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Solve et coagula : entretien de Mgr Carlo Maria Viganò, archevêque, avec Stephen KOKX

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Solve et coagula (1)

Stephen Kokx

Stephen Kokx (2) : Votre Excellence, de nombreuses décisions de Prevost indiquent qu’il souhaite continuer sur la voie hérétique de ses prédécesseurs, en particulier la voie synodale tracée par Jorge Bergoglio. Beaucoup semblent croire qu’il faut « lui donner du temps » et « avoir l’espoir » que les choses vont s’améliorer.

En même temps, il semble que l’agenda de Prevost soit assez clair et que le silence ou « lui donner le bénéfice du doute » – tout en donnant une image plus positive de son règne – puisse être l’occasion d’un scandale d’omission et/ou de faux espoirs.

Que pensez-vous de ces arguments et comment les catholiques devraient-ils considérer ce « pontificat » après un peu plus de deux mois qu’il a débuté ?

Carlo Maria Viganò : Aucun d’entre nous ne peut juger le for interne, c’est-à-dire les dispositions intérieures avec lesquelles une personne agit ou parle : cela ne peut être fait que par Notre Seigneur, qui voit au plus profond de nos cœurs. Cela ne signifie pas pour autant que nous ne pouvons pas exprimer une évaluation du for externe, c’est-à-dire des effets et des conséquences que les actions ou les déclarations d’une personne peuvent avoir en général ou dans un contexte donné. Cela vaut aussi pour Léon, dont l’élection est interprétée par beaucoup comme un signe de changement par rapport à la parenthèse désastreuse de l’usurpation bergoglienne, même s’il n’y a aucun élément qui porte à le penser ; au contraire, nous voyons se multiplier les actions gouvernementales, les nominations et les déclarations publiques dans lesquelles Léon se montre totalement dans la ligne de son prédécesseur de triste mémoire.

Moi-même, comme beaucoup l’ont noté dans les jours qui ont immédiatement suivi les élections, j’ai préféré m’abstenir de me prononcer publiquement sur Léon avec des commentaires qui auraient pu être hâtifs.

Après un peu plus de deux mois, cependant, je crois qu’il est possible de trouver une cohérence dans l’action et les déclarations de Léon par rapport à la ligne tracée par Bergoglio. Et peut-être que cette apparition impromptue de Sœur Nathalie Becquart[1] et d’autres membres de l’élite synodale dans un selfie avec le pape nouvellement élu[2] acquiert aujourd’hui un sens qui, au départ, aurait pu échapper à la plupart des gens. Le message que nous pouvons saisir – accompagné du sourire béat et satisfait de nombreux Électeurs ultra-progressistes (parmi tous le cardinal Cupich de Chicago) apparus à la Loggia après la fumée blanche – c’est que le chemin synodal auquel l’Église bergoglienne et post-bergoglienne ne pourra en aucune façon échapper a déjà été tracé, et que Léon a été élu au quatrième tour de scrutin comme continuateur du mandatum synodale, et non du munus petrinum.

Je le dis sans mâcher mes mots : le lobby synodal attend de Léon qu’il donne une légitimité canonique à un processus subversif qui prive la Papauté de son pouvoir ; une sorte d’abdication volontaire du Monarque en faveur d’un Parlement qui, en réponse à la cession du pouvoir de juridiction et de gouvernement, lui reconnaît une primauté d’honneur qui peut également être appliquée au niveau œcuménique. Dans un paradoxe juridique, ce lobby exige du détenteur d’un droit divin qu’il exerce l’autorité suprême pour lui transmettre ce droit, ce que le Pape ne peut pas faire. Ce coup d’état ecclésial doit porter à son paroxysme le processus révolutionnaire inauguré à Vatican II avec la collégialité épiscopale de Lumen Gentium[3], en étendant le gouvernement de l’Église Catholique aux laïcs et aux femmes, au détriment du lien indissoluble entre le pouvoir d’Ordre et le pouvoir de Juridiction qui existe dans l’Église ab immemorabili. À l’inverse, l’extension aux femmes de fonctions jusque-là réservées aux clercs a ouvert une lueur d’espoir pour l’introduction de formes paraministérielles telles que les diaconesses et les ministres non ordonnées. Là aussi, on ne peut manquer de voir la réalisation des souhaits de l’Agenda 2030 en matière d’égalité des sexes.

