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Comment l’euthanasie se répand comme une épidémie au Canada

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Plus de 60 000 Canadiens sont morts par euthanasie

En moins d’une décennie, l’euthanasie est devenue la cinquième cause de décès au Canada, représentant un décès sur 20 depuis sa légalisation en 2016. Plus de 60 000 Canadiens sont morts par euthanasie. « Cela marque un changement culturel majeur dans la façon dont nous vivons et mourons au Canada », déclare Amanda Achtman, une critique de premier plan de cette pratique et fondatrice du projet Dying to Meet You.

Il n’est plus nécessaire que les patients soient en phase terminale pour demander l’euthanasie, et des débats sont en cours sur la question de savoir si les mineurs ou les personnes atteintes de troubles mentaux devraient pouvoir en faire la demande. Les associations de défense des personnes handicapées comptent parmi les principales critiques du programme, arguant qu’il envoie un message inquiétant : la vie des personnes handicapées a moins de valeur.

Quelles sont les implications éthiques du programme d’euthanasie canadien? Comment modifie-t-il la dynamique familiale, les normes sociales, le sens d’une vie bien vécue et le rôle fondamental du médecin ?

L’euthanasie, aussi connue sous le nom d’aide médicale à mourir [AMM], est désormais la cinquième cause de décès au Canada. En 2016, le Canada a légalisé l’euthanasie à l’échelle nationale, suite à une décision judiciaire. C’est ainsi que les changements se sont produits, non pas tant par le biais du débat public, mais par l’intermédiaire des tribunaux. Le gouvernement avait donc une date limite pour adopter une loi légalisant l’euthanasie à tous les niveaux.
Et bien sûr, comme partout ailleurs, l’euthanasie, ou comme on l’appelle désormais, l’aide médicale à mourir, était initialement officiellement réservée aux personnes dont la mort était jugée raisonnablement prévisible en cas de maladie grave et irrémédiable. C’est ainsi que cela a été introduit. Et depuis, l’euthanasie est devenue l’une des principales causes de décès au Canada. L’euthanasie au Canada représente désormais un décès sur vingt. Nombreux sont ceux qui connaissent quelqu’un qui a été euthanasié ou qui y pense. Cela marque donc un changement culturel majeur dans la façon de vivre et de mourir au Canada.

Entre 2016 et 2023, c’est-à-dire les données les plus récentes, un peu plus de 60 000 personnes sont mortes ou se sont suicidées de cette façon.

Comment expliquer cette épidémie mortifère ?

De nombreuses personnes ressentent une perte de sens à l’approche de la fin de leur vie. C’est ce que confirment les données du gouvernement. Chaque année, le gouvernement interroge les citoyens sur le type de souffrance qui les motive. Que les personnes soient atteintes d’une maladie terminale, d’un handicap ou de démence, lorsqu’on leur demande quel type de souffrance les pousse à demander l’AMM, la principale souffrance, de l’aveu même des personnes, est la perte de la capacité à s’engager dans des activités significatives. Bien que cela se situe dans le contexte de la santé publique et de la médecine, cela marque véritablement une crise existentielle, une crise de sens.

Même l’ancien ministre libéral de la Justice a qualifié l’euthanasie, l’aide médicale à mourir, de suicide. Il l’a dit dans une émission. Il s’agit donc d’une forme de suicide. Les psychiatres ont souligné que cela les place dans une position impossible, car leur responsabilité est de prévenir le suicide. Pourtant, alors qu’une partie de la population bénéficie de l’aide médicale à mourir, pourquoi existe-t-il aujourd’hui un monde où certaines personnes bénéficient de l’aide au suicide et d’autres de la prévention ?

Nous savons que certaines catégories de gens se voient proposer cette aide au suicide facilitée par l’État. J’ai entendu des personnes handicapées dire : « C’est la première chose à laquelle le gouvernement m’a dit que j’étais admissible. » Se faire dire que l’on est admissible à une mort prématurée, c’est déjà tuer la personne. Cela dévalorise déjà la personne. Voilà l’impact de l’euthanasie sur les Canadiens.

