
L’excellent blog de nos amis italien de Radio Spada a récemment publié un article sur le nouveau pape Léon XIV et les expectatives des catholiques. Nous le reproduisons ci-dessous dans son intégralité, faisant nôtre l’analyse sur le faux dilemme qui est présenté aux fidèles « confiants et désenchantés ».
Deux courants divergents se sont clairement manifestés après l’élection et les premiers actes du nouveau pape Léon XIV : confiants et désenchantés
Parmi les catholiques qui partagent largement une évaluation négative du pontificat bergoglien et de la situation actuelle de l’Église, deux courants divergents se sont clairement manifestés après l’élection et les premiers actes du nouveau pape Léon XIV, que l’on pourrait définir comme confiants et désenchantés.
Loin de l’enthousiasme onirique des premiers jours, il faut dire que beaucoup des confiants ont maintenant pris conscience que le profil de Robert Francis Prevost est celui d’une adhésion illimitée au Concile Vatican II et à une relative « figure de l’Église cachée dans la précédente » (Jean-Paul II), au dialogue interreligieux inauguré par Nostra Aetate et qui culmine dans le Document d’Abu Dhabi, aux idéologies séculières de l’environnementalisme et de l’immigrationnisme, outre à devoir constater quelques nominations épiscopales et curiales scandaleuses par le nouveau pontife.
Néanmoins, les confiants continuent à mettre l’accent sur un certain décorum retrouvé de la figure papale et à cultiver l’espérance qu’à l’avenir Léon peut réaliser « quelque chose de bien », surtout au nom de ce qu’on appelle la pacification interne de l’Église, comme l’octroi d’une plus grande liberté à la Messe traditionnelle, la réaffirmation de certaines vérités morales fondamentales, la reconfiguration du processus synodal afin d’en limiter les conséquences les plus extrêmes. À un niveau inférieur, les confiants espèrent que le pape Prevost pourra se montrer décisif et capable au niveau de la gestion et de l’administration, par exemple en diminuant le degré d’arbitraire dans les procès canoniques, en se consacrant à la réorganisation des finances du Vatican, etc.
Toute véritable conversion doit commencer par les sources de la pensée
Des espoirs et des souhaits de moyenne et petite envergure, de sorte que même les désenchantés peuvent cordialement les faire leurs. Ceux-ci, cependant, continuent à réitérer leur point fondamental, que l’on peut énoncer comme suit avec les mots de John Henry Newman (Apologia pro vita sua, chap. V) : toute véritable conversion doit commencer par les sources de la pensée.
Lorsque les sources de la pensée restent contaminées par de faux principes, la volonté et l’action elles-mêmes sont habituellement intoxiquées, c’est-à-dire qu’elles sont toxiques et mauvaises ou du moins obscurcies et contradictoires. Toute conversion apparente ne sera pas vraie, mais velléitaire, épisodique et stérile. Cela est vrai pour le Vicaire du Christ comme pour tout autre homme qui veut suivre Notre-Seigneur : « convertissez-vous », metanoèite, signifie d’abord « changer de pensée ». Si les sources de la pensée du nouveau Pape sont polluées (et cela, à moins que nous ne croyions que Léon XIV censure et falsifie ses véritables convictions dans chaque discours, est un fait), il continuera avec ses actes et ses nominations à irriguer le poison de l’erreur, de l’ambiguïté et de la division dans la sphère de l’Église, d’une manière qui n’est pas habituellement ou substantiellement différente de ce que ses prédécesseurs immédiats ont fait.
Beaucoup des confiants réagissent à de telles considérations en accusant les désenchantés de manque d’espérance, de dureté excessive, de fermeture préconçue du cœur. Souvent, à ce stade du débat, les confiants ont recours à un argument rhétorique souvent utilisé en ces premières semaines de Léon XIV, dans des conversations privées mais aussi dans des articles et des commentaires publiés la tête froide. Voici un exemple volontairement caricaturé : « Qu’attendez-vous, que le Pape commence demain à brûler les documents du Concile Vatican II sur la place Saint-Pierre, qu’il dépose 90 % de l’épiscopat mondial et qu’il annule la liturgie de Paul VI du jour au lendemain ? »
Le sophisme classique du faux dilemme
Nous sommes confrontés au sophisme classique du faux dilemme (ou fausse dichotomie) : « un argument trompeur, qui consiste à tenter d’imposer, avec une schématisation excessive, un choix qui en réalité n’est pas inévitable ».
