Site icon medias-presse.info

Présence chrétienne préislamique dans le golfe persique : une croix chrétienne du VIIe siècle a été découverte à Abou Dhabi

MPI vous informe gratuitement, Recevez la liste des nouveaux articles

Je veux recevoir la lettre d'information :

Nous n’envoyons pas de messages indésirables ! Lisez notre politique de confidentialité pour plus d’informations.

Vérifiez votre boite de réception ou votre répertoire d’indésirables pour confirmer votre abonnement.

La découverte d’une croix en stuc au monastère de Sir Bani Yas, sur l’île d’Abou Dhabi, constitue une nouvelle preuve matérielle de l’existence de communautés chrétiennes dans le golfe Persique avant l’islam. Datant du VIIe siècle, cette pièce fournit des informations concrètes sur la vie religieuse et le contexte historique de la région.

Quand le monde arabe était chrétien

Cette découverte n’est pas un simple artefact ; elle témoigne d’un chapitre longtemps oublié de l’histoire de la péninsule arabique. L’objet, lié à l’Église d’Orient, confirme l’existence d’une communauté chrétienne préislamique florissante dans ce qui est aujourd’hui les Émirats arabes unis. Sa conception, qui fusionne le symbolisme chrétien avec des motifs artistiques locaux, témoigne d’une profonde adaptation culturelle et d’une présence profondément enracinée.

Dans le contexte d’autres découvertes archéologiques récentes dans le golfe Persique, la croix de Bani Yas constitue une pièce maîtresse d’un ensemble historique plus vaste, bien avant l’ère moderne.

1. La Croix de Sir Bani Yas : un récit détaillé de la découverte

La découverte d’une croix chrétienne du VIIe siècle sur l’île de Sir Bani Yas, située à environ 250 kilomètres d’Abou Dhabi, a suscité un intérêt international et relanc une réévaluation de l’histoire religieuse de la péninsule arabique. Cette découverte a eu lieu au sein d’un monastère préislamique, un site archéologique qui fait l’objet de fouilles et d’études depuis sa découverte initiale en 1992. La récente campagne de fouilles, menée par l’archéologue Maria Gajewska, s’est concentrée sur les structures résidentielles du complexe monastique, à la recherche de témoignages de la vie quotidienne de ses habitants.

L’objet lui-même est remarquable par son ancienneté, sa matérialité et sa conception. La croix, en stuc, mesure 27 centimètres de long, 17 centimètres de large et 2 centimètres d’épaisseur. Son graphisme est une synthèse profonde de la foi et du contexte local. Elle présente en son centre une pyramide à degrés, symbole évident du Golgotha, le mont de la crucifixion de Jésus selon la tradition chrétienne. Cependant, sa base est décorée de motifs floraux, une adaptation évidente des influences artistiques régionales.

L’intégration de motifs locaux dans un objet de dévotion religieuse est un puissant indicateur du caractère de la communauté qui l’utilisait. Loin d’être une enclave isolée ou étrangère, cette découverte suggère que le christianisme dans la région a non seulement existé, mais s’est développé et s’est adapté visuellement à son environnement culturel. Ce fait contredit les idées reçues selon lesquelles les premières communautés chrétiennes du Golfe étaient fragiles ou marginales. Pour Gajewska, la croix apporte une preuve concrète que son équipe n’avait jamais eue auparavant : que les maisons découvertes dans les ruines du monastère étaient bel et bien habitées par des chrétiens et que la croix faisait partie intégrante de leur vie religieuse quotidienne. Cela transforme le site, qui n’était qu’une simple ruine archéologique, en un espace historique doté d’un récit humain documenté.

Outre la croix, les fouilles ont permis de mieux comprendre la vie quotidienne de la communauté monastique. D’autres objets rituels ont été découverts, tels que des pièces de poterie, des objets en verre et une petite bouteille en verre vert contenant probablement des huiles sacrées ou de l’eau de rose. Des vestiges organiques, tels que des os de bovins, de moutons et de chèvres, ainsi que des récipients en verre et en céramique, démontrent que la communauté monastique subsistait grâce à l’agriculture et à l’élevage, et qu’elle entretenait des échanges commerciaux actifs avec d’autres communautés du Golfe et au-delà.

