Un pape dans le droit fil de ses prédécesseurs hétérodoxes !
Léon XIV vient de déclarer, le 29 octobre 2025 :
« Ainsi, chers frères et sœurs, soixante ans après Nostra Aetate, nous pouvons nous demander : que pouvons-nous faire ensemble ? La réponse est simple : agissons ensemble. Plus que jamais, notre monde a besoin de notre unité, de notre amitié et de notre collaboration. Chacune de nos religions peut contribuer à atténuer la souffrance humaine et à prendre soin de notre maison commune, notre planète Terre. Nos traditions respectives enseignent la vérité, la compassion, la réconciliation, la justice et la paix. Nous devons réaffirmer notre service à l’humanité, à tout moment. Ensemble, nous devons être vigilants face à l’utilisation abusive du nom de Dieu, de la religion et du dialogue lui-même, et face aux dangers posés par le fondamentalisme et l’extrémisme religieux. » (Audience générale du 29 octobre 2025 – Catéchèse à l’occasion du 60e anniversaire de la Déclaration conciliaire Nostra aetate)
Cela prolonge cette idée, déjà répétée un nombre incalculable de fois par ses prédécesseurs de Paul VI à François :
« Croyants et incroyants sont généralement d’accord sur ce point : tout sur terre doit être ordonné à l’homme comme à son centre et à son sommet. » (Constitution pastorale Gaudium et Spes, 7 décembre 1965 – Sur l’Eglise dans le monde de ce temps, Première partie, Ch. I, §12, n°1)
En 1992, sous le pontificat de Jean-Paul II, le Cardinal Joseph RATZINGER, toujours Préfet de le Congrégation pour la doctrine de la foi, fit la déclaration suivante :
« Dans le dialogue que je souhaite de toutes mes forces avec toutes les forces politiques et intellectuelles pour définir un minimum éthique, l’Eglise ne cherche pas à imposer une sorte de nouvelle respublica christiana. Ce serait absurde de vouloir revenir en arrière, à un système de chrétienté politique. Mais il est vrai que nous nous sentons une responsabilité dans ce monde et désirons lui apporter notre contribution de catholiques. Nous ne souhaitons pas imposer le catholicisme à l’Occident. Mais nous voulons que les valeurs fondamentales du christianisme et les valeurs libérales dominantes dans le monde d’aujourd’hui puissent se rencontrer et se féconder mutuellement. » (Entretien accordé au journal Le Monde, 17 novembre 1992)
Malheureusement pour la Rome conciliaire, le Magistère enseigne en de nombreux endroits l’exacte inverse, que sans la foi et la grâce, il est impossible de conserver la morale et l’ordre publics, ou même la simple paix et de garder un simple fondement à l’obéissance au pouvoir civil. Ci-dessous une sentence de Pie XI, puis une longue citation de saint Pie X qui établissent chirurgicalement l’inverse, puis une longue suite de citation des Papes de Pie VI à Pie XII !
Pie XI :
« Sur la foi en Dieu, gardée intacte et sans tache, repose la moralité de l’humanité. Toutes les tentatives pour ôter à la morale et à l’ordre moral le fondement, solide comme le roc, de la foi et pour les établir sur le sable mouvant des règles humaines, conduisent tôt ou tard individus et sociétés à la ruine morale. L’insensé qui dit dans son cœur : Il n’y a pas de Dieu, marchera dans les voies de la corruption morale (Ps., XIII, 1 sq.). Le nombre de ces insensés, qui aujourd’hui entreprennent de séparer Moralité et Religion, est devenu légion. Ils ne voient pas ou ne veulent pas voir que bannir le Christianisme confessionnel, c’est-à-dire la conception claire et précise du Christianisme, de l’enseignement et de l’éducation, de l’organisation de la vie sociale et publique, c’est aller à l’appauvrissement spirituel et à la décadence. Aucune puissance coercitive de l’État, aucun idéal purement humain, si noble et si élevé soit-il en lui-même, ne sera jamais capable de remplacer en fin de compte les suprêmes et décisives impulsions que donne la foi en Dieu et au Christ. […] Le Dieu plein de bonté, qui, comme législateur, dit : « Tu dois », donne aussi par Sa grâce « le pouvoir et le faire ». […] L’abandon, qui en résulte, des éternels principes d’une morale objective, pour l’éducation des consciences, pour l’ennoblissement de tous les domaines et de toutes les organisations de la vie, c’est un péché contre l’avenir du peuple, un péché dont les générations futures devront goûter les fruits amers. » (Encyclique Mit brennender Sorge du 14 mars 1937 sur l’Église dans le Reich Allemand, n°34)
Saint Pie X, dans sa magistrale Encyclique Notre Charge Apostolique, dite Lettre sur le Sillon, condamnant les erreurs de Marc SANGNIER et de son mouvement, le Sillon, du 25 août 1910, rappelle premièrement qu’il ne faut pas chercher un nouvel idéal que celui de la chrétienté politique :
« Il faut rappeler énergiquement dans ces temps d’anarchie sociale et intellectuelle, où chacun se pose en docteur et législateur – on ne bâtira pas la cité autrement que Dieu ne l’a bâtie ; on n’édifiera pas la société, si l’Église n’en jette les bases et ne dirige les travaux ; non, la civilisation n’est plus à inventer ni la cité nouvelle à bâtir dans les nuées. Elle a été, elle est ; c’est la civilisation chrétienne, c’est la cité catholique. Il ne s’agit que de l’instaurer et la restaurer sans cesse sur ses fondements naturels et divins contre les attaques toujours renaissantes de l’utopie malsaine, de la révolte et de l’impiété : omnia instaurare in Christo. »
Deuxièmement il juge plus loin que la doctrine du Sillon est incompatible avec la doctrine catholique :
« Ce rapide exposé, vénérables Frères, vous montre déjà clairement combien Nous avions raison de dire que le Sillon oppose doctrine à doctrine, qu’il bâtit sa cité sur une théorie contraire à la vérité catholique et qu’il fausse les notions essentielles et fondamentales qui règlent les rapports sociaux dans toute société humaine. Cette opposition ressortira davantage encore des considérations suivantes. »
Troisièmement enfin, il décrit une des caractéristiques du Sillon qui correspond parfaitement à l’utopie conciliaire présente dans cette homélie de Jean-Paul II :
« Réfutation du système sillonniste
[…] Il en est de même de la notion de fraternité, dont ils mettent la base dans l’amour des intérêts communs, ou, par delà toutes les philosophies et toutes les religions, dans la simple notion d’humanité, englobant ainsi dans le même amour et une égale tolérance tous les hommes avec toutes leurs misères, aussi bien intellectuelles et morales que physiques et temporelles. Or, la doctrine catholique nous enseigne que le premier devoir de la charité n’est pas dans la tolérance des convictions erronées, quelques sincères qu’elles soient, ni dans l’indifférence théorique ou pratique pour l’erreur ou le vice où nous voyons plongés nos frères, mais dans le zèle pour leur amélioration intellectuelle et morale non moins que pour leur bien-être matériel. Cette même doctrine catholique nous enseigne aussi que la source de l’amour du prochain se trouve dans l’amour de Dieu, père commun et fin commune de toute la famille humaine, et dans l’amour de Jésus-Christ, dont nous sommes les membres au point que soulager un malheureux, c’est faire du bien à Jésus-Christ lui-même. Tout autre amour est illusion ou sentiment stérile et