Non, aucun des désenchantés ne prétend ou n’imagine même que Léon XIV peut résoudre les problèmes de l’Église par décret-loi, ni qu’il les affrontera tous immédiatement ou même qu’il les reconnaîtra immédiatement comme tels. Les premiers enseignements du nouveau pontife sont là pour témoigner de la conscience pacifiée d’un élève docile de la période postconciliaire (au moins en cela, Prevost apparaît effectivement différent de Montini, Wojtyla, Ratzinger et Bergoglio, chacun d’entre eux ayant revendiqué à sa manière le caractère révolutionnaire du concile Vatican II et ce que cet événement a provoqué dans l’Église). Les sources de la pensée du pape Léon XIV sont à l’heure actuelle, peut-être sans faute formelle de sa part, trop troubles et infectées pour rêver d’un renversement de cap décisif, rapide et radical. Il est aussi évident qu’un hypothétique Pape tout entier catholique se trouverait aujourd’hui presque paralysé dans son action, sous peine de la révolte des épiscopats et de la désintégration de l’Église.
En même temps, cependant, nous ne devons pas accepter qu’on nous présente un « faux dilemme », au contraire nous devons apprendre à reconnaître cette logique trompeuse afin de pouvoir la réfuter. Lorsqu’un publiciste confiant écrit, dans un article plein d’enthousiasme pour le pape Prévost, que « ceux qui persistent à nier que quelque chose a changé ne disent tout simplement pas la vérité », il introduit de manière camouflée l’erreur du faux dilemme. Notre confiant pose subrepticement deux affirmations comme une alternative binaire : « rien n’a changé » et « il est évident que les choses changent pour le mieux sur les questions de fond ». Mais comme personne ne prétend que rien n’a changé, et qu’un bon nombre d’évaluations intermédiaires s’intercalent entre ces deux énoncés, l’argument se résout en un pur et simple stratagème de rhétoricien.
« Alors vous préfériez Bergoglio ? », « Mais vous semble-t-il vraisemblable que Prevost soit une mauvaise personne ? », « Comment pouvez-vous nier que Leon ait dit et fait ceci et cela de positif ? ». Autant d’exemples de faux dilemmes et de dichotomies que dans les mois à venir, si ce n’est dans les prochaines années, nous devrons reconnaître et démasquer pour ce qu’ils sont, c’est-à-dire un faux raisonnement, un chantage moral capable seulement d’anesthésier la comparaison, mais dépourvu de validité logique et de force argumentative.
Confiants ou désenchantés, prions pour une authentique conversion intellectuelle du Pape Léon XIV
Seul le temps nous dira si ce Pape continuera dans la direction qu’il a prise, qui semble être celle de colmater les défauts institutionnels les plus graves tout en confirmant pleinement la ligne théologique et pastorale catastrophique de ses prédécesseurs conciliaires. Confiants ou désenchantés, prions pour une authentique conversion intellectuelle du Pape Léon XIV. Non pas tellement, en réalité, pour qu’il obtienne des succès partiels, même s’ils sont souhaitables, pour qu’il « déclenche des processus » ou pour qu’il fasse des concessions plus larges sur les bien pauvres objectifs qui nous sont chers : car tout objectif, une fois détaché de la profession de Foi intégrale, est un objectif très médiocre. Prions plutôt pour que les sources de sa pensée, et de la pensée de l’Église enseignante et enseignée qui émane de lui comme d’une regula fidei vivante, redeviennent aussi claires que possible et exemptes d’erreur. Le travail de remise en état que seulement alors le pape Léon pourra réellement mettre en place sera certainement achevé par d’autres, mais un tel travail aura l’espoir de réussir parce qu’il aura commencé à partir des sources, et non des canaux stagnants et complexes du delta.
Dans cette perspective surnaturelle, comme le lecteur l’a certainement deviné, même l’alternative entre les confiants et les désenchantés se révèle être un faux dilemme à surmonter. Autant la réalité suggère le désenchantement, autant la foi en la Providence qui assiste l’Église – et aucune raison inférieure à celle-ci – nous invite à la confiance.
Traduction de Francesca de Villasmundo
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