Pignus futurae gloriae – Gage de gloire future
Se nascens dedit socium, Convescens in edulium, Se moriens in pretium, Se regnans dat in præmium.
En naissant, Il est devenu comme nous, dans le banquet, Il s’est fait nourriture, dans la mort, prix de la rédemption, en régnant, notre prix. [Hymne. Verbum supernum prodiens ad Mat.]
L’office de la Fête-Dieu fut composé par saint Thomas d’Aquin.
Une pieuse tradition veut que le Doctor Angelicus ait transcrit les textes en posant son oreille contre la porte du tabernacle, comme sous la dictée du Seigneur Eucharistique. Toute la liturgie de ce jour est une hymne au Saint-Sacrement, indissolublement lié au Sacrifice de la Messe et au Sacerdoce.
Dans l’antienne O sacrum convivium, Thomas d’Aquin définit le Saint-Sacrement – et implicitement avec lui, justement, la Sainte Messe dans laquelle il est consacré – Pignus futuræ gloriæ, gage de gloire future.
En quoi le Très Auguste Sacrement de l’Autel est-il un gage ou une promesse contraignante de la gloire éternelle du Ciel ?
Tout d’abord, en rendant vraiment présents, sous les espèces eucharistiques, le Corps, le Sang, l’Âme et la Divinité de Notre Seigneur Jésus-Christ. L’Ascension du Sauveur ne nous a pas privés de Sa présence sur la terre : Non derelinquam vos orphanos (Jn 14, 18), a-t-Il dit aux Apôtres. Et la promesse est réitérée à Pierre et aux Apôtres avec le Non prævalebunt : Ecce ego vobiscum sum omnibus diebus usque ad consummationem sæculi (Mt 18, 20). Et où pouvons-nous trouver le Seigneur tous les jours, si ce n’est dans le tabernacle de nos églises ? C’est là que le divin Prisonnier a voulu être : exposé à l’adoration des fidèles, mais aussi à l’oubli de Ses Ministres ou même à la profanation des méchants. Souvent inaccessible, caché dans un coin isolé, comme si les serviteurs avaient honte de leur Maître devant le touriste ou l’incrédule qui considère la Maison de Dieu comme un musée, un lieu où l’on peut photographier distraitement les splendeurs de l’art sacré sans comprendre pour Qui elles sont faites et ce qui a poussé les âmes vers ces sommets de beauté.
Mais s’il y a beaucoup d’églises abandonnées dans lesquelles le Seigneur Eucharistique ne reçoit pas les honneurs qu’Il mérite, il y a aussi beaucoup d’églises où tant de bonnes âmes adorent le Saint-Sacrement, Le visitent et Lui ouvrent leur cœur pour leurs propres intérêts et ceux des autres. Il y a aussi des prêtres – parmi beaucoup qui passent plus de temps sur internet qu’à prier – qui restent devant le tabernacle à réciter le Bréviaire ou le Chapelet, ou à confier au Seigneur les âmes de leur troupeau. Si nous devions rester et observer en marge ces oasis bénies de foi et de charité, nous serions surpris de voir agenouillés tant de jeunes, tant d’hommes et de personnes qui, à cause de leur apparence, ne seraient même pas considérés comme Chrétiens, mais qui, par un mystère insondable de la Grâce, sont proches du Seigneur, n’ont pas honte de venir Le prier, même juste pour ‘Lui tenir compagnie’, comme n’importe qui le ferait avec un ami.
La crise que nous traversons n’est pas la première à laquelle la Sainte Église est confrontée.
Déjà dans le passé, Satan a essayé de frapper le Saint-Sacrement, la Messe et le Sacerdoce. Pensez aux milliers de martyrs tués pour leur Foi dans le Saint Sacrifice ou la Présence Réelle, l’hérésie protestante, les soi-disant « réformes » de Luther et autres hérésiarques, toujours centrées sur la Messe, pour en faire une agape fraternelle, un repas et non le Sacrifice de Notre-Seigneur. Ne nous étonnons donc pas si le Malin propose un schéma qui a déjà fait ses preuves dans le passé : l’attaque sera toujours contre la Messe, contre la Présence Réelle, contre le Sacerdoce Catholique. Parce que la Messe et l’Eucharistie sont un καθῆκον à l’avènement de l’Antéchrist. La dernière persécution par l’Antéchrist, en effet, aura lieu lorsque – selon la prophétie de Daniel – le sacrifice perpétuel sera aboli et que l’abomination de la désolation sera placée (Dn 12:11).
Si nous ne sommes pas encore arrivés à la fin des temps, nous le devons certainement à l’intercession de la Vierge Marie et de tous les Saints du Ciel, à la prière des âmes du Purgatoire en notre faveur, mais aussi – et je dirais surtout – aux nombreuses âmes qui adorent et honorent le Saint-Sacrement sur cette pauvre terre, et aux prêtres qui Le rendent présent à la Sainte Messe et L’administrent aux fidèles. C’est le gage de gloire future qui anticipe déjà dans ce monde la liturgie éternelle du Ciel, parce que le Saint Sacrifice de la Messe, tant dans la splendeur d’une basilique que dans la clandestinité d’un grenier, ouvre les portes de la Jérusalem Céleste. L’Esprit Saint descend sur chaque autel, tandis que la Très Sainte Trinité ratifie ce Sacrifice et répand ses grâces infinies sur l’Église. Toute la Cour angélique adore l’Homme-Dieu dans chaque Hostie consacrée, dans chaque calice offert.