passager. Certes, l’expérience humaine est là, dans les sociétés païennes ou laïques de tous les temps, pour prouver qu’à certaines heures la considération des intérêts communs ou de la similitude de nature pèse fort peu devant les passions et les convoitises du coeur. Non, Vénérables Frères, il n’y a pas de vraie fraternité en dehors de la charité chrétienne, qui, par amour pour Dieu et son Fils Jésus-Christ notre Sauveur, embrasse tous les hommes pour les soulager tous et pour les amener tous à la même foi et au même bonheur du ciel. En séparant la fraternité de la charité chrétienne ainsi entendue, la démocratie, loin d’être un progrès, constituerait un recul désastreux pour la civilisation. Car si l’on veut arriver, et Nous le désirons de toute Notre âme, à la plus grande somme de bien être possible pour la société et pour chacun de ses membres par la fraternité, ou, comme on dit encore, par la solidarité universelle, il faut l’union des esprits dans la vérité, l’union des volontés dans la morale, l’union des coeurs dans l’amour de Dieu et de son Fils, Jésus-Christ. Or, cette union n’est réalisable que par la charité catholique, laquelle seule, par conséquent, peut conduire les peuples dans la marche du progrès, vers l’idéal de la civilisation. […]
Le plus grand Sillon
Il fut un temps où le Sillon, comme tel était formellement catholique. En fait de force morale, il n’en connaissait qu’une, la force catholique, et il allait proclamant que la démocratie serait catholique ou qu’elle ne serait pas. Un moment vint où il se ravisa. Il laissa à chacun sa religion ou sa philosophie. Il cessa lui-même de se qualifier de « catholique » et, à la formule « La démocratie sera catholique », il substitua cette autre « La démocratie ne sera pas anticatholique », pas plus d’ailleurs qu’anti-juive ou antibouddhiste. Ce fut l’époque du plus grand Sillon. On appela à la construction de la cité future tous les ouvriers de toutes les religions et de toutes les sectes. On ne leur demanda que d’embrasser le même idéal social, de respecter toutes les croyances et d’apporter un certain appoint de forces morales. Certes, proclamait-on, « les chefs du Sillon mettent leur foi religieuse au-dessus de tout. Mais peuvent-ils ôter aux autres le droit de puiser leur énergie morale là où ils peuvent ? En revanche, ils veulent que les autres respectent leur droit, à eux de la puiser dans la foi catholique. Ils demandent donc à tous ceux qui veulent transformer la société présente dans le sens de la démocratie de ne pas se repousser mutuellement à cause des convictions philosophiques ou religieuses qui peuvent les séparer, mais de marcher la main dans la main, non pas en renonçant à leurs convictions, mais en essayant de faire sur le terrain des réalités pratiques la preuve de l’excellence de leurs convictions personnelles. Peut-être sur ce terrain de l’émulation entre âmes attachées à différentes convictions religieuses ou philosophiques l’union pourra se réaliser. » [Marc Sangnier, Discours de Rouen, 1907] Et l’on déclara en même temps (comment cela pouvait-il s’accomplir ?) que le petit Sillon catholique serait l’âme du grand Sillon cosmopolite.
Récemment, le nom du plus grand Sillon a disparu, et une nouvelle organisation est intervenue, sans modifier, bien au contraire, l’esprit et le fond des choses : « pour mettre de l’ordre dans le travail et organiser les diverses formes d’activité. Le Sillon reste toujours une âme, un esprit, qui se mêlera aux groupes et inspirera leur activité ». Et tous les groupements nouveaux, devenus en apparence autonomes : catholiques, protestants, libres-penseurs, sont priés de se mettre à l’oeuvre. « Les camarades catholiques travailleront entre eux dans une organisation spéciale à s’instruire et à s’éduquer. Les démocrates protestants et libres-penseurs en feront autant de leur côté. Tous, catholiques, protestants et libres-penseurs, auront à coeur d’armer la jeunesse non pas pour une lutte fratricide, mais pour une généreuse émulation sur le terrain des vertus sociales et civiques. » [Marc Sangnier, Paris, mai 1910] Ces déclarations et cette nouvelle organisation de l’action sillonniste appellent de bien graves réflexions.
Voici, fondée par des catholiques, une association interconfessionnelle, pour travailler à la réforme de la civilisation, oeuvre religieuse au premier chef, car pas de vraie civilisation sans civilisation morale, et pas de vraie civilisation morale sans la vraie religion : c’est une vérité démontrée, c’est un fait d’histoire. Et les nouveaux sillonnistes ne pourront pas prétexter qu’ils ne travailleront que « sur le terrain des réalités pratiques » où la diversité des croyances n’importe pas. Leur chef sent si bien cette influence des convictions de l’esprit sur le résultat de l’action qu’il les invite, à quelque religion qu’ils appartiennent, à « faire sur le terrain des réalités pratiques la preuve de l’excellence de leurs convictions personnelles » . Et avec raison car les réalisations pratiques revêtent le caractère des convictions religieuses, comme les membres d’un corps jusqu’à leurs dernières extrémités reçoivent leur forme du principe vital qui l’anime.
Ceci dit, que faut-il penser de la promiscuité où se trouveront engagés les jeunes catholiques avec des hétérodoxes et des incroyants de toute sorte dans une oeuvre de cette nature ? N’est-elle pas mille fois plus dangereuse pour eux qu’une association neutre ? Que faut-il penser de cet appel à tous les hétérodoxes et à tous les incroyants à prouver de leurs convictions sur le terrain social, dans une espèce de concours apologétique, comme si ce concours ne durait pas depuis dix-neuf siècles, dans des conditions moins dangereuses pour la foi des fidèles et tout en l’honneur de l’Église catholique ? Que faut-il penser de ce respect de toutes les erreurs et de l’invitation étrange, faite par un catholique à tous les dissidents, de fortifier leurs convictions par l’étude et d’en faire des sources toujours plus abondantes de forces nouvelles ? Que faut-il penser d’une association où toutes les religions et même la libre-pensée peuvent se manifester hautement à leur aise ? Car les sillonnistes qui, dans les conférences publiques et ailleurs, proclament fièrement leur foi individuelle, n’entendent certainement pas fermer la bouche aux autres et empêcher le protestant d’affirmer son protestantisme et le sceptique son scepticisme. Que penser, enfin, d’un catholique qui, en entrant dans son cercle d’études, laisse son catholicisme à la porte, pour ne pas effrayer les camarades qui, « rêvant d’une action sociale désintéressée, répugnent de la faire servir au triomphe d’intérêts, de coteries ou même de convictions quelles qu’elles soient » ? Telle est la profession de foi du nouveau Comité démocratique d’action sociale, qui a hérité de la plus grande tâche de l’ancienne organisation, et qui, dit-il, « en brisant l’équivoque entretenue autour du plus grand Sillon, tant dans les milieux réactionnaires que dans les milieux anticléricaux » , est ouvert à tous les hommes « respectueux des forces morales et religieuses et convaincus qu’aucune émancipation sociale véritable n’est possible sans le ferment d’un généreux idéalisme ».
