
En Ukraine, Zelensky et le parlement ont approuvé une loi qui met fin à l’indépendance des instances anti-corruption. Des milliers de personnes manifestent à Kiev contre cette loi signée par le président qui gèle les pouvoirs de l’autorité ad hoc.
Zelensky a signé un projet de loi révoquant l’autonomie de deux agences de lutte contre la corruption
Dans un pays aussi corrompu que l’Ukraine, une telle loi n’est pas étonnante. Zelensky a signé hier, 22 juillet 2025, un projet de loi révoquant l’autonomie de deux agences de lutte contre la corruption, une mesure qui, selon les critiques, permettra au gouvernement de s’immiscer dans des affaires de corruption très médiatisées. Ce projet de loi affaiblit les organismes ukrainiens de lutte contre la corruption. Son adoption a déclenché une série de manifestations antigouvernementales. Selon le Guardian, cette mesure a placé le président en conflit avec des militants de la société civile et certains anciens combattants ukrainiens, et risque de créer des difficultés avec les pays européens.
La loi adoptée par le Parlement ukrainien place le Bureau national de lutte contre la corruption (NABU) et le Bureau du procureur spécialisé dans la lutte contre la corruption (SAPO) sous l’autorité directe du procureur général, nommé directement par le président, ce qui permet au gouvernement de contrôler plus facilement les affaires poursuivies. Ses détracteurs affirment que cette loi autorise l’ingérence politique et constitue un sérieux recul dans la lutte contre la corruption.
Cette loi autorise l’ingérence politique et constitue un sérieux recul dans la lutte contre la corruption
Zelensky s’est défendu en arguant d’une ingérence russe, l’excuse facile pour faire taire toute critique : Ceux sont des « règles contre l’ingérence russe ». Les organismes de lutte contre la corruption, a déclaré Zelensky lors de son discours vidéo habituel du soir, continueront de fonctionner et la nouvelle loi éliminerait « l’influence russe » de la lutte contre la corruption, mettant fin à des années de retard dans les procédures impliquant d’importantes sommes d’argent. « C’est ce dont l’Ukraine a vraiment besoin », a écrit Zelensky dans un message Telegram publié dans la nuit. « Les affaires en cours doivent faire l’objet d’une enquête. »
Son argumentaire n’a pas convaincu les Ukrainiens : environ 1 500 manifestants se sont rassemblés près du complexe de l’administration présidentielle dans la capitale ukrainienne. Ils scandaient des slogans et brandissaient des banderoles s’opposant au projet de loi, organisant ainsi les premières manifestations d’envergure en Ukraine depuis le début de l’invasion russe. Des manifestations ont eu lieu dans d’autres grandes villes, notamment Dnipro, Lviv et Odessa. À Kiev, le maire Vitali Klitschko et son frère Vladimir étaient également présents à la manifestation.
Les plus grandes manifestations depuis l’invasion russe
Le journaliste Illia Ponomarenko, critiquant la mesure, a réaffirmé que la société civile combattait « le côté obscur de son propre État », en plus de la guerre contre la Russie. Il a dénoncé « la corruption, les abus de pouvoir, les mensonges, le manque de transparence, le népotisme, l’impunité, les atteintes à la démocratie et à la liberté d’expression – tout ce qui continue de nous entraîner vers l’abîme, vers l’écurie coloniale criminelle de la Russie ».
La nouvelle loi a été largement critiquée, y compris par les responsables des agences anticorruption elles-mêmes : la NABU et la SAPO ont réitéré leurs critiques, appelant à « une action législative sans équivoque pour rétablir les garanties révoquées par le Parlement ». Depuis sa création, l’agence a révélé une corruption généralisée, notamment au détriment de membres de l’administration Zelensky. Lundi, les forces de l’ordre ont mené des perquisitions de grande envergure au NABU, arrêtant un employé soupçonné d’espionnage pour le compte de la Russie. Le bureau ukrainien de Transparency International a qualifié ces perquisitions de « tentative des autorités de porter atteinte à l’indépendance des institutions anticorruption ukrainiennes ».
La décision du président ukrainien pourrait constituer un revers pour les espoirs du pays d’adhérer un jour à l’UE : le processus d’adhésion dépend aussi largement des progrès réalisés dans la lutte contre la corruption. La commissaire européenne à l’Élargissement, Marta Kos, a critiqué l’adoption de la loi : « Le démantèlement des garanties essentielles qui protègent l’indépendance du NABU constitue un sérieux pas en arrière », a-t-elle écrit sur les réseaux sociaux, soulignant que les deux organismes sont « essentiels » pour le cheminement de l’Ukraine vers l’UE.
Quand pense la Rédaction de @TF1 qui s’entait moqué de moi quand j’annonçais cela relayant des témoignages d’ukrainiens vivant à Kiev ! https://t.co/coZ1hjWjGb
— Yves Pozzo di Borgo (@YvesPDB) July 23, 2025
Risques pour le processus d’adhésion à l’UE
« Nous ne souhaitons pas voir un recul des progrès durement acquis en Ukraine, construits au fil des ans. Et nous craignons qu’à première vue, ces deux institutions – le Bureau national anticorruption d’Ukraine et le Parquet spécialisé anticorruption – soient subordonnées au Procureur général suite à ces amendements. Le risque est que les compétences et les pouvoirs des institutions ukrainiennes de lutte contre la corruption soient encore affaiblis », a déclaré de son côté Michael McGrath, commissaire européen à la démocratie, à la justice, à l’État de droit et à la protection des consommateurs, lors d’une conférence de presse à Copenhague à l’issue du Conseil informel sur la justice.
La présidente von der Leyen a exprimé auprès de Zelensky « sa profonde inquiétude quant aux implications des amendements » et a demandé « des explications au gouvernement ukrainien concernant le respect de l’État de droit et la lutte contre la corruption, qui sont des principes fondamentaux de l’UE » a souligné l’Agence de presse Ansa. « En tant que pays candidat », a déclaré von der Leyen, « l’Ukraine est tenue de se conformer pleinement à ces normes. Aucun compromis ne peut être accepté sur ce point. »
Même le journaliste fanatique pro-Ukraine de BFMTV Cyrille Amoursky a critiqué cette loi sur son compte X :
« Malgré la très forte critique, la mise en garde par l’UE, Zelensky a SIGNÉ la proposition de loi 12414 qui retire de fait le pouvoir des institutions indépendantes de lutte contre la corruption. C’est une catastrophe et une honte. L’UE doit réagir en urgence ».
OFFICIEL : Malgré la très forte critique, la mise en garde par l’UE, Zelensky a SIGNÉ la proposition de loi 12414 qui retire de fait le pouvoir des institutions indépendantes de lutte contre la corruption.
C’est une catastrophe et une honte. L’UE doit réagir en urgence !!! 😡🇺🇦 pic.twitter.com/qKkL9tqblA
— Cyrille Amoursky (@AmourskyCyrille) July 22, 2025
Un « sérieux recul » lit-on encore sur BFMTV… qui découvre la corruption de Zelensky & Co que les ‘complotistes’, encore eux, dénoncent depuis des années…
Francesca de Villasmundo
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