Alliés sacrifiés
La débâcle des troupes gouvernementales en Afghanistan, et des États-Unis d’Amérique, a ravivé des souvenirs douloureux : catholiques vietnamiens suspendus aux camions des troupes françaises évacuant le nord du Vietnam ; 20 ans plus tard, le 30 avril 1975, chute de Saïgon, et fuite éperdue en hélicoptère de l’ambassade américaine, précédant l’exode des Boat people, fuyant, au risque de la noyade, le « paradis » communiste…

Comment ne pas penser aussi à l’Algérie délibérément livrée au FLN terroriste, au mépris des promesses solennelles, aux pieds-noirs massacrés à Oran quand l’armée française avait reçu du Général Katz l’ordre de rester l’arme au pied ; aux harkis livrés aux égorgeurs, selon les instructions de De Gaulle relayées par le ministre Louis Joxe, le père de l’autre…

Il ne fait pas bon d’être les alliés de l’Occident ; et ceci se sait désormais.

Comment expliquer un tel fiasco ? En somme, les USA, qui avaient réussi d’emblée presque sans coup férir à chasser les Talibans du pouvoir, ont fait 20 ans de guerre… pour les laisser s’y réinstaller. En sandales et sans gilets pare — balles, sans chars, sans avions, presque sans artillerie, souvent mal équipés, ils peuvent se vanter d’avoir vaincu d’abord l’immense empire soviétique, et ensuite la première puissance du monde, dont les dépenses militaires sont de l’ordre de 15 fois les nôtres (778 Milliards de dollars contre 52,7). Quelques réflexions s’imposent.

Premier enseignement : Méditer l’histoire avant de s’engager.
« L’Histoire ne se répète pas » ? Non, mais elle bafouille ! Et elle aurait dû inciter à la prudence. Ce n’est pas la première fois que l’Occident se fait étriller en Afghanistan. Je le savais déjà, étant enfant, en lisant les aventures de Sherlock Holmes. Car l’ami de Holmes, le bon docteur Watson, n’est-il pas, dans ce roman de Conan Doyle, un médecin militaire britannique rentré blessé d’Afghanistan ? « Élémentaire, mon cher Watson ! »

Pas moins de trois guerres en effet ont opposé l’Afghanistan à la Grande-Bretagne et à son empire, alors le premier du monde.
Trois guerres inutiles : lors de la première, les Anglais, avaient décidé de déposer l’émir Dost Mohammed, qui leur était hostile, et de réinstaller sur le trône de Kaboul l’émir déchu Shah Choudja, jugé plus conciliant. Ils entrèrent dans Kaboul en août 1839 sans grandes difficultés, et réinstallèrent leur protégé. Ils en seront chassés ignominieusement par une révolte populaire, conduite par le fils de l’émir déposé. Après le massacre de leur représentant et des membres de sa mission, ils tenteront d’évacuer Kaboul en janvier 1842. Une colonne de 16 500 personnes (dont 4 500 soldats et 12 000 auxiliaires, familles, domestiques) se replie ; elle sera complètement anéantie. Presque tous seront massacrés, et leur protégé assassiné peu après.

Une deuxième guerre anglo-afghane, de 1878 à 1880, leur fut plus favorable. Renonçant cependant à occuper le pays, le Royaume-Uni obtint par traité de pouvoir du moins en contrôler la politique extérieure. Mais ce maigre bénéfice leur fut retiré à l’issue de la troisième guerre, en 1919, à l’issue de laquelle l’Afghanistan regagnera une indépendance complète, sur tous les plans.

Deuxième enseignement : Si l’on reste, on s’enlise
La preuve est faite de l’inefficacité relative de la surpuissance militaire et technique, dans le cadre d’un combat « asymétrique ». Nos armées modernes ne nous protègent aujourd’hui que contre les armées équivalentes des États. Elles révèlent vite leur impuissance dans des opérations de guérilla, en face d’un adversaire qui connaît le terrain, et qui s’y meut « comme un poisson dans l’eau ».

Le succès d’une opération de force dépend de sa brièveté. Si l’on reste, on s’enlise. Nous sommes en train d’en faire l’expérience au Sahel. J’entendais à la radio le général français accrédité à l’ONU distinguer ce cas de l’Afghanistan, au motif du début de démocratie effective dans certains des pays concernés–le Niger peut — être. Je ne partage pas cet optimisme. Et je n’entrevois pas la fin de l’opération Barkhane, dans laquelle nous sommes engagés depuis 2014.