Amanda Achtman, critique de premier plan de cette pratique et fondatrice du projet Dying to Meet You

Pourquoi la société moderne  et déchristianisée considère-t-elle cela comme raisonnable et au service de la personne alors qu’il n’est jamais dans l’intérêt de quelqu’un de ne pas exister ? C’est un appel à l’aide. Et nous devons l’accueillir comme tel et non pas encourager la personne à choisir la mort.

Quelques années plus tard, le gouvernement libéral avait voulu ‘étendre l’euthanasie au-delà des paramètres préliminaires. Et cela arrive toujours, car une fois légalisée, l’euthanasie ne peut rester limitée. Selon la logique mortifère, si l’euthanasie est considérée comme un moyen raisonnable et bienveillant de soulager la souffrance, pourquoi la limiter ? Pourquoi la refuser à quiconque ? Cela n’a aucun sens. Pourquoi la refuser aux enfants… Au Canada, un tournant dans le débat national sur l’euthanasie s’est produit lorsqu’un père, Robert Latimer, a tué sa fille handicapée en Saskatchewan. Il avait une fille de 12 ans atteinte de paralysie cérébrale et il l’a gazée à l’arrière de son camion. L’affaire a fait le tour du monde. Le New York Times en a parlé ; ce fut un tournant décisif. Pourquoi ? Parce que beaucoup de gens compatissaient au père, estimant qu’il avait fait preuve de compassion, qu’il avait apaisé les souffrances de sa fille. Et c’est à ce moment-là que de nombreuses personnes handicapées se sont dit : « Oh non, quelque chose cloche », car les gens compatissent au père qui a mis fin à la vie de sa fille. Elle ne pouvait pas consentir, elle ne pouvait pas parler, et la façon dont elle a été décrite avec un langage aussi déshumanisant, comparée à celui du père décrit avec des termes aussi élogieux, fait partie de l’histoire.

Et maintenant, cet homme est libre et de retour sur sa ferme en Saskatchewan. On observe donc une pression explicite en faveur de l’euthanasie pour… on ne parle pas d’enfants, mais de mineurs matures dans le débat sur l’euthanasie. Le président du Collège des médecins et chirurgiens du Québec a témoigné devant le Parlement qu’il estimait important que l’aide médicale à mourir soit envisagée pour les enfants présentant de graves malformations et anomalies, comme il l’a dit. Le principal lobby de l’euthanasie au Canada a suggéré que l’aide médicale à mourir soit étendue aux mineurs matures qu’il estime capables de consentir, peut-être avec l’accord d’un parent ou d’un tuteur.

Dans l’ensemble, la plupart des Canadiens consentent ostensiblement à mettre fin à leurs jours. Et il est intéressant de noter que beaucoup souhaitent mourir chez eux. C’est un espoir commun. Et maintenant, des médecins spécialisés dans l’euthanasie arrivent – ​​enfin, ce sont des médecins qui viennent prodiguer l’AMM. C’est le langage courant – au domicile des personnes.

Critères subjectifs

Les critères de choix de l’aide médicale à mourir sont plutôt subjectifs, car ils reposent en grande partie sur le sentiment de la personne que ses souffrances lui sont intolérables. La majorité des personnes demandant l’euthanasie souffrent d’une maladie terminale comme le cancer, ou vivent avec des maladies comme la sclérose en plaques. Ces conditions sont difficiles. De toute évidence, elles entraînent des problèmes de santé mentale concomitants.
Mais quel message envoie-t-on lorsque la réaction à un diagnostic ou à l’entrée dans cette phase de vie est d’y mettre fin prématurément ? Cela rend toutes les personnes diagnostiquées plus précaires. Cela nous rend tous plus précaires, car dès qu’un critère social rend la vie moins supportable et moins raisonnable, alors toute personne atteinte de cette maladie, qu’elle le veuille ou non, est considérée comme menant une vie qui vaut peut-être moins la peine d’être vécue.

