Gel des avoirs
Le Conseil de l’Union Européenne, sur base de la proposition du haut représentant de l’Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité, et de sa déclaration au nom de l’Union, dans laquelle elle a condamné résolument « les activités malveillantes menées de manière persistante par la Russie, qui s’inscrivent dans le cadre de campagnes hybrides plus larges, coordonnées et de longue date visant à menacer et à compromettre la sécurité, la résilience et les fondements démocratiques de l’Union, de ses États membres et de ses partenaires », a estimé qu’il y avait lieu d’ajouter douze personnes physiques et deux entités à la liste des personnes physiques et morales, des entités et des organismes figurant à l’annexe I de la décision (PESC) 2024/2643 frappés de sanctions antirusses. Parmi les douze personnes visées figurent le français Xavier Moreau et le suisse Jacques Baud.
Selon ce qui a été publié au Journal officiel de l’UE, cette inscription – qui a pris effet dès le 15 décembre 2025 – implique le gel des avoirs des concernés sur le territoire européen ainsi que l’interdiction de mettre à leur disposition des fonds ou ressources économiques.
À Paris, le ministre Jean-Noël Barrot a salué la mesure en affirmant que l’Union « renforce sa réponse » face aux acteurs identifiés comme relais d’ingérence. Pour les institutions européennes, cette nouvelle vague de sanctions se veut un signal politique clair : élargir la pression non seulement sur les responsables étatiques, mais aussi sur les figures médiatiques ou privées jugées engagées dans la guerre informationnelle autour de l’Ukraine et de la Russie.
Qui sont les douze personnes concernées ?
A la lecture de la liste des douze personnes concernées, on reste circonspect. En effet, si plusieurs des personnes visées sont des officiers russes du GRU, d’autres sont des journalistes russes qui ont pour tort d’émettre un avis différent de celui des médias mainstream occidentaux, et trois autres encore sont des ressortissants d’autres pays que la Russie.
Commençons par Jacques Baud. Cet ancien colonel de l’armée suisse est un spécialiste reconnu du renseignement et du terrorisme. Sous prétexte que cet analyste stratégique émet une opinion qui s’écarte du discours officiel de l’UE sur la guerre entre l’Ukraine et la Russie, le voici accusé de compromettre ou menacer « la stabilité ou la sécurité d’un pays tiers (l’Ukraine) en recourant à la manipulation de l’information ».
L’accusation est identique concernant Xavier Moreau, ancien officier militaire français, analyste stratégique et fondateur du site Stratpol. Son cas est une première. Un citoyen français ne peut normalement pas être sanctionné de telle façon sans la moindre procédure permettant d’assurer une défense. Cette situation est totalement arbitraire et nie tous les principes élémentaires du Droit. Contacté par téléphone, il nous a expliqué qu’en tant que citoyen français, il ne pouvait pas être empêché de se rendre en France mais que l’accès à d’autres pays européens lui serait peut être interdit. Il se demande notamment comment il va pouvoir payer ses factures françaises si ses comptes bancaires en France sont gelés.
Autre personne étonnamment visée par ces sanctions européennes antirusses, John Mark Dougan, ancien shérif adjoint de Floride ! Avec grosso modo le même motif d’accusation que pour Jacques Baud et Xavier Moreau.
Un ministère de la Vérité a-t-il été installé en Europe ?
Notons aussi le cas de journalistes russes frappés par ces sanctions. Diana Panchenko – qui a à la fois la nationalité russe et la nationalité ukrainienne – est pointée du doigt pour ses émissions qui déplaisent aux dirigeants du Conseil de l’Europe. Le roman orwellien 1984 se réalise sous nos yeux. Le fameux ministère de la Vérité semble s’être mis en place à l’échelon européen et décide, sous peine de sanctions lourdes, des opinions qui peuvent être exprimées ou non sur le conflit entre l’Ukraine et la Russie, alors même qu’aucun des pays de l’UE n’est officiellement en guerre contre la Russie.
La situation est identique pour Andrey Georgevich Bystritskyi, journaliste et président du conseil d’administration de la Fondation du club de discussion Valdaï.
Le ridicule ne tue pas
Enfin, notons l’étrange décision de l’UE qui consiste à placer un bataillon russe sur cette liste, au même titre que le Mouvement International Russophile. On peut logiquement douter que ce 142e bataillon russe dispose d’avoirs en Europe qui pourraient être gelés. Quant au Mouvement International Russophile, il compte parmi ses membres et sympathisants des personnalités de tous les continents. Va-t-on dans la foulée sanctionner toutes les organisations d’amitiés franco-russes, belgo-russes, italo-russes, etc ?
En conclusion, il semble que le fait d’émettre des doutes ou des critiques sur la qualité des dirigeants ukrainiens ou les chances de victoire militaire de l’Ukraine pourrait conduire n’importe qui à voir son nom être ajouté ultérieurement à cette liste. Nous sommes en pleine folie totalitaire.
Pierre-Alain Depauw
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