« Lépante 1571 : l’Europe chrétienne écrase les Turcs,
2025 : l’Europe laïciste fait la guerre à la Russie chrétienne »
Salut, Reine, rose épineuse, rose d’amour, Mère du Seigneur. Fais que je ne meure pas et que je ne meure pas pécheur, que je ne pèche mortellement et que je ne meure pas malement. [Prière du marin, récitée par toute la flotte vénitienne avant de partir combattre dans les eaux de Patras.]
Chers amis,
Permettez-moi de remercier les organisateurs de cet événement et d’adresser mes salutations à tous les participants (1). C’est un plaisir pour moi de pouvoir me joindre à vous pour célébrer l’anniversaire de la Victoire de Lépante, en participant à la neuvième édition de ce Colloque qui a pour thème cette année le paradoxe d’une Europe laïque, libérale et maçonnique faisant la guerre à la Russie chrétienne et antimondialiste. Nous vivons maintenant dans les derniers temps, où le choc entre le Christ et l’Antéchrist exige que nous nous tenions tous sous la bannière de notre divin Roi et de Sa très auguste Mère, notre Reine, en gardant à l’esprit les paroles du Seigneur : Celui qui n’est pas avec moi est contre moi (Mt 12, 30).
Le 7 octobre 1571, dans le golfe de Patras, la flotte de la Sainte Ligue écrasa victorieusement l’orgueil ottoman, ralentissant l’expansion islamique en Méditerranée occidentale.
Une expansion qui ne s’est jamais arrêtée avec le « dialogue » entre la Croix et le Croissant, mais avec l’usage de la force militaire, le sacrifice de nombreuses vies humaines et la protection surnaturelle que la Reine des Victoires et Médiatrice de toutes les Grâces a déployée comme un manteau sur le Chrétienté menacé par l’Islam. Même aux portes de Vienne, le 12 septembre 1683 – c’est-à-dire seulement 112 ans après Lépante – le Turc a été vaincu par les armées catholiques, sous le patronage du Saint Nom de Marie. Redoutable et terrible comme une armée rangée en ordre de bataille : à la seule prononciation de ces paroles, nous avons un nœud dans la gorge, dû à l’émotion de contempler notre Auguste Reine à la tête des armées angéliques et terrestres. Elle était également apparue sous une forme similaire le 7 août 626, lorsque Constantinople fut assiégée par les Avars, les Slaves et les Perses sassanides et que le peuple chrétien rassemblé dans l’église de Blacherne invoqua Son intervention. Éblouissante de lumière et l’Enfant Jésus dans les bras, la Victorieuse Commandante – comme on l’appelle dans l’Hymne Acathiste – avait vaincu les ennemis, ce qui a valu à la Capitale de l’Empire le titre de « cité de Marie ».
Mais si l’aide divine et l’intercession très puissante de la Mère de Dieu toujours Vierge ont mené à leur accomplissement d’une manière miraculeuse et certainement surnaturelle des victoires humainement difficiles, sinon impossibles, nous ne pouvons manquer de nous rappeler que ces interventions prodigieuses et providentielles, ces irruptions de la puissance du Deus Sabaoth dans les contingences humaines, ne sont rendues possibles que là où ce tout inaccessible et divin est précédé du néant de notre coopération dans l’œuvre de la Rédemption. En vertu de l’Incarnation de la Deuxième Personne de la Très Sainte Trinité, en effet, l’Homme-Dieu prend possession de l’humanité dont Il est constitué Seigneur et Roi en vertu de la divinité, par lignée et par droit de conquête. Mais cette union de la nature divine du Fils de Dieu avec la nature humaine de Jésus-Christ, réalisée par l’Union hypostatique, permet à chaque membre du Corps mystique de s’unir à la Passion du Christ Chef, complétant dans sa propre chair ce qui manque aux souffrances du Christ, pour le bien de son corps qui est l’Église (Col 1, 24). Et dans l’économie du salut, tout homme est appelé à contribuer activement à l’œuvre de la Rédemption, sans chercher d’alibi à sa propre paresse dans un fatalisme bien peu catholique.
