Site icon medias-presse.info

Nouvelle convention citoyenne : Qu’est-ce qu’être français ? Trois leçons politiques de saint Thomas d’Aquin, par M. l’abbé Patrick de La Rocque, FSSPX

MPI vous informe gratuitement, Recevez la liste des nouveaux articles

Je veux recevoir la lettre d'information :

Nous n’envoyons pas de messages indésirables ! Lisez notre politique de confidentialité pour plus d’informations.

Vérifiez votre boite de réception ou votre répertoire d’indésirables pour confirmer votre abonnement.

Qu’est-ce qu’être français ?

Trois leçons politiques de saint Thomas d’Aquin.

Dans le dernier Pescadou – n° 253 d’avril-mai 2025M. l’abbé Patrick de La Rocque , Prieur du prieuré Saint-Joseph de Nice,  revient sur  la « Nouvelle convention citoyenne », hochet favori d’Emmanuel Macron et de son premier ministre François Bayrou.

Face aux solutions de nos dirigeants, l’abbé apporte les solutions du grand saint Thomas d’Aquin qui  » nous donne les critères du véritable « vivre ensemble », critères tout à la fois éternels et très concrets. Aujourd’hui encore, ils sont capables de sauver notre pays. »

MPI vous propose la lecture passionnante de la troisième question-réponse donnée par le Docteur Angélique.

Nos lecteurs pourront lire l’intégralité de l’article – Introduction et questions 1 et 2 – en se rendant sur La Porte Latine :

1ère question posée à saint Thomas d’Aquin : Qu’est-ce qu’une cité politique ?

2ème question posée à saint Thomas d’Aquin : Quel bien, voulu communément, peut unir les hommes d’une Cité ?

 

3ème question posée à saint Thomas d’Aquin : Un tel projet politique est-il encore possible aujourd’hui ?

Certains objectent qu’un tel projet politique est impensable aujourd’hui en France, en raison de la diversité idéologique de ceux qui la com- posent :  pensons  par  exemple aux  nombreux musulmans vivant en France. Reconnaître la royauté du Dieu incarné sur nos cités, disent-ils, ne ferait que diviser davantage notre société. À cette objection, saint Thomas répondit par avance, en apportant deux précisions d’importance.

Quant à la première, reprenons ce que saint Thomas  disait  du double ordre régnant dans  l’armée : « L’un est celui par lequel les parties de l’armée sont ordonnées entre elles, l’autre celui qui or- donne les choses vers un bien extérieur, qui est  le  bien [la  fin]  du chef [la victoire].1 » Il y affirme   donc   que   le bien   commun  extrinsèque – tel type de victoire – doit être voulu et recherché par le chef, et non nécessairement par tous les membres. De ces derniers, il est demandé d’œuvrer pour le moins au bien commun intrinsèque, à savoir la bonne ordonnance de l’armée, quelles que soient les motivations subjectives de chacun. Ainsi, l’orientation ultime de nos Cités vers Dieu, sous l’égide du Christ roi des Nations, doit être voulue et recherchée par ceux qui la dirigent, mais pas nécessairement par chacun de ses membres. Qu’il y ait divergence d’idées en la matière n’empêche pas le lien social car, comme le souligne saint Thomas, la matière de la concorde ne porte pas sur les jugements spéculatifs : « l’amitié procède du choix, tandis que le jugement des choses spéculatives ne tire pas sa nécessité du choix. C’est pourquoi rien n’empêche des amis d’avoir des avis différents en ces choses, et des ennemis de s’entendre sur elles2 ». Autrement dit, pour qu’une société soit chrétienne, il n’est pas nécessaire que chacun de ses membres le soient, ni même le plus grand nombre d’ailleurs, bien qu’évidemment cela  serait  un  ferment d’unité    supplémentaire.

Pourquoi   donc ?   Parce que la concorde, ou amitié politique, n’est pas une unité dans la vérité, mais une unité dans l’action : « La concorde intervient en matière d’action » ; non dans les détails, mais « sur ce qui a de l’importance3 ».

Ce premier point amène la deuxième re- marque, où saint Thomas se fait l’écho des classiques. Si tous ne partagent pas le bien ultime qu’une telle Cité veut favoriser, à savoir la fruition de Dieu dans le Christ Jésus, tous néanmoins aiment la vie ver- tueuse. Quelles que soit ses idées en effet, nul ne veut subir l’injustice, nul n’aime être trompé. Chacun donc aime la vie selon la vertu, même s’il n’a pas en lui-même la force de la pratiquer. Tous peuvent donc se retrouver dans l’action en vue de la vie vertueuse, comme nous l’avons souligné plus haut. Une telle concorde dans l’action réclame donc que les lois de la Cité soient fondées sur celles qui habitent tout cœur humain, et qui forment ce que l’on appelle loi naturelle. Seule la soumission du législateur  à  ces  lois  transcendantes  permet l’unité d’action des membres de la Cité.

C’est pour ne pas respecter ce dernier point, essentiel, que notre communauté politique se délite  chaque jour davantage. Nous le disions en introduction : nos républiques successives ont sacralisé le positivisme juridique. Le droit n’y est plus considéré quant à sa fin – car, selon ces mêmes républiques, l’homme n’est plus finalisé– mais comme l’expression d’une volonté souveraine. Il n’est plus une incarnation dans le concret des lois éternelles du bien et du mal, mais prétend fonder lui-même le bien et le mal. Un tel droit positif ne peut que diviser, car il n’est qu’une reprise, dans nos constitutions mêmes, des vieilles prétentions d’Adam pécheur, et que les mêmes causes produisent toujours les mêmes effets.

