Madagascar est première productrice mondiale de deux choses : les saphirs et la vanille.  Selon la revue Ecofin Hebdo, spécialisée dans l’économie africaine, la vanille malgache serait en crise, ce qui est préoccupant quand on sait qu’en 2017, Madagascar produisait 82 % de la vanille mondiale – soit 1500 tonnes – devant l’Indonésie (5 %), l’Ouganda (4 %), la Papouasie-Nouvelle-Guinée (3 %), l’Inde (2 %), les Comores (1 %), le Mexique (1 %), la Réunion (0,53 %), Tahiti (0,26 %) et Tonga (0,21 %).  Le principal centre de production est situé dans le nord-est de l’île, 650 km² compris entre les villes de Sambava, Antalaha, Vohémar et Andapa, 200 km au sud de ce qui fut Diego-Suarez. Introduite au XIXe siècle, la vanille emploie 80.000 personnes et représente 5 % du PIB de l’île, pour 114 millions de $ d’exportation en 2014 (contre 58 millions en 2000).

Sur le plan socio-économique, la denrée introduite à Madagascar à la fin du 19ème siècle fait vivre plus de 80 000 planteurs et contribue à hauteur de 5 % au PIB du pays. La filière vanille a vu ses recettes d’exportation passés de 58 millions $ en 2000 à 114 millions $ en 2014, soit près de 39% de la valeur mondiale du marché à l’export. La flambée des cours de la période 1999-2003, où le cours de la vanille passa de 50 $ à 500 $ le kilo fut suivi par un crash dû à la surproduction (avec entrée dans la production de vanille de l’Inde, de l’Ouganda et de la Papouasie Nouvelle Guinée) et l’effondrement des cours à 25 $ en 2005, puis une remontée aux niveaux hauts : 100 $ en 2015, 200 $ en 2016 et 425 $ en 2017 suite au cyclone Enawo qui en mars 2017 ravagea Madagascar et détruisit 30 % de la production.

Entre boom, crash des prix et mauvaises pratiques, « l’or vert » de la Grande Ile a perdu en qualité et en crédibilité auprès de nombreux négociants, l’essor progressif de la production de la vanilline artificielle, obligeant les différents acteurs de la filière à repenser un sous-secteur dont l’âge d’or semble bien terminé. La situation fut aggravée par le développement de mauvaises pratiques culturales motivées par le profit à court terme, qui ont contribué à la baisse de la qualité du produit. Il s’agit, entre autres, de la récolte de la vanille verte par les producteurs avant l’atteinte de leur maturité – qui peut prendre 7 à 9 mois après la pollinisation. Ce processus conduit à la diminution du pourcentage de vanilline, la molécule responsable du pouvoir aromatique. Compris normalement entre 1,6 et 1,8%, le taux de vanilline pourrait ainsi chuter à seulement 1%. Autre pratique en cause : l’emballement des gousses sous vide. Cette technique permet de conserver l’humidité pendant une plus longue période et d’augmenter le poids de l’orchidée afin de s’attirer de meilleurs prix. En plus d’affecter la teneur en vanilline, la méthode favorise le développement de nouvelles substances chimiques nuisent au profil aromatique de la vanille. Selon Jeanne Baker, responsable marketing de Rodelle, l’un des principaux importateurs mondiaux de la vanille malgache : « Le prix de la vanille devrait rester extrêmement élevé en 2018 alors que la qualité devrait être mauvaise. Nous prévoyons que cette faible qualité devrait continuer jusqu’à ce qu’il y ait de nouveaux fournisseurs sur le marché ».

A cela il faut ajouter le secteur de la vanilline de synthèse, principal rempart des industriels contre les tourments de la vanille naturelle produite à Madagascar, cumulant plusieurs caractéristiques intéressantes pour les fabricants d’arômes comme l’explique Chris Richard, directeur des ventes de Aust & Hachmann Canada, l’un des principaux marchands de vanille du monde : « Les principaux atouts de la vanilline synthétique sont le prix et la fiabilité. Elle est toujours moins chère et plus abondante que la vanille naturelle, en plus, le produit n’est pas sujet à des années de bonnes ou mauvaises récoltes. La composition de la vanille synthétique peut rester stable toute une année et peut être adaptée aux besoins des clients », ce que confirme Jenna Baker : « La vanilline synthétique possède beaucoup plus d’arômes par rapport à la vanille naturelle disponible sur le marché. Il est possible que la vanilline synthétique surpasse la vanille naturelle si la qualité ne s’améliore pas, parce qu’aujourd’hui les saveurs artificielles sont meilleures que la vanille pure en raison de la mauvaise qualité du produit ». Le marché de la vanilline artificielle est 10 fois supérieur à celui de son homologue naturelle et la production mondiale de vanilline industrielle serait comprise entre 12 000 et 15 000 tonnes par an. La molécule coûte actuellement 15 fois moins cher à produire que son homologue naturelle.

La menace est bien réelle : en 2014, l’entreprise de biologie synthétique suisse Evolva étudiait la production de la vanilline à partir du glucose grâce à la fermentation par les levures, pouvant s’accaparer jusqu’à 360 millions de dollars du marché mondial des arômes d’après la compagnie. En 2017, l’aromaticien japonais Hasegawa développe un substitut synthétisé à partir du sucre fermenté. Avec la montée en puissance de la fabrication de la vanilline synthétique, la vanille malgache, dont l’offre était déterminante pour l’industrie, pourrait être confrontée à des choix décisifs dans les prochaines années pour assurer sa survie. Les perspectives de croissance et de rentabilité s’annoncent nettement plus réduites sur le long le terme pour l’industrie. Et pour cause. Les acteurs sont placés devant une équation toute évidente : plus de concurrence, moins de recettes, moins de croissance.

Madagascar peut néanmoins trouver dans le cacao un produit de substitution. Si sa vanille a baissé en qualité, son cacao a pour réputation d’être l’un des meilleurs au monde, comme le déclare Pierre Costet, responsable de l’expertise sensorielle et cacao chez le chocolatier français Valrhona, un chocolatier français : « Quand vous croquez dans un carré de chocolat Madagascar, vous avez tout de suite un pic d’acidité qui vous envahit avec des notes vraiment de framboises et de fraises, et le chocolaté, la rondeur, en fin de bouche. Le Madagascar, ça fait partie de nos best-sellers en fait. C’est l’inverse d’un chocolat consensuel. C’est vraiment quelque chose qui va vous surprendre, par rapport à d’autres cacaos d’Afrique de l’Ouest ou d’Amérique centrale. ».

Le gouvernement malgache veut donc obtenir un label bio pour son cacao, qu’il espère être une alternative au cacao quasi-industriel de la Côte d’Ivoire. Conforme à la norme ISO 34101, le cacao de la Grande Ile espère atteindre des entreprises telles que Mars, Barry Callebaut, Ferrero, Nestlé mais aussi des pays tels que les Pays-Bas, la Suisse et l’Allemagne, qui prône à partir de 2025, un cacao 100 % durable sur leur marché local.

Hristo XIEP

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