Condamnation du Sillon
Oui, hélas ! l’équivoque est brisée ; l’action sociale du Sillon n’est plus catholique ; le sillonniste, comme tel, ne travaille pas pour une coterie, et « l’Église, il le dit, ne saurait à aucun titre être bénéficiaire des sympathies que son action pourra susciter » . Étrange insinuation, vraiment ! On craint que l’Église ne profite de l’action sociale du Sillon dans un but égoïste et intéressé, comme si tout ce qui profite à l’Église ne profitait pas à l’humanité ! Étrange renversement des idées : c’est l’Église qui serait la bénéficiaire de l’action sociale, comme si les plus grands économistes n’avaient pas reconnu et démontré que c’est l’action sociale, qui, pour être sérieuse et féconde, doit bénéficier de l’Église.
Mais, plus étranges encore, effrayantes et attristantes à la fois, sont l’audace et la légèreté d’esprit d’hommes qui se disent catholiques, qui rêvent de refondre la société dans de pareilles conditions et d’établir sur terre, par-dessus l’Église catholique « le règne de la justice et de l’amour » , avec des ouvriers venus de toute part, de toutes religions ou sans religion, avec ou sans croyances, pourvu qu’ils oublient ce qui les divise : leurs convictions religieuses et philosophiques, et qu’ils mettent en commun ce qui les unit : un généreux idéalisme et des forces morales prises « où ils peuvent« . Quand on songe à tout ce qu’il a fallu de forces, de science, de vertus surnaturelles pour établir la cité chrétienne, et les souffrances de millions de martyrs, et les lumières des Pères et des Docteurs de l’Église, et le dévouement de tous les héros de la charité, et une puissante hiérarchie née du ciel, et des fleuves de grâce divine, et le tout édifié, relié, compénétré par la Vie de Jésus-Christ, la Sagesse de Dieu, le Verbe fait homme ; quand on songe, disons-Nous, à tout cela, on est effrayé de voir de nouveaux apôtres s’acharner à faire mieux avec la mise en commun d’un vague idéalisme et de vertus civiques. Que vont-ils produire ? Qu’est-ce qui va sortir de cette collaboration ? Une construction purement verbale et chimérique, où l’on verra miroiter pêle-mêle et dans une confusion séduisante les mots de liberté, de justice, de fraternité et d’amour, d’égalité et d’exaltation humaine, le tout basé sur une dignité humaine mal comprise. Ce sera une agitation tumultueuse, stérile pour le but proposé et qui profitera aux remueurs de masses moins utopistes. Oui, vraiment, on peut dire que le Sillon convoie le socialisme, l’oeil fixé sur une chimère.
Nous craignons qu’il n’y ait encore pire. Le résultat de cette promiscuité en travail, le bénéficiaire de cette action sociale cosmopolite ne peut être qu’une démocratie qui ne sera ni catholique, ni protestante, ni juive ; une religion (car le sillonnisme, les chefs l’ont dit, est une religion) plus universelle que l’Église catholique, réunissant tous les hommes devenus enfin frères et camarades dans « le règne de Dieu ». – « On ne travaille pas pour l’Église, on travaille pour l’humanité ».
Et maintenant, pénétré de la plus vive tristesse, Nous Nous demandons, vénérables Frères, ce qu’est devenu le catholicisme du Sillon. Hélas, lui qui donnait autrefois de si belles espérances, ce fleuve limpide et impétueux a été capté dans sa marche par les ennemis modernes de l’Église et ne forme plus dorénavant qu’un misérable affluent du grand mouvement d’apostasie organisé, dans tous les pays, pour l’établissement d’une Église universelle qui n’aura ni dogmes, ni hiérarchie, ni règle pour l’esprit, ni frein pour les passions et qui, sous prétexte de liberté et de dignité humaine, ramènerait dans le monde, si elle pouvait triompher, le règne légal de la ruse et de la force, et l’oppression des faibles, de ceux qui souffrent et qui travaillent.
Le Sillon et la révolution
Nous ne connaissons que trop les sombres officines où l’on élabore ces doctrines délétères qui ne devraient pas séduire des esprits clairvoyants. Les chefs du Sillon n’ont pu s’en défendre : l’exaltation de leurs sentiments, l’aveugle bonté de leur coeur, leur mysticisme philosophique, mêlé d’une part d’illuminisme, les ont entraînés vers un nouvel Évangile, dans lequel ils ont cru voir le véritable Évangile du Sauveur, au point qu’ils osent traiter Notre-Seigneur Jésus-Christ avec une familiarité souverainement irrespectueuse et que, leur idéal étant apparenté à celui de la Révolution, ils ne craignent pas de faire entre l’Évangile et la Révolution des rapprochements blasphématoires qui n’ont pas l’excuse d’avoir échappé à quelque improvisation tumultueuse.