Je ne sais pas si mes Confrères et les fidèles sont conscients de la menace mortelle que représente cette action subversive et frauduleuse pour l’Église Catholique.

Ici, ce que la Révolution a fait dans les Nations catholiques se réalise au niveau ecclésial : abolir la monarchie de droit divin et la remplacer par la fraude de la souveraineté populaire, alors qu’en réalité on veut faire passer le pouvoir entre les mains d’une élite et le transformer en tyrannie. La synodalisation, c’est-à-dire la pseudo-démocratisation de l’Église, en ce sens, constituera l’instrument et la cause de sa destruction, exactement comme cela s’est déjà produit dans le domaine civil. Dans cette aversion pour la Royauté sacrée de la Papauté se manifeste toute la haine de Satan : parce que dans les Rois catholiques et dans le Pontife Romain resplendit la Majesté Sacrée du Christ Roi et Pontife, qui règne du trône de la Croix.

Cette démocratisation – seulement nominale, car en réalité le pouvoir est entre les mains du lobby – implique nécessairement une bureaucratisation de l’Église, et nous savons que la bureaucratie est l’un des principaux instruments de contrôle de la Franc-Maçonnerie. Les bureaucrates, derrière l’alibi des procédures « démocratiques » et « synodales », peuvent manœuvrer les assemblées, diriger les votes, orienter le consensus, faire croire qu’une proposition surgit spontanément de la base, alors qu’elle a été pensée jusqu’à la dernière virgule par ceux qui gèrent tout l’appareil organisationnel du Synode. C’est une fiction colossale, une imposture qui reproduit de manière grotesque le processus de dissolution des sociétés civiles après 1789. Une fraude qui conduira aussi à la Terreur, à la dictature d’un organisme sans visage et sans nom, qui promulguera des dogmes climatiques et de nouveaux péchés contre l’environnement, des excommunications pour lèse-migrants ou pour avoir nié le dogme de l’inclusion LGBTQ+ et elle le fera au nom de l’Église synodale. Dans ce cas, cependant, il n’y a pas de Roi Louis à guillotiner : le monarque s’est déjà incliné devant les idoles mondialistes et sa reddition semble convaincue et désirée, presque planifiée à l’avance.

À ceux qui s’obstine à idéaliser l’image de Léon selon un modèle certes consolant mais qui ne correspond pas à la réalité, je conseille d’évaluer les faits pour ce qu’ils sont, et de ne pas essayer de les adapter à leurs propres désirs : en commençant par un fait indiscutable, à savoir que Robert Francis Prevost a été nommé Préfet du Dicastère pour les Évêques et créé Cardinal en 2023 par Bergoglio lui-même ; et que si celui-ci avait eu ne serait-ce qu’un vague soupçon que Prévost ne serait pas cohérent avec sa ligne de gouvernement, il ne l’aurait jamais élevé à la pourpre cardinalice, ni ne l’aurait placé à la tête d’un Dicastère stratégique tel que celui qui décide des nominations des Évêques.

Je crains que Léon ne représente le « Modernisme à visage humain » – pour utiliser l’expression « Socialisme à visage humain » liée au Printemps de Prague de 1968.

Ainsi ses manières indiscutablement persuasives et affables puissent tromper beaucoup de personnes, en particulier parmi les « Catholiques conservateurs », en les amenant à créer une image virtuelle du Pape qui ne semble pas se confirmer dans la réalité. Le temps qui s’est écoulé entre la Nuntio vobis et la promulgation de la Missa votiva green a donné lieu à une série de prises de position sur divers thèmes, qui nous montrent un Léon totalement organique à l’ecclésiologie conciliaire et synodale, la seule différence avec son prédécesseur étant qu’il a un comportement plus poli.

