hommes déjà mariés voulaient épouser sa fille âgée de huit ans
Au-delà des aspects doctrinaux, Bruno se souvient d’expériences douloureuses vécues durant ses années d’engagement envers l’islam. À Médine, il a refusé les demandes en mariage de deux hommes musulmans mariés qui souhaitaient également épouser sa fille Assia, âgée de huit ans. Ils justifiaient leur demande en citant l’exemple de Mahomet, « le modèle parfait » selon le Coran (33:21), dont l’une des épouses, Aïcha, avait neuf ans le jour de son mariage. Il a également été témoin de décapitations publiques et a vécu la violence et la mort subies par de nombreux pèlerins lors des rituels accomplis à La Mecque.
Peu à peu, la vérité sur l’islam a émergé : incohérences et mensonges, interprétations erronées de la Révélation et des prophètes, confusion historique concernant Mahomet (aucun miracle ne lui est attribué) et La Mecque (qui n’existait pas à son époque), contradictions dans le texte coranique, cruauté de la loi islamique, entre autres aspects – non sans souffrances, qu’il a confiées à d’autres. Ces découvertes l’ont amené à se demander : « Et si l’islam n’était qu’un courant de pensée parmi d’autres, en contradiction avec l’orthodoxie chrétienne ? »
« Je ne suis plus musulman ; c’est ma libération. »
Après une difficile lutte spirituelle, marquée par le doute et des échanges éprouvants avec des musulmans, Bruno Guillot trouva la paix en modifiant sa façon de prier. Cette transformation lui offrit une proximité inédite avec Dieu, qu’il appela « Père » pour la première fois. Il finit par se confier à un ami musulman inquiet de son éloignement : « Je ne suis plus musulman ; c’est ma libération. » Ces révélations lui valurent de douloureuses conséquences, notamment des insultes et des menaces d’« apostasie ». Il s’installa en France avec ses enfants.
Commentant cette oscillation, cas exceptionnel qui caractérise l’histoire du repentir, Rémi Brague souligne dans son épilogue la pertinence de son diagnostic dans un Occident décadent, malade de déchristianisation. « L’islam n’attire pas pour ses qualités propres, mais comme compensation d’une faiblesse intérieure, pour combler un vide spirituel. » Cet ouvrage précieux mérite toute notre attention.
Léo Kersauzie
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