Le Sillon et l’Evangile
Nous voulons attirer votre attention, Vénérables Frères, sur cette déformation de l’Évangile et du caractère sacré de Notre-Seigneur Jésus-Christ, Dieu et Homme, pratiquée dans le « Sillon » et ailleurs. Dès que l’on aborde la question sociale, il est de mode, dans certains milieux, d’écarter d’abord la divinité de Jésus-Christ, et puis de ne parler que de sa souveraine mansuétude, de sa compassion pour toutes les misères humaines, de ses pressantes exhortations à l’amour du prochain et à la fraternité. Certes, Jésus nous a aimés d’un amour immense, infini, et il est venu sur terre souffrir et mourir pour que, réunis autour de lui dans la justice et l’amour, animés des mêmes sentiments de charité mutuelle, tous les hommes vivent dans la paix et le bonheur. Mais, à la réalisation de ce bonheur temporel et éternel, il a mis, avec une souveraine autorité, la condition que l’on fasse partie de son troupeau, que l’on accepte sa doctrine, que l’on pratique la vertu et qu’on se laisse enseigner et guider par Pierre et ses successeurs. Puis, si Jésus a été bon pour les égarés et les pécheurs, il n’a pas respecté leurs convictions erronées, quelque sincères qu’elles parussent ; il les a tous aimés pour les instruire, les convertir et les sauver. S’il a appelé à lui pour les soulager, ceux qui peinent et qui souffrent, ce n’a pas été pour leur prêcher la jalousie d’une égalité chimérique. S’il a relevé les humbles, ce n’a pas été pour leur inspirer le sentiment d’une dignité indépendante et rebelle à l’obéissance. Si son coeur débordait de mansuétude pour les âmes de bonne volonté, il a su également s’armer d’une sainte indignation contre les profanateurs de la maison de Dieu, contre les misérables qui scandalisent les petits, contre les autorités qui accablent le peuple sous le poids de lourds fardeaux sans y mettre le doigt pour les soulever. Il a été aussi fort que doux ; il a grondé, menacé, châtié, sachant et nous enseignant que souvent la crainte est le commencement de la sagesse et qu’il convient parfois de couper un membre pour sauver le corps. Enfin, il n’a pas annoncé pour la société future le règne d’une félicité idéale, d’où la souffrance serait bannie ; mais, par ses leçons et par ses exemples, il a tracé le chemin du bonheur possible sur terre et du bonheur parfait au ciel : la voie royale de la croix. Ce sont là des enseignements qu’on aurait tort d’appliquer seulement à la vie individuelle en vue du salut éternel ; ce sont des enseignements éminemment sociaux, et ils nous montrent en Notre-Seigneur Jésus-Christ autre chose qu’un humanitarisme sans consistance et sans autorité. » (Encyclique Notre Charge Apostolique, dite Lettre sur le Sillon, condamnant les erreurs de Marc SANGNIER et de son mouvement, le Sillon, 25 août 1910)
Voici les autres enseignements pertinents des Papes de Pie VI à Pie XII ce sujet :
Pie VI :
« Mais cette conduite n’étonnera pas ceux qui observeront que l’effet nécessaire de la constitution décrétée par l’Assemblée est d’anéantir la Religion catholique, et avec elle l’obéissance due aux rois. C’est dans cette vue qu’on établit, comme un droit de l’homme en société, cette liberté absolue, qui non-seulement assure le droit de n’être point inquiété sur ses opinions religieuses, mais qui accorde encore cette licence de penser, de dire, d’écrire et même de faire imprimer impunément en matière de religion tout ce que peut suggérer l’imagination la plus déréglée : droit monstrueux, qui paraît cependant à l’Assemblée résulter de l’égalité et de la liberté naturelles à tous les hommes. Mais que pouvait-il y avoir de plus insensé, que d’établir parmi les hommes cette égalité et cette liberté effrénée qui étouffe complètement la raison, le don le plus précieux que la nature ait fait à l’homme, et le seul qui le distingue des animaux. » (Bref Quod Aliquantum, 10 mars 1791 adressé aux évêques français de l’Assemblée nationale)
« On entend retentir les académies et les universités d’opinions nouvelles et monstrueuses ; ce n’est plus en secret ni sourdement qu’elles attaquent la foi catholique ; c’est une guerre horrible et impie qu’elles lui déclarent publiquement et à découvert. Or dès que les leçons et les examens des maîtres pervertissent ainsi la jeunesse, les désastres de la religion prennent un accroissement immense, et la plus effrayante immoralité gagne et s’étend. Aussi, une fois rejetés les liens sacrés de la religion, qui seuls conservent les royaumes et maintiennent la force et la vigueur de l’autorité, on voit l’ordre public disparaître, l’autorité malade, et toute puissance légitime menacée d’une révolution toujours plus prochaine. Abîme de malheurs sans fonds, qu’ont surtout creusé ces sociétés conspiratrices dans lesquelles les hérésies et les sectes ont, pour ainsi dire, vomi comme dans une espèce de sentine, tout ce qu’il y a dans leur sein de licence, de sacrilège et de blasphème. » (Encyclique Mirari vos, 15 août 1832 – Condamnation du libéralisme et de l’indifférentisme religieux)
Léon XIII consacre une grande partie de sa Lettre E Giunto, 19 juillet 1889, à l’Empereur du Brésil, condamnant la possibilité d’un droit accordé par principe aux faux cultes à exposer cette réalité.
Il dit encore :
« Si la France, parfois oublieuse de ses traditions et de sa mission, a conçu envers l’Eglise des sentiments hostiles, cependant, par un grand bienfait de Dieu, elle ne s’est égarée ni longtemps, ni tout entière. Et plût à Dieu qu’elle eût échappé saine et sauve aux calamités enfantées, pour le malheur de la religion et de l’Etat, en des temps voisins des nôtres ! Mais, dès que l’esprit humain, empoisonné par les opinions nouvelles, se prit a rejeter peu à peu l’autorité de l’Eglise, enivré d’une liberté sans frein, on le vit choir là où l’entraînait sa pente naturelle. A mesure, en effet, que le venin mortel des mauvaises doctrines pénétra dans les mœurs, la société en vint à un tel point d’hostilité, qu’elle sembla vouloir rompre entièrement avec les institutions chrétiennes. Les philosophes du dernier siècle contribuèrent grandement à déchaîner ce fléau sur la France, quand, infatués d’une fausse sagesse, ils entreprirent de renverser les fondements de la vérité chrétienne et inventèrent un système bien propre à développer encore l’amour déjà si ardent pour une liberté sans règle. Ce travail fut poursuivi par ces hommes, qu’une violente haine des choses divines retient enrôlés dans des sociétés criminelles et rend chaque jour plus ardemment désireux d’écraser le nom chrétien. Poursuivent-ils ce dessein en France avec plus d’acharnement qu’en d’autres contrées ? Nul ne peut mieux que Vous en juger, Vénérables Frères.
C’est pourquoi la charité paternelle dont Nous entourons toutes les nations, de même qu’elle Nous a poussé naguère à exhorter, par des lettres que Nous leur avons adressées, les évêques d’Irlande, d’Espagne et d’Italie, à rappeler leurs peuples à leur devoir ; ainsi à l’heure présente. Nous sommes déterminé, mû par le même sentiment, à dire à la France Notre pensée et à lui ouvrir Notre cœur.