Troisième enseignement : Cesser d’imposer nos modèles
Abandonnons l’idée que la démocratie parlementaire serait le seul régime politique qui convienne à tous les peuples. Les États-Unis notamment en sont restés à leur expérience d’après la Seconde Guerre mondiale, lorsque leur occupation s’est accompagnée du rétablissement de la démocratie en Allemagne occidentale et au Japon. Mais ces vieilles nations avaient déjà vécu sous ce régime, et disposaient de cadres et d’expérience. Ailleurs, cette présomption nous a conduits à négliger les réalités ethniques, les allégeances traditionnelles, les solidarités tribales, les mentalités particulières, etc. Le résultat est là. Les institutions que nous mettons en place ne sont qu’un fragile vernis, qui ne résiste pas aux forces telluriques venues du fond des âges.

Quatrième enseignement : repenser nos alliances
Cette désastreuse expédition afghane s’était faite sous l’égide de l’OTAN : Organisation du Traité de l’Atlantique Nord. On peut s’étonner : l’Afghanistan, pays asiatique enclavé, n’est bien sûr pas dans la zone. Cependant, l’implication de l’OTAN dans cette affaire était moins illégitime que contre la Serbie dans l’affaire du Kosovo en 1999. Les États-Unis avaient subi les attentats du 11 septembre ; ils ont excipé de l’article 5 de la charte de l’OTAN, qui oblige les alliés à se solidariser. Ces attentats n’étaient-ils pas une agression ? Et le cerveau présumé, Oussama Ben Laden, réfugié en Afghanistan ? Il n’en a fallu pas plus pour que la France se trouve impliquée dans un guêpier donc elle s’est extraite cependant il y a six ans.

L’OTAN, adéquate pour faire contrepoids au Pacte de Varsovie, quand 6000 chars soviétiques campaient à une nuit de route de nos frontières, doit être complètement revue, ou bien il faut en sortir. Elle est inadaptée à des situations comme celle de l’Afghanistan.

Cinquième enseignement : Tenir compte des mentalités locales.
Comment réagissent les populations locales en voyant ainsi débarquer nos corps expéditionnaires ? C’est simple : accueillis au début avec faveur par une partie d’entre elles, nous finissons par coaliser contre nous : et le sentiment national, et le sentiment religieux. Dès lors la partie est perdue. Les interventions en pays musulman, s’il doit y en avoir, doivent être confiées à des contingents venant de pays musulmans. De la même façon, les interventions dans les pays africains doivent être confiées à des Africains. Ce n’est pas à la France de faire la police dans le Sahel ; c’est à l’Algérie ou au Maroc, ou au Tchad, ou à un corps expéditionnaire composé par l’Organisation de l’Unité Africaine, organisation subsidiaire de l’O.N.U., dont le silence est assourdissant. Ils n’en sont pas capables ? Aidons-les, sur le plan du matériel, de la logistique, de la formation, mais n’allons pas au-delà, au risque de perdre sur tous les tableaux.

Sixième enseignement : ne pas faire confiance
Il est évidemment inutile de poursuivre ce conflit par d’autres moyens, et les propositions du Premier Ministre canadien Justin Trudeau, demandant que l’on adopte des sanctions — après 20 ans de guerre ! — sont évidemment dérisoires. En revanche, il ne faut accorder aucun crédit à la parole des Talibans, selon laquelle la transition serait pacifique, etc. Ces assurances n’ont d’autre utilité que de servir d’alibi à Monsieur Biden. En matière de représailles, il serait étonnant que les Talibans montrent plus de retenue que chez nous les Gaullo — communistes lors de l’épuration en 1945.

La Taqiya, la dissimulation, est dans leur mentalité, aussi politiquement utile que moralement louable. Les Talibans sont des barbares, ils l’ont montré sur les personnes, mais aussi sur le patrimoine, en dynamitant par exemple les grands bouddhas de Bâmiyân, vestiges admirables des anciennes civilisations indo- grecques du Gandhara et du Kouchan, issues de la rencontre des descendants des soldats d’Alexandre le Grand avec le bouddhisme.

Soyons donc vigilants ici, à défaut de pouvoir faire plus…

Bruno Gollnisch

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