Lorsque le Canada a légalisé l’euthanasie, c’était pour un contexte de maladie grave et irrémédiable, et pour les personnes en fin de vie. Des garanties plus strictes étaient prévues, exigeant la présence de témoins indépendants et une période de réflexion de 10 jours. Ces garanties ont été supprimées pour les personnes jugées en fin de vie imminente. Le Canada a donc instauré en 2021 un système à deux vitesses.
La première voie concerne les personnes en phase terminale et celles dont la mort est jugée imminente, et la deuxième, celles dont la mort n’est pas raisonnablement prévisible. C’est cette voie qui a conduit à l’euthanasie pour les personnes handicapées. Si l’euthanasie est considérée comme une réponse raisonnable à la souffrance, pourquoi la limiter aux seules personnes en fin de vie ? C’est donc la raison pour laquelle l’euthanasie a été étendue aux personnes handicapées : beaucoup souffrent encore plus tout au long de leur vie que d’autres en fin de vie et meurent naturellement. N’auraient-elles donc pas droit à la même possibilité de soulager leurs souffrances par la mort ?

Et l’euthanasie pour les troubles de santé mentale ?

Mme Achtman fournit des informations significatives :

Lorsque je travaillais en politique, le gouvernement libéral cherchait à élargir l’euthanasie, d’abord en invoquant le handicap, grâce au projet de loi C-7. Avec le député avec qui je travaillais, nous avons créé un site web intitulé « Pas de mort le jour même », car cela permettait notamment de demander l’euthanasie et d’être tué le jour même, sans délai de réflexion de dix jours.
Pour nous opposer à la suppression de ces garanties, jugées essentielles quelques années auparavant, nous avons lancé cette pétition. Des milliers de personnes l’ont signée. Nous avons ensuite lancé un appel à témoignages sur les conséquences que l’extension de l’euthanasie pourrait avoir sur les proches. Le Sénat ayant proposé d’étendre cette pratique aux personnes souffrant uniquement de troubles mentaux, nous avons reçu des témoignages sur les troubles mentaux et le handicap. Des centaines de témoignages nous ont afflué, nous suppliant et nous implorant de ne pas autoriser cette extension de l’euthanasie à ces conditions et sur les conséquences qu’elle pourrait avoir pour elles-mêmes et leurs proches.
Au plus fort de la pandémie, dans ce bureau parlementaire devenu un véritable centre de prévention du suicide, je lisais ces lettres avec attention, ressentant la responsabilité de répondre à chacune d’elles et de les accueillir avec franchise et vulnérabilité. Des personnes nous écrivaient qu’elles avaient lutté contre des idées suicidaires et que, si cette loi avait été en vigueur à ce moment-là, elles ne seraient plus là. Le poids que nous ressentions en travaillant sur ce dossier, sachant que si cette loi était adoptée, de nombreuses personnes seraient perdues, était accablant.
Et voilà ce qui s’est passé : la loi a été adoptée et l’euthanasie a été étendue à ce que l’on appelle la deuxième voie pour les personnes handicapées, et elle incluait également l’euthanasie pour les personnes dont la maladie mentale est la seule condition médicale. Cependant, cette partie de la loi, la maladie mentale comme seule condition médicale, a été reportée, et ce depuis, année après année, de sorte qu’elle devrait entrer en vigueur en mars 2027, sauf changement.
En résumé, l’euthanasie existe déjà pour les personnes aux prises avec des problèmes de santé mentale, même si ce n’est pas à cause d’une maladie mentale diagnosticable, mais comme facteur aggravant. Ainsi, si vous êtes en fauteuil roulant et déprimé, vous avez droit à l’euthanasie. Mais si vous êtes seulement déprimé, ce n’est pas le cas. C’est ce qui a conduit les membres de la communauté des personnes handicapées à dire que cette pratique fait des personnes handicapées une catégorie de personnes à risque.

Or, citons le cas de  Laura Delano, qui a passé 14 ans sous traitement psychiatrique. Elle a parfois tenté de se suicider, et a failli y parvenir. C’était presque un miracle qu’elle n’y soit pas parvenue. Mais elle le désirait profondément et, lorsqu’elle a survécu, elle était vraiment malheureuse d’y être parvenue. Mais finalement, lorsqu’elle a commencé à se sevrer de certains médicaments, elle a retrouvé cette volonté de vivre.

