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Et la suite ?

Les manifestations du samedi 16 mars ont tourné à l’émeute révolutionnaire. Plusieurs immeubles et un restaurant parisiens ont été incendiés, les boutiques de luxe des Champs-Élysées ont été saccagées et pillées. Cette situation insurrectionnelle que peu d’irresponsables osent approuver et que personne ne souhaite voir perdurer a mis les divers protagonistes–manifestants, police, gouvernement–au pied du mur.

Les scènes d’incendie et de pillage ont révélé les bas-fonds de l’âme humaine… Il n’est pas normal de justifier les exactions ou le vol. Mais ces aberrations sont dues aussi à des pouvoirs laxistes… On ne peut faire à longueur d’émission ou de programmes scolaires l’éloge de la Révolution dite française, de la révolution bolchevique ou des rouges d’Espagne sans avoir tôt ou tard quelques conséquences… Avis aux amateurs.

Les « gilets jaunes » subissent les conséquences d’une inorganisation en partie voulue. N’ayant pas de service d’ordre proprement dit ni de chefs, il s’agit d’une nébuleuse. Le mouvement a attiré beaucoup de sympathies car il correspondait à une insurrection du pays réel, et c’est pourquoi encore maintenant il garde un certain capital d’appui dans le pays. Et il le gardera sans doute tant que ses revendications des débuts–la baisse de la fiscalité, la justice fiscale et sociale pour les classes moyennes, la réalisation des retraites–n’auront pas été satisfaites. Le pouvoir s’illusionne à ce sujet en pensant que son « grand débat », parti dans tous les sens, et ayant assez peu concerné les gilets jaunes, pourra apporter la solution. Soit le pouvoir s’attaquera aux revendications précises rappelées ci-dessus, soit son rideau de fumée ne permettra pas longtemps d’éviter de nouvelles confrontations. Quant aux gilets jaunes, ils ont toujours intérêt à revenir à leur revendications initiales, un peu comme le géant Antée qui reprenait force à chaque fois qu’il touchait la terre.

Ceci étant, en dehors des politiciens, personne ne confondra de simples manifestants, même exaspérés, avec des groupuscules gauchistes organisés et des casseurs. L’on a parfois regretté une certaine contagion de la violence chez quelques manifestants, ou leur passivité en face des casseurs (qui s’explique d’ailleurs par la surprise et la curiosité du « badaud peuple. ») L’on peut aussi déplorer que certains, heureusement isolés, aient parfois lancé des slogans stupides du genre « tout le monde déteste la police. » Mais les violences policières existent aussi, et des ripostes sont parfois inappropriées… Il est parfois reproché à la police, au lieu de canaliser les manifestants non casseurs pour que le flot s’écoule, de les bloquer longuement et éventuellement de les exposer aux lacrymogènes, ce qui ne contribue pas pacifier les esprits.

Des deux côtés l’exaspération a pu mener à des excès. Tout le monde doit se reprendre. Les uns font leur devoir, les autres exercent une liberté. Mais il faut éviter de se tromper de cible: pour les manifestants la vraie cible est le gouvernement et son obstination ; pour la police, vouée par devoir, au maintien de l’ordre, les manifestants ne doivent pas être vus comme des ennemis, mais comme des concitoyens qu’il faut encadrer. L’on dira que les propos calmes de bon sens sont faciles en dehors de l’action : c’est vrai, mais l’on pense néanmoins au titre du livre de Charles Maurras « Quand les Français ne s’aimaient pas » (ne s’aimaient pas entre eux et en tant que français ). L’amitié civique est à rétablir et elle ne se trouvera ni dans le libéralisme individualiste qui isole, ni dans le collectivisme marxiste qui opprime.

Pour en revenir aux excès des casseurs, il est vrai que la mobilisation des gilets jaunes a servi de prétexte à divers groupes opportunistes et totalement étrangers aux revendications du début (mais les officiels condamnent-ils la Résistance au nom des excès de l’épuration sauvage ou font-ils des distinctions ?). Les médias parlent toujours des extrêmes, mais, à l’usage, l’on n’a guère vu l’extrême droite parmi les casseurs. En revanche l’extrême gauche, les black blocks », les antifas , ont fortement marqué leur présence et leur capacité de nuisance et de guérilla urbaine (et l’ont parfois signé par leurs inscriptions). Le gouvernement, et ses prédécesseurs, sont responsables de la croissance de ces forces subversives. Ils ne sauraient s’en plaindre puisqu’ils les ont toujours protégées : le renseignement a été neutralisé en direction de l’extrême gauche ; les complicités sont nombreuses et les médiamenteurs ont déversé des tombereaux de propagande gauchiste en leur faveur (campagnes d’indignation lors de l’affaire Meric ou de l’attentat de Charlie). Comme l’Ecclésiaste nous dirons : «  on aura les conséquences… celui qui creuse une fosse y tombe… » Puissent les « progressistes » qui soutiennent le gouvernement avoir appris un peu, eux qui ont un temps envisagé de célébrer mai 68 !