Mais en rappelant Lépante, nous ne pouvons manquer de rappeler la figure héroïque de Marcantonio Bragadin, noble vénitien et gouverneur de Famagouste, à Chypre, pendant le siège ottoman de 1570-1571. La ville tomba en août 1571, et Bragadin négocia une capitulation honorable avec le commandant ottoman Lala Mustafa Pacha, qui promit la vie sauve aux défenseurs. Les Turcs, cependant, manquèrent à leur parole, et violèrent l’accord : Bragadin fut torturé et soumis à une mort brutale ; il fut écorché vif et sa peau fut remplie de paille et envoyée comme trophée au Sultan Selim II. Ce crime horrible suscita l’indignation des membres de la Sainte Ligue et la victoire de Lépante fut également considérée comme une vengeance pour le siège de Chypre, les atrocités subies par Bragadin[1] et comme une punition pour la déloyauté des Turcs, inconcevable pour un chevalier Chrétien. L’héroïsme de Bragadin trouve également des émules dans le golfe de Patras : Don Jean d’Autriche, Commandant suprême de la Sainte Ligue à l’âge de vingt-quatre ans et grand stratège, était un homme de foi. Pendant la bataille, il encouragea les rameurs et les soldats au cri : Il n’y a pas de paradis pour les lâches ! Sebastiano Venier, Capitaine général vénitien et vétéran de soixante-quinze ans, s’est distingué par son courage et son ardeur, incitant ses camarades : Celui qui ne se bat pas n’est pas Vénitien. Son héroïsme lui valut d’être élu Doge en 1577. Le commandant vénitien Agostino Barbarigo mourut au combat après avoir été touché par une flèche dans l’œil et avoir continué à commander l’aile gauche de la flotte, contribuant ainsi à la victoire finale. Marcantonio Colonna, Amiral pontifical, s’est distingué par son engagement à secourir les blessés et à veiller à ce que les prisonniers ottomans soient traités avec humanité, conformément aux valeurs chrétiennes professées par la Sainte Ligue.
C’est leur courage, leur abnégation, mais surtout leur foi sincère et virile qui ont constitué ce néant que le Seigneur attend de nous avant d’entrer sur le terrain à nos côtés et de nous donner une victoire qui serait autrement impensable.
Son tout, notre néant. Le néant de ceux qui, sur les façades des palais, n’ont pas eu honte de graver Non nobis Domine non nobis, sed nomini tuo da gloriam. Le néant de ceux qui, constitués en autorité et membres du Très Sérénissime Sénat, n’hésitèrent pas à attribuer la Victoire de la flotte chrétienne non pas à la puissance navale, ni à la force des armes, mais à l’intercession de la Sainte Vierge du Rosaire, que Saint Pie V – le Pape de Lépante – avait ordonné d’invoquer en récitant la Sainte Couronne. Parce qu’il fut un temps où les hommes étaient des hommes, des hommes de valeur, des hommes de parole, des hommes de guerre, des hommes de foi. Des pécheurs certes, mais courageux, prêts à mourir pour défendre la Sainte Église et repousser les envahisseurs idolâtres vers leurs rivages lointains. Ut Turcarum et hæreticorum conatus ad nihilum perducere digneris : Te rogamus, audi nos ! C’est ainsi qu’ils prièrent à Constantinople, c’est ainsi qu’ils prièrent à Lépante, c’est ainsi qu’ils prièrent à Vienne, toujours confiants que l’aide de Dieu viendrait au moment où elle se montrerait, sans équivoque, divine et surnaturelle, et toujours avec la médiation de la Mère de Dieu, la toute-puissante par Grâce. Notre Dieu est un Dieu jaloux : jaloux de Son peuple et jaloux de Sa Seigneurie sur nous, qu’Il ne permet à personne d’usurper et qu’Il veut partager avec sa Très Sainte Mère, Notre-Dame et Reine. Il est Roi et en tant que Roi Il veut régner oportet illum regnare, il faut qu’Il règne. Et quand le Christ règne, le vœu du Psalmiste s’accomplit : Beatus populus, cujus Dominus Deus ejus (Ps 143, 15), béni soit le peuple dont le Seigneur est son Dieu.
Combien de temps s’est écoulé depuis la Victoire de Lépante ! Quatre-cent-cinquante-quatre ans : presqu’un demi-millénaire. Et aujourd’hui, dans un monde qui regarde avec incompréhension et mépris l’héroïsme des morts de Lépante et de leur Foi, les considérant comme de dangereux fanatiques, les hordes islamiques non seulement ne sont pas repoussées à nos frontières, mais sont accueillies et hébergées et nourries et soignées et laissées libres de commettre des crimes et de transformer notre Patrie en une nation islamique.
Trois cent quatre-vingt-onze ans après Lépante, le premier « concile » de la « nouvelle Église » – Vatican II, dont l’ouverture tombe aujourd’hui – a théorisé cet œcuménisme syncrétique condamné par les Pontifes Romains qui, en l’espace de quelques années, conduirait Paul VI, le 19 janvier 1967[2], à rendre la bannière que Mehmet Ali Pacha avait hissée sur son vaisseau amiral, le Sultana.
Dans ce geste insensé, Paul VI a humilié l’Église et son prédécesseur Saint Pie V, à qui cette bannière avait été donnée par Sebastien Vénier qui l’avait héroïquement conquise en montant à bord de la Sultana. Malgré les frénésies œcuméniques des papes conciliaire et synodaux, nous conservons encore la bannière que Saint Pie V bénit et fit hisser sur le mât du Reál, le vaisseau amiral des navires amiraux de la flotte chrétienne : un tissu de soie pourpre bordé d’or, au centre duquel se dresse l’image du Très Saint Rédempteur, flanquée des Saints Apôtres Pierre et Paul, et la devise In hoc signo vinces. C’est Marcantonio Colonna qui l’a rapportée à Gaète, comme un vœu fait à Saint Érasme, patron des marins[3]. Cette image et cette devise résument le sens de la vie chrétienne, valable dans les temps glorieux de Lépante comme dans les temps actuels de l’apostasie.