Euthanasie et suicide assisté

Au Canada, l’aide médicale à mourir comprend à la fois l’euthanasie et le suicide assisté, la différence étant que l’euthanasie consiste à administrer directement l’injection létale par un médecin ou une infirmière. Aux États-Unis, le suicide assisté consiste à obliger le patient à prendre lui-même la substance mortelle. Il s’agit d’une différence considérable, car au Canada, avec plus de 99 % des cas d’euthanasie administrée par un médecin ou une infirmière, on observe une sorte d’externalisation mutuelle des responsabilités.

Le patient se dit qu’il se contente de subir une intervention médicale financée par des fonds publics, tandis que le médecin se dit qu’il ne fait qu’exécuter les souhaits du patient et que c’est sa maladie sous-jacente qui le tue.

Mais l’euthanasie et le suicide assisté sont toujours élargis au nom de l’égalité. Une fois qu’ils existent pour un certain segment, pour une certaine population, il n’y a plus de raison de les limiter s’ils sont présumés être une bonne chose, pleine de compassion et raisonnable.

Exiger l’auto-administration est une sorte de mesure de protection, car c’est dissuasif. Beaucoup de gens ne le feraient pas, ou pourraient recevoir les médicaments, puis ne pas les prendre. Ils changent d’avis.

L’encouragement d’Etat à l’euthanasie

Le gouvernement affirme que même si vous n’avez pas de médecin de famille au Canada, il enverra un fournisseur d’aide médicale à mourir à votre domicile. Or, nous vivons dans une situation où de très nombreux Canadiens n’ont pas de médecin de famille. L’euthanasie est donc étrangement une forme de soins de santé sans liste d’attente. Et tous les autres soins de santé au Canada ont une liste d’attente. La rapidité avec laquelle les gens reçoivent des appels lorsqu’ils se renseignent sur l’aide médicale à mourir suffit à effrayer certaines personnes, car elles n’ont jamais reçu de réponse aussi rapidement pour une question liée aux soins de santé. C’est donc alarmant.

Et le serment d’Hippocrate ?

Une femme médecin spécialisée en euthanasie au Canada aborde le serment d’Hippocrate dans son livre. Elle explique : « Quand j’ai commencé à pratiquer l’aide médicale à mourir, je ne la considérais pas tant comme un préjudice que comme une aide. La maladie sous-jacente était responsable du décès de la personne, et je ne faisais qu’exécuter ses souhaits. »

C’est comme si vivre était devenu le mal. Et c’est en partie ainsi que l’euthanasie a été légalisée. En vertu de l’article 7 de la Charte canadienne, partie intégrante de la Constitution, qui porte sur la vie, la liberté et la sécurité de la personne, c’est le droit à la vie, à la liberté et à la sécurité de la personne qui a été invoqué pour justifier l’interruption de la vie des patients. Comment ?
C’est donc sur cette base perverse que l’euthanasie a été introduite : elle préserve, de manière étrange, la sécurité de la personne, qui peut demander à un médecin de mettre fin à ses jours si ses souffrances deviennent insupportables, intolérables.

Lorsque le Canada a légalisé l’euthanasie, il a créé une exception à l’infraction d’homicide prévue au Code criminel, spécifiquement pour les médecins et les infirmières qui pratiquent l’aide médicale à mourir, selon les critères précisés. Au bas de ces critères, il est précisé qu’aucun médecin ni aucune infirmière ne peut être contraint de participer à une euthanasie contre sa conscience ou sa volonté.
Mais les hôpitaux refusant de pratiquer l’euthanasie sur place sont poursuivis pour non-prestation de l’AMM. Par exemple, les hôpitaux catholiques, ou un hospice appelé Delta Hospice, ont fermé leurs portes parce qu’ils refusaient de pratiquer l’euthanasie. Or, de nombreux patients souhaitent être soignés dans un lieu où ils savent que l’euthanasie ne sera ni évoquée ni proposée. L’absence de protection institutionnelle pour inclure des places sans AMM constitue donc une atteinte aux droits des patients.

Le suicide n’est jamais une aide. C’est pourquoi le terme « assistance » est si problématique. L’assistance médicale est une appellation erronée. Les soins palliatifs consistent à utiliser la médecine pour aider les personnes en fin de vie. Administrer des médicaments mortels destinés à mettre fin à la vie d’une personne n’est pas utile. Cela n’aide en rien. Il faut donc également se méfier des abus de langage qui nous désensibilisent.

Léo Kersauzie

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