Et quand la Foi vacille chez les fidèles ou même chez les ministres, quand l’hérésie vient semer la division et la mort dans les rangs des croyants, quand l’incrédulité ou l’indifférence prennent la place de la ferveur et de la dévotion au Très Auguste Sacrement, voici que la Providence – au lieu de frapper de la foudre le méchant qui profane les Espèces Eucharistiques – accomplit de nouveaux miracles, montre la Chair vivante du Sauveur, le muscle palpitant du Cœur, le Sang de l’Agneau immolé. Les Sanctuaires Eucharistiques du monde entier témoignent de la manière dont la Majesté de Dieu continue à multiplier les merveilles et les signes qui prouvent l’origine divine de l’Église et qui rendent non seulement crédible, mais credenda (digne de foi) la Révélation du Christ dont elle est la gardienne.
Non loin d’ici, le célèbre miracle de Bolsena a eu lieu en 1263 au cours duquel un prêtre de Bohême, célébrant la Messe, a vu le sang jaillir de l’Hostie lors de la Consécration, tachant le corporal.
La Cathédrale d’Orvieto, construite en 1290, a été édifiée précisément pour conserver ce miracle.
Depuis le miracle de Rome en 595 (où, lors d’une Messe célébrée par le pape Grégoire le Grand dans la basilique de Sainte Prudentienne, les espèces du pain se sont transformées en chair et en sang) jusqu’à aujourd’hui, l’Église a reconnu plus d’une centaine de miracles : pensons à ceux de Lanciano, Ferrare, Rimini, Alatri, Sienne, Florence, Paris, Amsterdam, Cracovie, Bruxelles et bien d’autres… À chaque occasion, le culte eucharistique renaissait avec une vigueur nouvelle, la Foi du peuple se réveillait, les âmes retournaient à Dieu.
Au long de son pèlerinage terrestre à travers le désert d’un monde hostile, l’homme a besoin de se nourrir d’un Viatique céleste, d’une nourriture supersubstantielle qui rend l’âme forte dans les assauts du Malin : sans le Pain des Anges, nous sommes inexorablement condamnés à mourir spirituellement de faim et de soif. Aujourd’hui, nos églises sont pour la plupart désertes et abandonnées : des décennies de rites irrévérencieux et d’innovations hasardeuses ont aliéné les fidèles, détournés les prêtres, frustré les vocations. Le Sacrifice éternel, peu à peu altéré et défiguré, est de moins en moins célébré, et il y a déjà ceux qui, après avoir provoqué la crise des vocations, proposent d’instituer des diaconesses, ouvrant ainsi pour les femmes l’impossible voie au Sacerdoce. Certains évêques, avec le silence complice de Rome, ont réussi à interdire de facto – et abusivement – la pratique séculaire de la Communion à genoux et sur la langue, imposant à ceux qui croient en la Présence Réelle l’irrévérence de ceux qui la nient sacrilègement. Et les restrictions de Traditionis Custodes mettent en évidence, même après l’élection du pape Léon, une hostilité de nombreux évêques à l’égard de l’Ancien Rite : il est en effet trop catholique pour pouvoir entrer dans le grand bazar de Vatican II en même temps que les rites amazoniens ou ceux du « chemin néocatéchumenal » ou des charismatiques. Et il est trop catholique de croire en la Présence Réelle, d’adorer Dieu dans la Très Sainte Eucharistie, de se prosterner devant le Saint-Sacrement exposé dans l’ostensoir, de professer la foi dans le miracle de la Transsubstantiation, de reconnaître la nécessité d’être dans la grâce de Dieu pour recevoir la Sainte Communion. Il est beaucoup plus facile d’avoir une messe que même les protestants aiment ; un « sacerdoce commun » qui permet aussi aux femmes d’accéder au ministère ordonné et qui satisfait la religion woke en matière d’égalité des sexes…
L’hymne Adoro te devote, également composé par saint Thomas, se référant au Très Précieux Sang du Rédempteur, récite :
Cujus una stilla salvum facere totum mundum quit ab omni scelere.
Une seule goutte du Sang du Seigneur aurait suffi à sauver le monde entier de tout péché. Mais Dieu se donne en Sacrifice sans réserve, allant jusqu’à verser le sang et l’eau de son côté, pour donner Sa vie après avoir subi les tourments indicibles de la Passion. Et Il se donne Lui-même tout entier gratuitement, avec une générosité et une magnificence vraiment divines.
C’est à nous, Ministres du Très-Haut, qu’incombe la grave responsabilité d’assurer la perpétuation du Saint Sacrifice, tandis que les fidèles ont la tâche de soutenir spirituellement et matériellement ceux qui rendent le Seigneur présent dans le Saint-Sacrement. Ainsi soit-il.
+ Carlo Maria Viganò, Archevêque
22 juin MMXXV, Dominica II post Pentecosten, Solennité extérieure du Corpus Domini
© Traduction de F. de Villasmundo pour MPI relue et corrigée par Mgr Viganò
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