En effet, les complots précités ne nuisent pas seulement à la religion, mais ils sont encore funestes et pernicieux à l’Etat. Il est impossible, en effet, que la prospérité règne dans une nation où la religion ne garde pas son influence. L’homme perd-il le respect de Dieu ? Aussitôt croule le plus ferme appui de la justice sans laquelle on ne peut bien gérer la chose publique, au jugement même des sages du paganisme. L’autorité des princes n’aura plus dès lors son prestige nécessaire ; les lois seront sans force suffisante. Chacun préférera l’utile à l’honnête, les droits perdront leurs forces, s’ils n’ont d’autre sauvegarde que la crainte des châtiments. Ceux qui commandent se laisseront emporter facilement à la tyrannie, et ceux qui obéissent à la révolte et à la sédition. D’ailleurs, comme il n’y a aucun bien dans les choses, qu’elles ne l’aient reçu de la bonté divine, toute société humaine qui prétend exclure Dieu de sa constitution et de son gouvernement refuse, autant qu’il est en elle, le secours des bienfaits divins, et se rend absolument indigne de la protection du ciel. Aussi, quelles que soient en apparence ses forces et ses richesses, elle porte dans ses entrailles un principe secret de mort et ne peut espérer une longue durée. C’est que, pour les individus, autant il est salutaire de servir les desseins de Dieu, autant il est dangereux de s’en écarter ; et d’ordinaire, on voit les Etats, à mesure qu’ils se montrent plus fidèles à Dieu et à l’Eglise, monter comme naturellement au sommet de la prospérité, et pencher vers la décadence quand ils s’éloignent de cette conduite. L’histoire Nous montre dans la suite des siècles ces alternatives et Nous pourrions en citer des exemples récents dans Votre pays lui-même, si Nous prenions le temps de rappeler ce qui s’est vu au siècle passé, alors que les foules, emportées par l’audace de la révolte, ébranlaient jusque dans ses fondements la France terrifiée, et enveloppaient les choses sacrées et profanes dans une même catastrophe.
Au contraire, il est facile d’éloigner ces causes de ruine en observant les préceptes de la religion catholique dans la constitution et dans le gouvernement, soit de la famille, soit de l’Etat ; car ils sont admirablement propres au maintien de l’ordre public et à la conservation des sociétés. » (Encyclique Nobilissima gallorum gens, 8 février 1884 – Sur la question religieuse en France)
« Quant à l’Église, que Dieu lui-même a établie, l’exclure de la vie publique, des lois, de l’éducation de la jeunesse, de la société domestique, c’est une grande et pernicieuse erreur. – Une société sans religion ne saurait être bien réglée ; et déjà, plus peut-être qu’il ne faudrait, l’on voit ce que vaut en soi et dans ses conséquences cette soi-disant morale civile. La vraie maîtresse de la vertu et la gardienne des mœurs est l’Église du Christ. C’est elle qui conserve en leur intégrité les principes d’où découlent les devoirs, et qui, suggérant les plus nobles motifs de bien vivre, ordonne non seulement de fuir les mauvaises actions, mais de dompter les mouvements de l’âme contraires à la raison, quand même ils ne se traduisent pas en acte. » (Encyclique Immortale Dei, 1er novembre 1885 – Sur la constitution chrétienne des États)
« 3 – Mais ce qui est vrai de l’homme, considéré individuellement, l’est aussi de la société, tant domestique que civile. En effet, si la nature elle-même a institué la société, ce n’a pas été pour qu’elle fût la fin dernière de l’homme, mais pour qu’il trouvât en elle et par elle des secours qui le rendissent capable d’atteindre à sa perfection. Si donc une société ne poursuit autre chose que les avantages extérieurs et les biens qui assurent à la vie plus d’agréments et de jouissances, si elle fait profession de ne donner à Dieu aucune place dans l’administration de la chose publique et de ne tenir aucun compte des lois morales, elle s’écarte d’une façon très coupable de sa fin et des prescriptions de la nature. C’est moins une société qu’un simulacre et une imitation mensongère d’une véritable société et communauté humaine.
4 – Quant à ces biens de l’âme dont Nous parlons, et qui n’existent pas en dehors de la vraie religion et de la pratique persévérante des préceptes du christianisme, nous les voyons chaque jour tenir moins de place parmi les hommes, soit à cause de l’oubli dans lequel ils les tiennent, soit par le mépris qu’ils en font. On pourrait presque dire que plus le bien-être physique est en progrès, plus s’accentue la décadence des biens de l’âme. Une preuve évidente de la diminution et du grand affaiblissement de la foi chrétienne, ce sont les injures trop souvent répétées qu’on fait à la religion en plein jour et aux yeux du public, injures, en vérité, qu’un âge plus jaloux des intérêts religieux n’eut tolérées à aucun prix.
5 – Quelle multitude d’hommes se trouve, pour ces causes, exposée à la perdition éternelle, il serait impossible de le décrire, mais les sociétés elles-mêmes et les empires ne pourront rester longtemps sans en être ébranlés, car la ruine des institutions et des mœurs chrétiennes entraîne nécessairement celle des premières bases de la société humaine. La force demeure l’unique garantie de l’ordre et de la tranquillité publique. Mais rien n’est faible comme la force quand elle ne s’appuie pas sur la religion. Plus propre, dans ce cas, à engendrer la servitude que l’obéissance, elle renferme en elle-même les germes de grandes perturbations.
Déjà le présent siècle a subi de graves et mémorables catastrophes, et il n’est pas démontré qu’il n’y ait pas lieu d’en redouter de semblables. – Le temps lui-même dans lequel nous vivons nous avertit donc de chercher les remèdes là où ils se trouvent, c’est-à-dire de rétablir, dans la vie privée et dans toutes les parties de l’organisme social, les principes et les pratiques du christianisme ; c’est l’unique moyen de nous délivrer des maux qui nous accablent et de prévenir les dangers dont nous sommes menacés. Voilà, vénérables frères, à quoi nous devons nous appliquer avec tout le soin et tout le zèle dont nous pouvons être capables. » (Encyclique Sapientiæ Christianæ, 10 janvier 1890 – Sur les principaux devoirs chrétiens, n°3 à 5)
« Déjà rien n’a été épargné par les adversaires qui ont agi avec une licence infinie ; ils se sont déchaînés en grand nombre et violemment contre les droits, la liberté, la dignité de l’Église, contre les évêques et tous les ordres du clergé, et surtout contre l’autorité et le principat du Pontife Romain. De tels attentats commis contre la religion catholique ont découlé et découlent sur les nations des maux graves et nombreux ; on a à déplorer que la perversité des opinions s’étende de plus en plus, que l’improbité et l’esprit de révolte pénètrent avec elle les esprits et qu’il en résulte pour les affaires publiques et pour les gouvernements des périls chaque jour plus grands. Il n’y avait pas une autre conséquence à prévoir ; car si l’on affaiblit, ou, pis encore, si l’on rejette ce très ferme appui de la société : la religion, qui peut seule, par ses justes commandements et ses salutaires défenses, retenir chacun dans son devoir, les fondements mêmes de la société sont continuellement ébranlés et entamés.
