La prise quotidienne d’aspirine à faible dose peut être bénéfique pour les patients dont les tumeurs présentent des mutations génétiques spécifiques.
Dans un essai clinique récent, une faible dose d’aspirine a réduit de moitié le risque de récidive du cancer du côlon et du rectum chez les patients dont les tumeurs portaient une mutation génétique spécifique.
Seulement 160 milligrammes d’aspirine par jour, soit environ la moitié d’un comprimé standard pour adulte, ont réduit la récidive du cancer d’environ 60 % dans un certain sous-groupe de patients. Ces patients étaient porteurs de mutations du gène PI3K, qui touche environ un tiers de tous les patients atteints de cancer colorectal.
« L’aspirine est un médicament facilement disponible dans le monde entier et extrêmement bon marché par rapport à de nombreux médicaments anticancéreux modernes, ce qui est très positif », a déclaré dans un communiqué l’auteur principal de l’étude, le Dr Anna Martling, professeur à l’Institut Karolinska de Stockholm, en Suède.
Essai contrôlé randomisé
L’étude, récemment publiée dans le New England Journal of Medicine, a suivi plus de 600 patients atteints d’un cancer colorectal présentant une modification génétique de la voie PI3K dans 33 hôpitaux de Suède, du Danemark, de Finlande et de Norvège.
Les résultats ont montré que les patients qui prenaient de l’aspirine étaient moins susceptibles de voir leur cancer se développer ou réapparaître sur une période de trois ans par rapport à ceux qui prenaient un placebo.
Tous les participants avaient subi une intervention chirurgicale pour un cancer du côlon ou du rectum de stade 2 ou 3. Les patients ont été randomisés pour recevoir quotidiennement 160 mg d’aspirine ou un placebo pendant trois ans. L’étude n’incluait pas les patients atteints d’un cancer colorectal non porteurs de la mutation du gène PI3K.
Selon l’endroit où la mutation génétique du gène PI3K s’est produite, les bénéfices de la supplémentation en aspirine différaient.
Dans le groupe porteur d’une mutation du gène PI3K dans l’exon 9 ou 20, le risque de récidive du cancer a été réduit de 51 %. Chez les patients porteurs de mutations du gène PI3K dans d’autres sections du gène, l’aspirine a réduit le risque de récidive de 58 %.
Dans l’ensemble, les patients qui prenaient de l’aspirine étaient environ 55 % moins susceptibles de voir leur cancer réapparaître, soit moins de la moitié du taux de récidive observé dans le groupe placebo.
Le traitement pourrait aider plus d’un tiers des patients atteints de cancer colorectal
Le mécanisme exact par lequel l’aspirine réduit la récidive du cancer chez ces patients est encore inconnu ; cependant, une raison potentielle est que l’aspirine affecte les voies de formation des tumeurs impliquant PI3K.
L’aspirine bloque une protéine favorisant le développement des tumeurs, la COX-2, tandis que la PI3K augmente les taux de COX-2. Chez les patients présentant des mutations de cette voie, l’aspirine peut inhiber de manière ciblée les processus favorisant le développement du cancer.
D’autres mécanismes parallèles incluent la capacité de l’aspirine à réduire l’inflammation et à inhiber la fonction plaquettaire, deux facteurs qui stimulent la croissance tumorale.
Les chercheurs affirment que les résultats de l’étude pourraient changer immédiatement la manière dont les médecins traitent de nombreux patients atteints de cancer colorectal.
L’étude a déjà « modifié nos directives [dans notre centre de cancérologie] pour indiquer des tests génétiques pour cette mutation dans une population sur laquelle nous ne faisions pas auparavant de tests génétiques », a déclaré le Dr David Bajor, professeur adjoint de médecine, membre du Case Comprehensive Cancer Center, et non impliqué dans l’étude.
Il a expliqué qu’auparavant, les médecins ne testaient que les patients atteints de la maladie au stade 4 pour les mutations PIK3CA, mais qu’il est désormais recommandé de tester également les patients atteints des stades 2 et 3.
« Cette recherche souligne l’importance de la médecine de précision et du recours à des diagnostics avancés », a déclaré Martling. « Ces outils peuvent permettre des traitements sur mesure et la réutilisation de médicaments existants pour de nouvelles applications. »
Profil de sécurité et risques
Les résultats indiquent que les effets secondaires de l’aspirine à faible dose quotidienne étaient rares ; cependant, il y a eu un cas de saignement gastro-intestinal grave, un cas de saignement cérébral et une réaction allergique dans les groupes d’étude.
Le Dr Jason Korenblit, spécialiste certifié en gastroentérologie et hépatologie, qui n’a pas participé à l’étude, a déclaré que même l’aspirine à faible dose présente des risques. Parmi ceux-ci figurent des saignements gastro-intestinaux, des ulcères gastroduodénaux, des accidents vasculaires cérébraux hémorragiques, ainsi que des risques d’interactions indésirables avec d’autres médicaments.
« Les patients ayant des antécédents d’ulcères, de troubles hémorragiques, de prise d’anticoagulants ou présentant un risque élevé de saignement », comme les personnes âgées et les personnes atteintes d’insuffisance rénale, « présentent un risque accru », a-t-il déclaré, ajoutant que l’aspirine peut irriter la paroi de l’estomac. « Les personnes prenant simultanément des AINS [anti-inflammatoires non stéroïdiens], présentant une infection à H. pylori ou d’autres facteurs de risque peuvent également présenter un risque plus élevé. »
Les chercheurs prévoient de continuer à analyser les données, notamment en examinant comment des facteurs tels que le sexe et le statut socio-économique pourraient influencer les résultats.
Le Dr Raj Dasgupta, médecin certifié spécialisé en pneumologie, en soins intensifs et en médecine du sommeil, et non impliqué dans l’étude, a mis en garde les patients atteints de cancer contre l’automédication avec de l’aspirine.
« Le bénéfice s’est surtout manifesté chez les patients dont les tumeurs présentaient des mutations spécifiques de la voie PI3K », a-t-il déclaré. « Ce qui signifie que l’effet ne sera pas forcément le même pour tous. »
Pour cette raison, a ajouté le Dr Dasgupta, il ne recommanderait pas l’automédication.
« Si quelqu’un est intéressé, la meilleure chose à faire est d’en parler à son oncologue, qui pourra examiner son profil génétique et son état de santé général pour déterminer si l’aspirine est une option. »
Léo Kersauzie
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