Au nom d’une conception déformée de l’accueil et de l’inclusion, des millions d’islamistes sont déplacés et accompagnés vers nos villes et villages, où les églises vides deviennent des mosquées. Dans de nombreux endroits, le son sacré et solennel des cloches est silencieux, mais la voix du muezzìn y résonne, appelant les adeptes de Mahomet à la prière. Si cela n’est pas seulement possible aujourd’hui, mais même encouragé et célébré comme une conquête de la civilisation, nous le devons à la Révolution : à la Révolution française, pour l’attaque contre la monarchie catholique dans le domaine civil ; à la révolution conciliaire et synodale, pour l’attaque contre la monarchie sacrée de la Papauté dans le domaine ecclésiastique. La démocratie et la synodalité sont les deux faces d’une même fausse médaille. D’un côté se dresse l’emblème du libéralisme maçonnique, de l’autre celui de l’œcuménisme syncrétiste irénique.
L’Europe a été une terre de conquête pendant des décennies et sera bientôt majoritairement musulmane, en particulier dans les nations rebelles comme la Grande-Bretagne, la France et l’Allemagne.
Leur trahison de Notre Seigneur Jésus-Christ et leurs crimes contre la Loi de Dieu crient vengeance vers le Ciel et ne resteront pas impunis.
Mais l’Italie n’est pas moins coupable, oubliant le patrimoine glorieux dont elle a été la gardienne et qui se fonde sur la Civilisation Catholique, sur la Royauté du Christ, sur un ordre cosmique qui place au centre le Dieu qui s’est fait homme, et non l’homme qui s’est fait dieu. Comme cela a toujours été le cas tout au long de l’histoire, ce seront les ennemis de Dieu qui puniront Ses enfants rebelles.
Revenir à Lépante ? Reconstituer une Ligue Sainte contre les ennemis de la Chrétienté ? La Providence saura nous montrer le chemin au bon moment.
Mais quelle que soit la situation dans laquelle nous nous trouvons, quelle que soit l’adversité, quelle que soit la menace qui pèse sur notre Foi et notre identité, nous ne devons pas oublier une seule chose, les raisons de la Victoire : ne pas se soustraire à notre devoir de témoigner de la Foi que nous professons, du Baptême dans lequel nous avons été incorporés dans le au Christ, de la Tradition à laquelle nous appartenons.
Ne trouver aucune excuse pour rester les bras croisés et regarder les ennemis du Christ démolir la Sainte Église, surtout lorsque ces traîtres sont au sommet de la Hiérarchie.
Ne pas se servir de l’obéissance comme d’une couverture sous laquelle cacher la paresse et la médiocrité que la société contemporaine nous indique comme des modèles de conformité rassurante à la pensée unique. Faisons notre part, avec le courage et la force des soldats du Christ, et Notre-Seigneur fera la Sienne, avec la toute-puissance de Dieu.
+ Carlo Maria Viganò, Archevêque
7 octobre MMXXV, Marie Très Sainte Reine des Victoires, Notre-Dame des Grâces
© Traduction de F. de Villasmundo pour MPI relue et corrigée par Mgr Viganò
Notes de bas de page
[1] Sa peau a ensuite été récupérée par les Vénitiens et emmenée à Venise, où elle est conservée dans la basilique des saints Jean et Paul comme une relique. Bragadin est devenu un symbole du sacrifice vénitien contre l’expansion ottomane.
[2] Paul VI, Discours au nouvel Ambassadeur de Turquie près le Saint-Siège, 19 janvier 1967. https://www.vatican.va/content/paul-vi/it/speeches/1967/january/documents/hf_p-vi_spe_19670119_ambasciatore-turchia.html : « Ayant voulu manifester nous-mêmes nos sentiments d’une manière ou d’une autre, par un geste qui puisse plaire aux autorités de la Turquie contemporaine, ce fut une joie pour Nous de rendre un ancien étendard, pris lors de la bataille de Lépante, et qui, depuis lors, a été conservé dans les collections du Vatican. »
[3] D’abord conservé dans une malle, il a été étiré et encadré au XVIIIe siècle, afin de pouvoir être exposé au public. En 1943, une bombe allemande l’endommagea, mais pas irrémédiablement. Restauré après la guerre, l’étendard de Lépante est aujourd’hui conservé – et visible au public – au musée diocésain de la ville du Latium.
(1) Vidéo de l’intervention de Mgr Viganò en italien :
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