2. L’Église d’Orient et la péninsule arabique préislamique

La croix de Bani Yass n’est pas une découverte isolée, mais est intrinsèquement liée à un réseau religieux et culturel plus vaste qui s’étendait à toute l’Asie. Son style présente des similitudes avec d’autres croix découvertes en Irak et au Koweït, ce qui permet aux experts de relier directement le monastère de Bani Yass à l’Église d’Orient, ou Église perse.

L’Église d’Orient, souvent qualifiée de nestorienne, était une branche du christianisme qui s’est séparée de l’orthodoxie au Ve siècle après le concile d’Éphèse et a trouvé refuge dans l’Empire perse sassanide. Depuis son centre en Mésopotamie, cette Église est devenue l’une des forces missionnaires les plus dynamiques de l’Antiquité tardive, s’étendant le long de la Route de la Soie et établissant des communautés qui ont atteint des régions aussi lointaines que l’Inde et la Chine. La découverte d’un monastère sur une île du golfe Persique confirme que cette région n’était pas simplement une frontière désertique, mais un corridor commercial et maritime vital pour la propagation de la foi, servant de nœud clé dans ce vaste réseau. Le site de Sir Bani Yas était donc un point de rencontre non seulement pour les voyageurs et les marchands, mais aussi pour les communautés religieuses.

La découverte de la croix s’inscrit dans le contexte plus large de la péninsule arabique préislamique. Avant l’essor de l’islam, la région n’était pas un désert religieux. Des tribus polythéistes coexistaient avec un christianisme principalement nestorien et jacobite, qui prospérait notamment avec d’importantes enclaves à Najran, au Yémen et dans le royaume lakhmide. Un aspect particulièrement révélateur de ces nouvelles découvertes est que, si certaines sources suggèrent que l’Église d’Orient avait quasiment disparu de la côte du golfe Persique au VIIe siècle, les découvertes à Sir Bani Yas et au monastère de l’île de Siniyah démontrent qu’en réalité, ces communautés ont non seulement existé, mais prospéré précisément durant cette période. Les vestiges matériels des fouilles complètent et, dans certains cas, corrigent les récits historiques écrits, révélant la résilience et la vitalité de ces communautés insulaires, peut-être passées sous silence dans les archives plus vastes.

3. Une tapisserie archéologique plus large

L’importance de la découverte à Sir Bani Yas va au-delà de la simple confirmation de la présence chrétienne. Elle s’inscrit dans une série de découvertes récentes qui, prises ensemble, offrent une image beaucoup plus détaillée et complexe de l’histoire du golfe Persique. Pour en comprendre la véritable portée, il est essentiel de la contextualiser avec d’autres sites chrétiens préislamiques de la région, comme le montre le tableau suivant.

La valeur de ces informations réside dans la structure qu’elles révèlent : il ne s’agit pas de découvertes isolées, mais de preuves d’un réseau de communautés chrétiennes interconnectées qui s’étendait le long des côtes du Golfe, avec des liens à Bahreïn, au Koweït, en Irak et en Iran. Ce réseau était non seulement religieux, mais aussi commercial. Les objets découverts à Sir Bani Yas, tels que des récipients en verre et en céramique, indiquent que la communauté monastique était intégrée aux routes commerciales qui sillonnaient la région.

La riche histoire du golfe Persique, carrefour de civilisations, est renforcée par d’autres découvertes archéologiques bien plus anciennes. Par exemple, la découverte de ce qui pourrait être la plus vieille perle du monde sur l’île de Marawah, vieille de 8 000 ans, et celle de bâtiments vieux de 8 500 ans sur l’île de Ghagha. Ces découvertes témoignent d’une histoire de peuplement, de commerce et de résilience humaine remontant au Néolithique.

Léo Kersauzie

Cet article vous a plu ? MPI est une association à but non lucratif qui offre un service de réinformation gratuit et qui ne subsiste que par la générosité de ses lecteurs. Merci de votre soutien !

Quitter la version mobile