Professeur de philosophie politique, travaillant sur l’histoire des religions et la théologie politique, le chercheur et universitaire Bernard Bourdin a notamment conduit de nombreux travaux sur les relations entre politique et religion et sur le lien entre nation et souveraineté.
Directeur de recherche au CNRS, économiste et anthropologue, Philippe d’Iribarne est l’auteur de nombreux ouvrages touchant aux défis contemporains liés à la mondialisation et à la modernité (multiculturalisme, immigration, etc.).
Ces deux auteurs se sont associés pour signer un essai d’une centaine de pages sur la Nation. Ils rappellent que la nation continue à être célébrée dans une large partie du monde, en Chine, en Inde, au Japon, en Iran, en Turquie, où se déploie un nationalisme exalté. A l’inverse, dans le monde occidental, et particulièrement en Europe de l’Ouest, la nation est maintenant largement décriée pendant que, simultanément, de puissants courants souvent qualifiés de populistes, s’affirment, dans une société de plus en plus fracturée. Les deux auteurs constatent l’illusion d’une mondialisation heureuse, d’un monde paisible et dépolitisé, régi par la rencontre d’une communion universelle dans les droits de l’homme, de l’économie de marché et d’institutions internationales aptes à résoudre tous les conflits entre puissances. De même, le concept d’Europe fédérale a pris un sérieux plomb dans l’aile.
Dans leur premier chapitre, ils évoquent le déclin de la nation tout en montrant comment son rôle a été grand. Ils abordent la déstabilisation de ce modèle, accompagnant la transformation radicale de la société. Le second chapitre porte sur les effets concrets du début de mise en œuvre de cette nouvelle vision dans les sociétés européennes, et spécialement en France. Les auteurs soulignent les impasses d’un monde postnational avec la transmutation de l’immigré en citoyen alors même qu’il est souvent issu de sociétés étrangères qui ignorent complètement la figure du citoyen. Le troisième et dernier chapitre s’interroge sur les voies susceptibles de permettre de sortir de l’impasse. Hélas, on regrettera que, tout en concluant que la nation est une ressource d’avenir, les deux auteurs restent prisonniers d’un schéma de pensée moderne qui leur impose toute une série de précautions de langage de nature à neutraliser leur tentative de démonstration.
La Nation : une ressource d’avenir, Bernard Bourdin et Philippe d’Iribarne, éditions Artège, 114 pages, 11, 90 euros
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La nation vue par Alexandre Douguine, Vladimir Poutine, le pour et le contre.
La nation, est-elle un concept bourgeois ?
L’Eurasisme est contraire au nationalisme car il met en valeur les différences culturelles et ethniques et non pas une unification basée sur l’individu dont la genèse remonte en Occident au nominalisme qui ne considère plus l’homme en tant qu’individu (qualitatif) mais l’homme pris dans un collectif (quantitatif). La post-modernité survenue après 1990 est un abîme, pas seulement pour la Russie mais pour toute l’humanité, c’est un combat de la tellurocratie, le Heartland (Le Béhémot) contre la thalassocratie (Le Léviathan), c’est Halford John Mackinder (1861-1947) qui est considéré comme le père de la géopolitique, ses idées furent reprises par Nicolas Spykman (1893-1943) auteur de America’s strategy in World Politics (1942) et Zbigniew Brzezinski (1928-2017).
Douguine développe sa thèse, les eurasistes sont du côté de la civilisation de la terre (Béhémot) et non de celle du Léviathan, celle de la Mer. Pour lui, la terre c’est la Tradition, la foi, le peuple, l’empire, l’histoire, la famille, l’éthique. La mer, c’est le progrès, la chrématistique, la démoncratie, la politique des genres, deux ensembles de valeurs s’excluant mutuellement, comme Esaü et Jacob volontairement casanier par rapport à son frère, alors l’errance (dans le « progrès ») ou la sédentarisation (dans la Tradition) ?.
Différenciation entre nation et ethos, p. 114.(Vladimir Poutine, le pour et le contre d’Alexandre Douguine, Ars Magna
Cette idée d’Union eurasienne est née après la chute de l’URSS avec le président Noursultan Nazarbaiev, pour le Kazakhstan et le mouvement eurasiste pour Moscou, c’est un projet d’intégration politique de la territorialité soviétique calquée sur celle de l’Union européenne. C’est grâce à la perspicacité de Nazarbaiev, sa forme et la matière idéologique apportée par le Mouvement eurasiste de Russie que cette affaire a pu voir le jour. Poutine a fait un pas décisif après sa déconvenue en Géorgie en 2008 (Fin de l’Occidentophilie) en accomplissant ce revirement.
De qui s’agit-il ?
L’eurasisme est une continuation de la pensée slavophile (Constantin Léontiev : 1831-1891) qui exalte l’originalité de la civilisation russe actuellement basée sur la vision multipolaire et sur le refus de la vision unipolaire de la continuation de l’hégémonie américaine.
A) A l’échelon planétaire : Il s’agit de mettre en place le modèle multipolaire ou sans pôle (global), une entité régionale peut devenir un pôle de puissance, ce n’est pas un Etat national ou un bloc idéologique, mais plutôt un grand espace (Grossraum)
B) A l’échelon régional : Cela passe par la création d’une unité intégratrice capable de représenter un pôle du monde multipolaire. L’Union eurasienne représente ce projet pour la Russie, cela passe par l’intégration de l’espace soviétique ou l’ancien empire des tsars, mais l’important est que ce bloc soit uni (On le voit aujourd’hui avec les tchétchènes de Ramzan Kadyrov).
C) A l’échelon local : cela équivaut à un enracinement du centralisme ne permettant pas la plus petite expression de souveraineté, les ethnos de cette fédération deviennent sujets, mais en contrepartie, l’identité culturelle et la langue se renforcent. Sergueï Lavrov évoque : « Un ordre mondial polycentrique ».
Au printemps 2011, Poutine a différencié la nation en tant que créatrice d’une unité politique et l’ethnos qui signifie que le modèle eurasiste a été adopté. Les sociétés (comme la Russie, le Kazakhstan, la Biélorussie, le Donbass, la Crimée, Transnistrie, Serbie) destinées à se rassembler possèdent le même code civilisationnel.