Nous n’avons omis aucune occasion de signaler publiquement, par d’importantes lettres, ces vérités et à ceux qui exercent le pouvoir, et à ceux qui leur sont soumis, rappelant aux uns combien étroitement sont liés les intérêts de la religion et ceux de la société, exhortant les autres à respecter comme il convient et à soigneusement pratiquer les divins enseignements de l’Église. » (Lettre apostolique In ipso supremi, 3 mars 1891 – Aux archevêques et évêques de l’empire d’Autriche sur la nécessité absolue de l’union et de l’action de l’épiscopat ; in : Lettres apostoliques de S.S. Léon XIII, encycliques, brefs, etc., A. Roger et F. Chernoviz, tome 3, pages 9-11)
Il enseigne par ailleurs que si des États ne reconnaissait pas officiellement la religion catholique comme unique vraie religion, tout en ayant, comme c’est le cas des États-Unis, une législation pas défavorable, ou même favorable de fait à la religion catholique, c’était « par une heureuse inconséquence » :
« Concernant le principe de la séparation de l’État et de l’Église, ce qui équivaut à séparer la législation humaine de la législation chrétienne et divine. Nous ne voulons pas nous arrêter à démontrer ici tout ce qu’a d’absurde la théorie de cette séparation ; chacun le comprendra de lui-même. […]
Cette situation, il est vrai, se produit dans certains pays. C’est une manière d’être qui, si elle a ses nombreux et graves inconvénients, offre aussi quelques avantages, surtout quand le législateur, par une heureuse inconséquence, ne laisse pas que de s’inspirer des principes chrétiens ; et ces avantages, bien qu’ils ne puissent justifier le faux principe de la séparation, ni autoriser à le défendre, rendent cependant digne de tolérance un état de choses qui, pratiquement, n’est pas le pire de tous. » (Encyclique Au milieu des sollicitudes, 16 février 1892 -Sur les rapports entre l’Église et l’État, la liberté des catholiques et la condamnation de la rébellion)
« Accomplir ces devoirs, n’est pas seulement obéir aux lois de la nature, c’est travailler aussi à l’avantage du genre humain. Qui pourrait, en effet, Vénérables Frères, ne pas sentir son âme saisie de crainte et de tristesse à voir la plupart des hommes, tandis qu’on exalte par ailleurs et à juste titre les progrès de la civilisation, se déchaîner avec un tel acharnement les uns contre les autres, qu’on dirait un combat de tous contre tous ? Sans doute, le désir de la paix est dans tous les cœurs, et il n’est personne qui ne l’appelle de tous ses vœux. Mais cette paix, insensé qui la cherche en dehors de Dieu ; car, chasser Dieu, c’est bannir la justice ; et, la justice écartée, toute espérance de paix devient une chimère. La paix est l’œuvre de la justice [16]. Il en est, et en grand nombre, Nous ne l’ignorons pas, qui, poussés par l’amour de la paix, c’est-à-dire de la tranquillité de l’ordre, s’associent et se groupent pour former ce qu’ils appellent le parti de l’ordre. Hélas ! vaines espérances, peines perdues ! De partis d’ordre capables de rétablir la tranquillité au milieu de la perturbation des choses, il n’y en a qu’un : le parti de Dieu. C’est donc celui-là qu’il nous faut promouvoir ; c’est à lui qu’il nous faut amener le plus d’adhérents possible, pour peu que nous ayons à cœur la sécurité publique. » (Encyclique E Supremi Apostolatus du 4 octobre 1903 – Sur la charge du Souverain Pontife)
« Les actes ayant pour principe la seule honnêteté naturelle ne sont pas autre chose que des apparences de la vertu ; ils ne sont ni durables en eux-mêmes ni suffisants pour procurer le salut. » (Encyclique Editæ Sæpe, 26 mars 1910 Sur saint Charles Borromée)
Benoît XV affirma que « les préceptes et les règles de la sagesse chrétienne, condition indispensable de la stabilité et de la tranquillité publiques, ont cessé de présider au gouvernement des États » et que cela était la cause des maux et des guerres. Ainsi, ce Pape enseigne que les États doivent se mettre au diapason de la foi catholique :
« Mais ce n’est pas seulement la guerre actuelle avec ses horreurs, qui est la cause du malheur des peuples, et qui provoque Nos anxiétés et Nos alarmes. Il y a un autre mal, inhérent aux entrailles mêmes de la société humaine, un mal funeste, qui épouvante toutes les personnes sensées, car, en outre des ravages qu’il a déjà produits et qu’il produira encore dans les différents Etats, on peut le considérer à bon droit comme la véritable cause de la terrible guerre présente. En effet, depuis que les préceptes et les règles de la sagesse chrétienne, condition indispensable de la stabilité et de la tranquillité publiques, ont cessé de présider au gouvernement des Etats, ceux-ci ont commencé, par une conséquence nécessaire, à chanceler sur leurs bases, et il s’en est suivi dans les idées et dans les mœurs une telle perturbation, que la société humaine court à sa ruine, si Dieu ne se hâte de lui venir en aide. […] Mais cette doctrine de la Foi, doctrine si importante, est négligée par le plus grand nombre, et beaucoup semblent même l’avoir complètement oubliée. Il est donc nécessaire, vénérables Frères, de la faire revivre dans l’esprit de tous : sans cela l’homme et la société humaine n’auront point de paix. » (Encyclique Ad Beatissimi Apostolorum Principis, 1er novembre 1914 – Sur les horreurs de la guerre et les exigences de la charité chrétienne)
Et le Pape Pie XI enseigne qu’il est impossible d’établir la paix sans reconnaître le règne de Jésus-Christ, et donc la vérité de sa seule vraie Eglise, l’Eglise catholique :
« Dans la première Encyclique qu’au début de Notre Pontificat Nous adressions aux évêques du monde entier, Nous recherchions la cause intime des calamités contre lesquelles, sous Nos yeux, se débat, accablé, le genre humain.
