« Vous ne posséderez rien, et vous serez heureux »
Le 15 janvier 2025, le Ministère de l’Economie et des finances a annoncé une baisse du taux de rémunération du livret A et du livret d’épargne populaire (LEP) à compter du 1er février 2025[1]. Le livret A est un compte d’épargne dont le plafond est limité à 22 950 euros. Vu la relative modestie de ce montant, on comprend que ce type de placement n’est pas destiné aux personnes les plus aisées. Pour preuve, les intérêts du livret A sont exonérés d’impôt sur le revenu et de prélèvement sociaux. Quant au livret d’épargne populaire, il est explicitement destiné aux personnes aux revenus modestes. Dès lors, il est permis de s’interroger sur les raisons pour lesquelles l’épargne des Français les moins riches est ainsi frappée.
L’exemple du livret A est parlant.
Depuis le 1er février 2023, le taux de rémunération de ce placement était fixé à 3 % par an. Selon une étude de l’INSEE modifiée le 15 novembre 2024, l’inflation calculée à partir de la moyenne de l’évolution des prix en France était de 4,9 % en 2023[2]. Les épargnants ont donc perdu en pouvoir d’achat si l’on se réfère au taux d’inflation moyen. Mais leur pouvoir d’achat a été diminué bien davantage si on considère que l’inflation sur les produits alimentaires, qui constituent un poste important des dépenses des foyers modestes, s’est élevée à près de 12 % en 2023[3]. Au cours de la même année, la croissance du PIB en France a été évaluée à 0,9 %. On peut donc affirmer qu’en ne parvenant ni à maîtriser l’inflation, ni à provoquer une croissance propre à augmenter les revenus des Français[4], la politique économique du Gouvernement de la France a été un échec. Pourquoi alors baisser le taux de rémunération du livret A ?
Officiellement, c’est à la Banque de France, institution publique mais indépendante de calculer et de proposer tous les 6 mois au Ministère de l’Economie et des finances le taux de rémunération des livrets d’épargne réglementés. Les taux sont déterminés par des formules de calcul réglementaire. Concernant le Livret A, cette formule est basée sur l’inflation, mais aussi sur les taux de court terme des marchés financiers. Autant dire que la formule ne prend nullement en compte le quotidien des Français, mais qu’elle est une construction purement technocratique. Ainsi, le 15 janvier 2025, le Gouverneur de la Banque de France a fait savoir qu’il ressortait de la formule de calcul un taux de rémunération de 2,4 % pour le livret A. Le Gouverneur de la Banque de France a ajouté que « nous sommes désormais sortis des circonstances exceptionnelles et en train de gagner notre lutte contre l’inflation[5] ». On l’a compris, les Français les moins favorisés seront pénalisés sous prétexte d’un succès théorique des politiques déflationnistes des Banques centrales.
Mais l’effet pervers d’une telle mesure va plus loin.
En économie, lorsque les gouvernements baissent le taux de rémunération de l’épargne, il se produit une érosion de la valeur monétaire de celle-ci qui incite les épargnants à rechercher d’autres placements ou à… consommer. Vu la modicité des ressources des épargnants du livret A, les chances sont faibles qu’ils trouvent des produits financiers de substitution à leur portée. Ils sont donc indirectement incités à consommer et donc à dépenser le peu qu’ils avaient épargné.
On prête à Klaus Schwab d’avoir déclaré en 2020 tandis qu’il faisait la promotion de son livre The great reset : « Vous ne posséderez rien, et vous serez heureux » ? En réalité, la formule a été utilisée en 2016 par la femme politique danoise Ida Auken devant le Forum économique mondial mais peu importe qui en a la paternité. Ce qui importe, c’est la paupérisation croissante que l’on constate dans les pays d’Europe de l’Ouest en général et en France en particulier. Et la pauvreté ne fait nullement le bonheur.
André Murawski – 23 janvier 2025
[1] https://www.service-public.fr/particuliers/actualites/A18000#:~:text=Le%20gouverneur%20de%20la%20Banque,lutte%20contre%20l’inflation%20%C2%BB.
[2] https://www.economie.gouv.fr/cedef/evolution-prix-consommation#:~:text=L’Insee%20publie%20un%20graphique,2023%2C%20selon%20l’Insee.
[3] https://fr.statista.com/infographie/31631/inflation-alimentaire-produits-les-plus-touches/#:~:text=L’inflation%20alimentaire%20a%20atteint,dans%20une%20s%C3%A9lection%20d’enseignes.
[4] https://www.insee.fr/fr/statistiques/8193933?sommaire=8071406
[5] https://www.service-public.fr/particuliers/actualites/A18000#:~:text=Le%20gouverneur%20de%20la%20Banque,lutte%20contre%20l’inflation%20%C2%BB.
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