« C’est Soros qu’il faut mettre
dehors de Russie, pas Musk »
Depuis deux ans, Moscou a décidé de serrer la vis concernant Internet. J’ai déjà évoqué le sujet dans un article intitulé [La censure est une faiblesse] où je dénonçais le raidissement du pouvoir russe concernant la liberté d’information sur les réseaux sociaux.
Sans vouloir apporter de l’eau au moulin des russophobes et des hystériques qui font de la Russie et de son président les responsables de tous leurs maux ; sans vouloir attiser une haine antirusse déversée sans retenue sur tous les médias occidentaux ; je dois faire ici preuve d’honnêteté intellectuelle car ma liberté n’a pas de prix et n’est donc pas à vendre.
Rien ni personne ne m’empêchera de décrire la réalité telle qu’elle est et non pas telle que je voudrais qu’elle soit.
Si tel était le cas, je serais un vulgaire gauchiste.
Depuis deux ans donc, la Russie emboîte le pas des Occidentaux dans les restrictions de la circulation de l’information.
Ça a commencé par la fermeture de l’accès à la plupart des organes de presse occidentaux, ça s’est poursuivi avec YouTube, et enfin, c’est au tour des messageries WhatsApp et Telegram de se voir appliquer des restrictions.
Facebook, LinkedIn et Twitter devenu X étaient fermés depuis un bon bout de temps déjà.
On peut bien sûr entendre certains arguments. Certains considèrent qu’après tout, il n’est pas injuste que la Russie, tellement maltraitée par les médias occidentaux, exerce sinon des représailles, tout au moins certaines limitations.
Pourquoi pas, mais alors il sera très difficile de faire valoir auprès des gens qui racontent absolument n’importe quoi concernant la Russie et l’Ukraine l’argument selon lequel il est impossible de se faire une opinion sans entendre les divers points de vue. Fut un temps où la Russie alors soviétique ne souhaitait pas que la population se fasse une opinion.
Seule était admise l’information officielle et la liberté de circulation des personnes était sous stricte contrôle, de sorte que le peuple était certes conscient des insuffisances du système, tout en croyant ou feignant de croire que c’était pire ailleurs, faute de pouvoir le vérifier de ses yeux.
Doit-on s’inquiéter de ce que la Russie prenne à nouveau ce chemin ? Je ne suis pas en mesure de répondre à cette question.
Cela dit, j’ai évoqué le sujet avec l’universitaire et essayiste Karine Bechet lors d’un podcast où elle était mon invitée. Son argument (elle n’est pas la seule) est de dire que la Russie doit absolument se protéger des influences néfastes des organisations gouvernementales ou non aboutissant à la décadence de la société par des phénomènes comme le wokisme ou les lubies LGBT. Comme nous l’avons évoqué dans le podcast que je lui ai consacré, je suis totalement en porte-à-faux avec cet argument car c’est bien mal appréhender ce qui se passe aujourd’hui en Occident.
Contrairement à ce que croient bon nombre d’Occidentaux qui n’ont jamais subi au quotidien le terrorisme à cheveux bleus, les lubies des wokistes et autres SJW ne prennent pas. Ces courants (qu’on peut difficilement qualifier de » courant de pensée « ) sont imposés par deux canaux : les accointances avec le pouvoir et le terrorisme intellectuel. Contre toute attente, les réseaux sociaux ont freiné ces courants qui, chez toute personne de bon sens, relèvent de l’absurde, voire de la psychiatrie.
En effet, les groupuscules vecteurs de ces courants, souvent constitués d’urbains roulant en voiture ou en trottinette électriques rivés à leur téléphone, n’ont pas anticipé la capacité de la population et des « gens de bon sens » à maîtriser les outils numériques. Aujourd’hui, c’est avec beaucoup de peine qu’ils maintiennent leur ordre. Et c’est avec fureur et dépit qu’ils constatent que dès lors que le « maintien de l’ordre » leur échappe même partiellement, c’est le bon sens qui prévaut. Tout ce que le monde compte d’écologauchistes, d’hystériques aux cheveux gras ou de communistes 2.0 ne décolère pas depuis que Musk a fait l’acquisition de Twitter. Allez donc demander à Sandrine Rousseau ce qu’elle en pense !
En Occident, les réseaux sociaux ont été un bien meilleur rempart contre le terrorisme intellectuel que les partis politiques prétendument d’opposition.
En coupant les accès, le pouvoir russe réalise le rêve de Thierry Breton et d’Ursula von der Leyen. Si la Russie ose (alors que personne ne l’y oblige) se prétendre démocratique, ses dirigeants doivent accepter les contre-pouvoirs. Fermer les réseaux, c’est d’une certaine manière casser le thermomètre de l’opinion.
Et – tant pis si je me répète – qu’on ne vienne pas me dire que ce serait la porte ouverte aux agents de l’étranger wokistes. Dans l’Occident décadent, le wokisme n’a absolument pas besoin (même s’il les utilise abondamment) des réseaux sociaux. Il lui suffit pour prospérer de la complicité active du pouvoir, des médias et des milieux prétendument culturels ou universitaires.
C’est Soros qu’il faut mettre dehors de Russie, pas Musk. D’autant que dès lors que les autorités russes baisseront la garde, les agents dormant infiltrés au cœur du pouvoir relèveront la tête et sauront rattraper le temps perdu. Le retour de manivelle pourrait être très douloureux.
À ce moment-là, plus rien ne protègera la population puisque tout aura été bouclé.
Franchement, qui a envie d’un Internet fagocité par Yandex qui ne fait que déverser de la pub ? Il est intéressant de constater que ceux qui vous vendent la Russie heureuse voire paradisiaque sont très discrets sur le sujet. C’est que… choyés par le pouvoir, tels les poules dans le poulailler, ils connaissent exactement les limites de leurs libertés.
Aussi soyez très méfiants en face de ceux qui vous vendent à grand fracas une Russie enchantée où vous pourrez intégralement vous départir de l’oppression parisienne ou bruxelloise.
Depuis que je vis en Russie, ma position reste inchangée : « Ni poutinophobe, ni poutinolâtre ».
Russophile, certainement. J’aime la Russie, sa langue et son peuple exemplaire de courage, de résilience et d’abnégation. Je pourrais écrire des pages sur la culture russe tant elle est riche. Et contrairement à certains qui ont besoin de s’afficher « russophiles » (défense de rire) je parle le russe que je perfectionne depuis 40 ans.
Qu’on se souvienne (et ce sera ma conclusion) de deux choses : j’aime ce pays indépendamment de son régime. Et pour cause, j’en ai traversé plusieurs. Mais qu’il me soit permis de mettre le lecteur en garde sur le fait qu’il ne suffit pas qu’un régime soit honni par un autre régime qu’à juste raison on exècre pour lui signer un chèque en blanc.
En d’autres termes, l’ennemi de mon ennemi n’est pas obligatoirement, automatiquement et surtout inconditionnellement mon ami.
Jacques Frantz
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