Or, il Nous en souvient, Nous proclamions ouvertement deux choses: l’une, que ce débordement de maux sur l’univers provenait de ce que la plupart des hommes avaient écarté Jésus-Christ et sa loi très sainte des habitudes de leur vie individuelle aussi bien que de leur vie familiale et de leur vie publique; l’autre, que jamais ne pourrait luire une ferme espérance de paix durable entre les peuples tant que les individus et les nations refuseraient de reconnaître et de proclamer la souveraineté de Notre Sauveur. C’est pourquoi, après avoir affirmé qu’il fallait chercher la paix du Christ par le règne du Christ, Nous avons déclaré Notre intention d’y travailler dans toute la mesure de Nos forces ; par le règne du Christ, disions-Nous, car, pour ramener et consolider la paix, Nous ne voyions pas de moyen plus efficace que de restaurer la souveraineté de Notre Seigneur. » (Encyclique Quas Primas du 11 décembre 1925 – De l’institution d’une fête du Christ-Roi, n°1)
La première encyclique dont il parle est l’encyclique Ubi arcano du 23 décembre 1922 – De la paix du Christ dans le règne du Christ (AAS, XIV (1922) 673-700, CH pp. 602-629). Cette encyclique s’attarde longuement sur l’impossibilité d’établir la paix et la prospérité en dehors du Christ et de son Eglise. Elle mérite d’être lue dans son intégralité et peut l’être ici : http://laportelatine.org/bibliotheque/encycliques/PieXI/Ubi_Arcano_Dei_Consilio.php
Par ailleurs, Pie XI met en garde contre les désordres sociaux et moraux inhérents à toutes les fausses religions. Les fausses religions hérétiques d’abord :
« Personne n’ignore, Vénérables Frères, en quelle difficile et cruelle époque vécut saint François. La foi chrétienne, il est vrai, poussait alors de profondes racines dans le cœur des peuples ; on le voit non seulement à ces armées de soldats, mais à ces multitudes de citoyens de toute condition qui d’un saint élan coururent vers la Palestine pour libérer le tombeau du Christ. Et cependant le reptile de l’hérésie se glissait peu à peu dans le champ du Seigneur ; tantôt des hommes connus, tantôt des agents occultes s’entendaient à la propager ; faisant parade d’austérité, se couvrant des apparences de la vertu et d’une vie réglée, ils égaraient facilement les simples et les faibles ; ainsi couvaient dans les foules les feux de la haine et de la révolte. Imputant à l’Église de Dieu les souillures privées de quelques hommes, d’orgueilleux réformateurs se crurent chargés par Dieu de purifier l’Eglise ; mais rejetant bientôt les enseignements et l’autorité du Siège Apostolique, ils montrèrent clairement leurs desseins ; la plupart d’entre eux, on le sait, ne tardèrent pas à tomber dans la débauche et la luxure. » (Encyclique Rite expiatis, 30 avril 1926, à l’occasion du septième centenaire de la mort de Saint François d’Assise)
Pie XI précise même au sujet du protestantisme :
« Et voici que se présente fort à propos le troisième centenaire de la naissance au ciel d’un saint éminent, célèbre non seulement pour avoir excellé dans la pratique de toutes les vertus, mais encore pour avoir formulé les principes et la méthode de docteur de l’Église : lui aussi, comme ces modèles éclatants de perfections et de sagesse chrétienne que Nous rappelions tout à l’heure, il semble que Dieu ait voulu l’opposer à l’hérésie des réformés, ce point de départ du mouvement qui a séparé la société d’avec l’Église, et dont, encore de nos jours, tout homme de bien déplore à juste titres les tristes et funestes conséquences. » (Encyclique Rerum omnium perturbationem, 26 janvier 1923, À l’occasion du troisième centenaire de la mort de saint François de Sales)
Il dit la même chose des fausses religions païennes et des catastrophes morales véhiculées par le culte des faux dieux :
« Et pour insister encore sur ce point, disons qu’Augustin marque d’un signe de honte ou plutôt d’un stigmate de feu le paganisme des Grecs et des Romains, dont la religion semble faire languir de regret, même de nos jours, quelques auteurs légers et dissolus qui lui trouvaient une beauté, une convenance et une douceur supérieures. Mais lui, qui connaissait si bien la misérable vie que menaient ses contemporains oublieux de Dieu, rappelle, parfois en phrases mordantes et d’autres fois en termes indignés, tout ce qui s’était infiltré de violence, de méchanceté, de cruauté, de luxure, dans les mœurs des hommes par faction des démons et grâce au culte des faux dieux. Personne ne pourrait se flatter de trouver son salut dans ce faux idéal de perfection que poursuit la cité terrestre : car il n’y a personne qui réussisse à le réaliser en lui-même, ou s’il y réussissait par hasard, il ne goûterait qu’une gloire vaine et éphémère. » (Encyclique Ad Salutem Humani, 20 avril 1930, à l’occasion du 1 500e anniversaire de la mort de saint Augustin)
Pie XII :
« Le temps actuel, Vénérables Frères, ajoutant aux déviations doctrinales du passé de nouvelles erreurs les a poussées à des extrémités d’où ne pouvaient s’ensuivre qu’égarement et ruine. Et avant tout il est certain que la racine profonde et dernière des maux que Nous déplorons dans la société moderne est négation et le rejet d’une règle de moralité universelle, soit dans la vie individuelle, soit dans la vie sociale et dans les relations internationales : c’est-à-dire la méconnaissance et l’oubli, si répandus de nos jours, de la loi naturelle elle-même, laquelle trouve son fondement en Dieu, créateur tout-puissant et père de tous, suprême et absolu législateur, omniscient et juste vengeur des actions humaines. Quand Dieu est renié, toute base de moralité s’en trouve ébranlée du même coup, et l’on voit s’étouffer ou du moins s’affaiblir singulièrement la voix de la nature, qui enseigne même aux ignorants et aux tribus non encore arrivées à la civilisation ce qui est bien et ce qui est mal, le licite et l’illicite, et fait sentir à chacun la responsabilité de ses actions devant un juge suprême.
Or la négation de la base fondamentale de la moralité eut en Europe sa racine originelle dans l’abandon de la doctrine du Christ, dont la Chaire de Pierre est dépositaire et maîtresse. Cette doctrine, durant un temps, avait donné une cohésion spirituelle à l’Europe, laquelle, éduquée, ennoblie et civilisée par la Croix, était arrivée à un tel degré de progrès civil, qu’elle pouvait enseigner d’autres peuples et d’autres continents. Une fois détachés, en revanche, du Magistère infaillible de l’Eglise, de nombreux frères séparés en sont arrivés à renverser le dogme central du christianisme, la divinité du Sauveur, accélérant ainsi le mouvement de dissolution spirituelle.
Le saint Evangile raconte que, quand Jésus fut crucifié, les ténèbres se firent sur toute la terre (Matth., XXVII, 45) : effrayant symbole de ce qui est arrivé et arrive encore dans les esprits, partout où l’incrédulité aveugle et orgueilleuse d’elle-même a de fait exclu le Christ de la vie moderne, spécialement de la vie publique, et avec la foi au Christ a ébranlé aussi la foi en Dieu. Les valeurs morales selon lesquelles, en d’autres temps, on jugeait les actions privées et publiques sont tombées, par voie de conséquence, comme en désuétude ; et la laïcisation si vantée de la société, qui a fait des progrès toujours plus rapides, soustrayant l’homme, la famille et l’Etat à l’influence bienfaisante et régénératrice de l’idée de Dieu et de l’enseignement de l’Eglise, a fait réapparaître, même dans des régions où brillèrent pendant tant de siècles les splendeurs de la civilisation chrétienne, les signes toujours plus clairs, toujours plus distincts, toujours plus angoissants d’un paganisme corrompu et corrupteur : les ténèbres se firent tandis qu’ils crucifiaient Jésus [1].
Beaucoup peut-être, en s’éloignant de la doctrine du Christ, n’eurent pas pleinement conscience d’être induits en erreur par le mirage de phrases brillantes, qui célébraient ce détachement comme une libération du servage dans lequel ils auraient été auparavant retenus ; ils ne prévoyaient pas davantage les amères conséquences de ce triste échange entre la vérité qui délivre et l’erreur qui asservit ; et ils ne pensaient pas qu’en renonçant à la loi infiniment sage et paternelle de Dieu et à l’unifiante et élevante doctrine d’amour du Christ, ils se livraient à l’arbitraire d’une pauvre et changeante sagesse humaine : ils parlèrent de progrès alors qu’ils reculaient ; d’élévation alors qu’ils se dégradaient ; d’ascension vers la maturité, alors qu’ils tombaient dans l’esclavage ; ils ne percevaient pas l’inanité de tout effort humain tendant à remplacer la loi du Christ par quelque autre chose qui l’égale : ils se perdirent dans la vanité de leurs pensées. (Rom., I, 21.).