En ce qui concerne les forces de l’ordre, les émeutes ont aussi appris pas mal de choses. Samedi dernier le service d’ordre était très mal assuré. Ainsi a-t-on mis des policiers chevronnés à rester immobile pour garder des emplacements, tandis que d’autres, qui n’avaient aucune expérience, se sont trouvés en face de casseurs mobiles préparés à guérilla urbaine (voire à de véritables gangs comme les voleurs de bijouterie). La police n’a fait qu’obéir à des ordres ou des absences d’ordre. C’est l’incapacité de ses dirigeants qui convient de critiquer. Celle-ci se mesure d’autant mieux lorsqu’on constate que, lors des manifestations de la fin de l’an passé, un dispositif satisfaisant avait été mis en place pour repérer et neutraliser à l’avance eux qui venaient avec des intentions destructrices, repérables notamment à la présence d’armes par destination… Rien de tel n’était prévu samedi dernier, alors pourtant qu’une manifestation d’ampleur était annoncée. Le Président de la République était aux sports d’hiver, mais l’on ne connaît pas son appréciation sur la qualité de la neige…L’ordre n’a donc pas été maintenu ni rétabli en temps utile. Le pouvoir ne peut donc pas tirer avantage de son attitude d’imprévoyance et d’ incapacité à empêcher… Ce pouvoir qui n’aime pas l’ordre ne sait pas le défendre.

Dans certains milieux policiers, l’on peut enfin exprimer certaines réflexions de bon sens jusqu’ici politiquement incorrectes parce que critiques à l’égard de la doctrine en matière de manifestations qui avait été fixée à la suite de l’affaire Malik Oussekine (du fait d’un manifestant valétudinaire qui était mort lors d’une manifestation). Certains responsables policiers demandent le droit d’aller de nouveau au contact, et, en face de l’extrême gauche, il semble que ce soit la meilleure solution.

L’on annonce que le gouvernement a interdit à la manifestation certains espaces comme les Champs-Élysées. C’est une bonne mesure mais l’on peut s’étonner qu’elle n’ait pas eu lieu plus tôt. Tout comme la loi anticasseurs–à laquelle la majorité godillo-macronienne de l’Assemblée s’était opposée lors d’une proposition du Sénat antérieure aux manifestations–le gouvernement est un peu en retard… Le pouvoir macronien devrait jouer les carabiniers d’Offenbach : il est toujours en retard. Il semble ignorer qu’il existe des lois contre les gens qui se couvrent le visage, ou bien que, selon le Code civil, « tout fait de l’homme qui cause un préjudice à autrui l’oblige à réparer. » Il se plaint toujours de ne pas avoir de dispositifs légaux à sa disposition, même lorsqu’ils existent, étant donné qu’il est l’héritier d’une tradition laxiste de laisser-faire-laisser-passer (laxisme devant les immigrés clandestins, les dealers et trafiquants de drogue, les banlieues, les occupations illégales d’universités, les squats …) C’est toute une culture politique qu’il convient de renouveler, et l’on peut douter que les bobos soixante-huitards, les libéraux-libertaires, les mondialistes écolos et les golden boys, bref tous les héritiers de 1789, de 1848 et de 1968 soient bien adaptés pour le faire. Le désordre dans les têtes précède le désordre dans la rue.

Reste l’aspect gouvernemental et politique. Le pouvoir qui avait profité d’un retour de faveur de la part des partisans de l’ordre, est toujours désemparé. En effet, ses atermoiements, ses ménagements même à l’égard des manifestants violents, ses rigueurs à l’égard des manifestants pacifiques, ses provocations et ses injures qui mettent dans le même sac les casseurs et les protestataires (ces derniers étant traités de nazis ou d’assassins) montrent surtout une grande impéritie.

Un service d’ordre ne se laisse pas déborder. Sinon les responsables doivent être sanctionnés. Le préfet de police a servi de « fusible », mais le ministre, Monsieur Castaner, amateurs de boîtes de nuit et de tables de poker, n’est peut-être pas tout à fait à sa place… Un Général y serait sans doute mieux. Mais le fond du problème est ailleurs : le pouvoir en place est un pouvoir de rencontre. Emmanuel Macron, inconnu des Français il y a quelques années (mais déjà connu des Américains sélectionneurs de « young leaders » pour leurs protectorats européens) est arrivé au pouvoir par une série de hasards plus ou moins médiatiquement guidés et avec l’appui de lobbys emboîtés (nouveaux « états confédérés » pour utiliser une terminologie maurrassienne). Les événements lui ont permis d’arracher une victoire qui aurait dû, logiquement, échoir à François Fillon, lynché par les médias. Le programme macronien, très flou pendant la campagne, n’a été lu et approuvé que par une minorité de ceux qui n’ont voté pour l’élu qu’à cause du barrage médiatique opposé à la médiocre Marine Le Pen. Cette série de hasards et de calculs ne fait pas une adhésion. Dès lors, vouloir à tout prix appliquer ce programme en prétendant qu’il a été voulu par le peuple relève d’une obstination dangereuse. Le pouvoir ne veut surtout pas que ces choix soient discutés de nouveau : il sent très bien que l’opinion a beaucoup changé depuis l’élection. Son obstination à s’opposer au référendum d’initiative populaire, alors que ce procédé, moyennant bien entendu une réglementation, fonctionne dans d’autres pays, montre que la conception de la démocratie des gens qui prétendent gouverner la France consiste en un blanc-seing délivré pour cinq ans.

Nous ne sommes pas de ceux qui croient en la légitimité démocratique : l’élection n’est qu’un procédé et non une manière de découvrir la vérité. Ceci étant, même cette « légitimité démocratique » nous paraît douteuse dans les temps actuels, et le refus par le pouvoir d’un retour aux urnes, qui seul serait de nature à détendre l’atmosphère politique, nous confirme dans cette vue.

Il est éminemment regrettable que, dans cette crise profonde où s’enfonce la société française, il n’y ait pas un mouvement visible qui défende les valeurs nationales à la fois contre le libéralisme débridé et cosmopolite et contre les révolutionnaires utopistes et néo marxistes. Un véritable rassemblement national ou une action française, autour des valeurs du travail, de la famille, de la patrie et de la religion est plus que jamais nécessaire. Civitas représente de ce point de vue un grand espoir qu’il faut appuyer et faire grandir.

François Marceron

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