N’oublions pas qu’à l’époque de la psychopandémie, Mgr Prevost n’a pas hésité à soutenir le narratif vaccinal, à préconiser l’utilisation de masques, la distanciation sociale et le respect des règles sanitaires de l’OMS, inutiles et néfastes. Ses récents appels à une « conversion verte » recourent à une terminologie théologique qui transforme une théorie psycho-environnementaliste anti-scientifique, imprégnée de néo-malthusianisme et de gnosticisme, en une Religion de la Nature beaucoup plus présentable, devant laquelle s’incline le chef de l’Église de Rome, témoin (testimonial) fondamental du mondialisme.

Mais si les architectes de l’Agenda 2030 sont ouvertement ennemis de Notre-Seigneur et de son Église, si leurs fausses urgences servent à légitimer de fausses solutions qui impliquent l’extermination d’une partie de l’humanité et l’asservissement des survivants, comment un Pape peut-il – je me demande – ne pas se rendre compte de l’énorme responsabilité morale qu’il assume en ratifiant le coup d’état du Nouvel Ordre Mondial ?

Comment le tribunal de l’Histoire – et le tribunal infaillible du Christ Roi et Pontife – jugera-t-il cette trahison du munus petrinum ?

Léon se trouve à la croisée des chemins : choisir le chemin large et confortable du consensus du monde et des ennemis du Christ et perdre son âme avec le Troupeau que le Seigneur lui a confié ; ou choisir le chemin étroit et épineux de la sequela Christi et du retour à la Tradition, dans le témoignage héroïque du Christ et du Christ crucifié (1Co 2, 2). Le moment est venu de clore une fois pour toutes « l’expérience conciliaire », avec ses terribles échecs et les dévastations sur tous les fronts. Persister dans cette voie de l’autodestruction et de la perdition suicidaire signifierait être responsable d’une ruine annoncée, la favoriser plutôt que de la dénoncer et de la combattre par tous les moyens. Rappelons-nous avec confiance les paroles de Notre-Seigneur à Pierre : Mais moi, j’ai prié pour toi, afin que ta foi ne défaille point ; et toi, quand tu seras converti, affermis tes frères. (Lc 22, 32).

16 juillet 2025, Beatæ Mariæ Virginis de Monte Carmelo

© Traduction de F. de Villasmundo pour MPI relue et corrigée par Mgr Viganò

 

Notes de la rédaction de MPI : 

(1)  Solve et coagula est une formule ou une devise alchimique latine qui signifie « Dissous et Coagule ». C’est l’idée que quelque chose doit être désintégré avant d’être reformé.

(2) Stephen Kokx est un écrivain indépendant et professeur adjoint de sciences politiques vivant à Grand Rapids, dans le Michigan. Il a auparavant travaillé pour le Bureau pour la paix et la justice de l’archidiocèse de Chicago. Ses écrits sur la religion, la politique et la doctrine sociale catholique ont été publiés dans de nombreux médias, dont Crisis Magazine, The American Thinker et son journal local, The Grand Rapids Press. Il est membre de la Fellowship of Catholic Scholars et de la Society of Catholic Social Scientists, et est diplômé de l’Aquinas College et de l’Université Loyola de Chicago.

 

Notes

[1] Sous-secrétaire de la Secrétairerie générale du Synode.

[2] https://zenit.org/2025/05/08/which-is-the-first-document-signed-by-leo-xiv-here-is-the-video-and-first-selfie-with-women/

[3] Le Synode « constitue un acte d’accueil ultérieur du Concile, prolonge son inspiration et relance sa force prophétique pour le monde d’aujourd’hui » (Document final, n. 5). Voir à cet égard les Orientations pour la phase de mise en œuvre du Synode, publiées par la Secrétairerie générale du même le 7 juillet 2025 (ici).

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