Quand fut affaiblie la foi en Dieu et en Jésus-Christ, quand fut obscurcie dans les âmes la lumière des principes moraux, du même coup se trouva sapé le fondement unique, et impossible à remplacer, de cette stabilité, de cette tranquillité, de cet ordre extérieur et intérieur, privé et public, qui seul peut engendrer et sauvegarder la prospérité des Etats.
Certes, même quand l’Europe fraternisait dans des idéals identiques reçus de la prédication chrétienne, il ne manqua pas de dissensions, de bouleversements et de guerres qui la désolèrent ; mais jamais peut-être on n’éprouva à un degré aussi aigu le découragement propre à nos jours sur la possibilité d’y mettre fin : c’est qu’elle était vive alors, cette conscience du juste et de l’injuste, du licite et de l’illicite, qui facilite les ententes en mettant un frein au déchaînement des passions et qui laisse la porte ouverte à une honnête composition. De nos jours, au contraire, les dissensions ne proviennent pas seulement d’élans de passions rebelles, mais d’une profonde crise spirituelle qui a bouleversé les sages principes de la morale privée et publique. » (Encyclique Summi Pontificatus, 20 octobre 1939 – Sur consécration universelle au Christ-Roi)
« La paix n’est véritable que si elle a le Christ pour fondement :
Que tous enfin, éclairés par la lumière d’En-Haut, que leur obtiendront nos communes prières, se persuadent que Notre Divin Rédempteur est seul capable d’apaiser heureusement les nombreuses et redoutables causes de discorde qui existent dans le monde. Le Christ Jésus s’est appelé « la Voie, la Vérité et la Vie [4] ». Lui seul peut donner la clarté céleste à des esprits plongés dans les ténèbres, inculquer la force d’En-Haut à des volontés sujettes au doute et à la paresse. « Sans connaître le chemin, on ne peut aller de l’avant ; sans vérité, on ne peut développer son savoir ; sans la vie, on ne peut vivre », a dit le livre de l’Imitation [5]. Seul notre Sauveur peut régler avec justice les choses de la terre, les imprégner de charité et conduire à l’éternelle béatitude l’humanité, après en avoir intimement uni les membres, dès cette terre, par les liens d’un fraternel amour.
La paix n’est véritable que si elle a le Christ pour fondement :
C’est donc au Sauveur qu’iront nos prières animées par la foi, l’amour et l’espérance. » (Encyclique Anni sacri, 12 mars 1950 – Sur un programme pour combattre la propagande athée)
« I – La religion chrétienne, sans laquelle il ne peut y avoir de paix, est oubliée et persécutée.
Si nous examinons attentivement les causes de tant de dangers, présents et futurs, nous verrons facilement que les décisions, les forces et les institutions humaines sont inévitablement vouées à l’échec tant que sera négligée, privée de l’honneur qui lui revient ou même supprimée, l’autorité de Dieu, qui est lumière des esprits par ses commandements, et ses défenses, principe et garantie de la justice, source de la vérité et fondement des lois. Tout édifice qui ne repose pas sur une base solide et sûre, s’écroule ; toute intelligence qui n’est pas éclairée par la lumière de Dieu, s’éloigne plus ou moins de la plénitude de la vérité ; quand la charité fraternelle n’anime pas citoyens, peuples et nations, les discordes naissent et se développent.
Or, seule la religion chrétienne enseigne, pour éliminer les haines, les animosités et les luttes, la vérité pleine, la justice authentique et la charité. Elle seule les a reçues en dépôt du divin Rédempteur, voie, vérité et vie (Jn 14,6), et elle en inculque avec force l’observance. Il est clair alors que ceux qui veulent délibérément ignorer la religion chrétienne et l’Eglise catholique, ou qui s’efforcent de l’entraver, de la méconnaître ou de se l’assujettir, affaiblissent par le fait même les fondements de la société, ou lui en substituent d’autres absolument inaptes à soutenir l’édifice de la dignité, de la liberté et du bien-être humain.
- a) La loi chrétienne et la religion catholique sont souvent privées de la place qui leur revient.
Il est donc nécessaire de revenir à la loi chrétienne, si l’on veut former une société solide, juste et équitable. Il est nuisible, il est imprudent d’entrer en conflit avec la religion chrétienne, dont la pérennité est garantie par Dieu et attestée par l’histoire. Qu’on y songe bien : sans la religion, il ne saurait y avoir de moralité et d’ordre public dans un Etat. Car la religion forme les esprits à la justice, à la charité, à l’obéissance des justes lois ; elle proscrit le vice ; elle porte les citoyens à la vertu et règle leur conduite publique et privée ; elle enseigne enfin que la meilleure distribution de la richesse ne s’obtient pas par la violence ni la révolution, mais par de justes lois, grâce auxquelles le prolétariat, qui serait encore dépourvu des ressources nécessaires et convenables, puisse être élevé à une condition plus digne, dans une heureuse solution des conflits sociaux. La religion fournit ainsi à l’ordre et à la justice une contribution plus efficace que si elle avait été instituée uniquement pour procurer et accroître le bien-être de cette vie.
Considérant donc la situation présente avec la disposition d’esprit qui Nous élève au-dessus des passions humaines et Nous porte à aimer d’un amour paternel les peuples de toutes les races, Nous Nous trouvons en face de deux causes de grande inquiétude. D’un côté, Nous voyons en de nombreux pays la loi chrétienne et la religion catholique privées de la place qui leur revient. Des foules, surtout dans les milieux moins instruits, sont facilement attirées par des erreurs largement répandues et revêtues souvent de l’apparence de la vérité : au moyen de publications de tout genre, de spectacles de cinéma et de télévision, les appâts du vice exercent une influence néfaste sur les esprits, corrompent spécialement l’imprudente jeunesse.
Beaucoup écrivent et répandent leurs œuvres non pour le service de la vérité et de la vertu, ni pour le sain délassement de leurs lecteurs, mais, dans un but de lucre, afin d’exciter les passions troubles, ou blesser et salir par le mensonge, la calomnie et l’offense, tout ce qui est sacré, noble et beau. Trop souvent – il est douloureux de le dire – la vérité est dénaturée : et on fait de la publicité à des réalités trompeuses et à des turpitudes. Chacun voit combien un tel état de choses cause de mal à la société elle-même et combien il en découle de dommages pour l’Eglise. » (Encyclique Meminisse Iuvat, 14 juillet 1958 – Sur les prières pour l’Église persécutée).
Louis FLETENCHARD
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