Aussi saint Thomas renverrait-il aujourd’hui M.  Bayrou  à  ses  classiques ;  à  Cicéron  par exemple. Ce dernier, en distinguant le droit ci- vil, destiné à régler ce qui relève de la cité, du droit des gens (jus gentium), propre à régir ce qui relève de la nature humaine4, affirme aussi- tôt la prééminence du second sur le premier : « Il est une loi véritable, la droite raison, conforme à la nature, universelle, immuable, éternelle, dont les ordres invitent au devoir, dont les prohibitions éloignent du mal. L’honnête homme n’est jamais sourd à ses commandements et à ses défenses ; ils sont sans action sur le pervers. À cette loi, nul amendement n’est permis, il n’est licite de l’abroger ni en totalité ni en partie. Ni le Sénat ni le peuple ne peuvent nous délier de l’obéissance à cette loi. […] Le guide commun, le roi de toutes les créatures, Dieu lui-même,

donne naissance, sanction, publicité à cette loi. L’homme qui refusera de lui obéir devra se fuir lui-même et, comme il a refusé la nature humaine, il subira les plus cruels châtiments, même au cas où il aurait échappé à tout ce que l’on considère comme un supplice.5 » Cette loi éternelle, constitutive du jus gentium, dit encore Cicéron, est « le principe directeur de l’homme prudent, la règle du juste et de l’injuste6 ». Saint Thomas, traitant de la nature de la loi, reprend cet enseignement. Ayant affirmé la prééminence de la loi naturelle, qui est participation à la loi éternelle de Dieu7, il montre comment la loi humaine est là pour appliquer cette même loi dans le particulier8.

En rappelant ces points pourtant élémentaires, nous touchons au cœur de la crise poli- tique que nous traversons, et qui rend toujours plus notre société semblable à « une multitude en dissension, insupportable à soi-même9 ». Y remédier pour retrouver un vrai « vivre en- semble » réclame non de rajouter de nouvelles « valeurs » à la république – la laïcité et le pacte social comme le voudrait M. Bayrou – mais de renoncer franchement à cette prétention ouvertement affichée par nombre de nos présidents :

« Il n’y a pas de lois au-dessus des lois de la ré- publique ». Seul en effet le primat de la loi naturelle sur la loi positive, officiellement affichée et vécue par nos dirigeants, sera le fondement d’un véritable « vivre ensemble ». Aux yeux de Jean Bodin, pourtant hostile au catholicisme, cette soumission ou non soumission distingue la bonne  monarchie  (« monarchie  royale ») de la « monarchie  tyrannique » : « Le  monarque royal est celui qui se rend aussi obéissant aux lois de nature, comme il désire les sujets être en- vers lui, laissant la liberté naturelle et la propriété des biens à chacun ». À l’attention de ceux qu’il appellerait donc nos tyrans d’aujourd’hui, Jean Bodin ajoute : « Si donc les su- jets obéissent aux lois du roi, et le roi aux lois de la nature… il s’ensuit une amitié naturelle du roi envers les sujets10 ». À l’heure de l’inscription du supposé « droit » à l’avortement dans la Constitution, à l’heure où d’aucuns prétendent introduire dans la loi un « droit » à l’euthanasie, nous voyons combien notre pays est loin d’un retour à l’amitié, à la concorde politique.

M. Bayrou s’interrogeait, et nous interroge, pour savoir ce que signifie « être français ». La vraie question se situe en amont : Qu’est-ce que la France, et quelle France pour demain ? Celle du positivisme juridique, qui n’a engendré que révoltes et révolutions teintées de sang, ou celle du droit naturel, couronné du droit chrétien, qui a bâti notre civilisation ? Persister dans le reniement de cette dernière ne reviendra qu’à livrer toujours plus notre pays aux barbares.

Notes de bas de page

1 – St Thom. In Met. lib 12, lect. 12, M. n° 2630

2 – St Thom. in Eth. à Nic., lib. 9, lect. 6, M. n° 1831

3 – St Thom. in Eth. à Nic., lib. 9, lect. 6, M. n° 1832 et 1833

4 – Cicéron, De Officiis, III, 17, 69

5 – Cicéron, De Republica, III, 22, 33

6 – Cicéron, De Legibus, I, 6, 19

7 – St Thom. Somme théologique, Ia IIæ q. 91, a. 2 :

« … la lumière de notre raison naturelle, nous faisant discerner ce qui est bien et ce qui est mal, n’est rien d’autre qu’une impression en nous de la lumière di- vine. Il est donc évident que la loi naturelle n’est pas autre chose qu’une participation de la loi éternelle dans la créature raisonnable. »

8 – St Thom. Somme théologique, Ia IIæ q. 94, a. 4 :

« La vérité ou la rectitude n’est pas la même pour tous quand on arrive aux conclusions propres de la raison pratique […]. Par exemple… il faut rendre ce qu’on a reçu en dépôt. Et ceci est vrai dans la plupart des cas ; mais il peut se faire qu’en certains cas il devienne nuisible et par conséquent déraisonnable de restituer un dépôt : par exemple si quelqu’un le réclame en vue de combattre la patrie. Et ici, plus on descend aux détails, plus les exceptions se multiplient ; par exemple lors- qu’on stipule que les dépôts doivent être restitués avec telle caution ou de telle façon. Plus on ajoute de conditions particulières, plus les exceptions peuvent se multiplier et se diversifier pour qu’il soit injuste ou de restituer, ou de ne pas le faire. »

9 – St Thom. de Regno, lib. 1, cap. 2

10 – J. Bodin, Six livres de la République, lib. 2, c. 3

Cet article vous a plu ? MPI est une association à but non lucratif qui offre un service de réinformation gratuit et qui ne subsiste que par la générosité de ses lecteurs. Merci de votre soutien !

Quitter la version mobile