
Les actes du nouveau Pontife Romain, Léon XIV, plus dans la continuité de François qu’en rupture, suscitent des discussions dans le monde de la Tradition au sens large. Se taire ou ne pas se taire, telle est la question ?
L’élection de Léon XIV : espoirs de normalisation et de libération de la Messe de Toujours
L’élection récente du cardinal Prevost au trône pétrinien a donné un peu d’air au monde de la Tradition au sens large après les difficiles années bergogliennes. Sa mozette et son étole lorsque Léon XIV est apparu au balcon de Saint Pierre du Vatican le soir de l’élection ont ouvert chez beaucoup des espoirs de normalisation et de libération de la Messe de Toujours, voire un retour à une certaine tradition doctrinale et ecclésiale. Espoirs légitimes au regard de cette terrible crise de l’Église qui s’éternise, et de l’amour de l’Église qui animent tout catholique sincère.
Force est de constater cependant, après ces premiers mois de pontificat, que les actes de Léon XIV, ses nominations épiscopales, ses audiences, sa ‘canonisation’ de François, sa volonté de maintenir le cap vers une église synodale, s’alignent sur le chemin tracé par François.
Cependant, les actes de Léon XIV s’alignent sur le chemin tracé par François
Faut-il alors se taire afin de ne pas s’aliéner le nouveau pape avant d’avoir obtenu des concessions pour la Messe de Toujours ? Ou dénoncer le progressisme toujours en acte ? Telle est la question qui agite les milieux de la Tradition, notamment outre-Atlantique mais également en Europe, à laquelle Radio Spada répond dans un article fouillé paru le 2 septembre dernier, intitulé Léon XIV, l’hypothèse ZIP et le « contre-accord » des conservateurs : une stratégie déjà tentée et qui laisse perplexe (en 7 points).
L’article n’étant pas trop long, le voici traduit dans son intégralité pas nos soins avec l’assentiment de la rédaction de Radio Spada. Sa lecture est instructive.
Une analyse de nos amis de Radio Spada sur la stratégie du Zip it (se taire)
« Des prémisses qui sont peut-être évidentes mais qu’il est bon de préciser : si dans les prochaines lignes nous parlerons de la stratégie « ZIP » proposée par Michael Matt (l’actuel rédacteur en chef de The Remnant, journal catholique de la sphère traditionnelle, et média en ligne basé aux États-Unis, ndlr) en relation avec la situation ecclésiale suite à l’élection de Léon XIV, nous ne voulons en aucun cas que les évaluations se transforment ailleurs en attaques personnelles, ni en jugements au for interne (nous présumons d’excellentes intentions) et encore moins que la dissidence sur cet aspect devienne un « jeter le bébé avec l’eau du bain », niant d’autres initiatives valables promues par les personnes que nous allons mentionner.
« Cela étant clarifié, il est cependant nécessaire d’aller au cœur d’une proposition précise, faite de manière publique par une personnalité bien connue, dans le monde des trad-conservateurs, et qui semble mettre en évidence ce qui a été pendant de nombreux mois le grand « non-dit » : lisser, redimensionner, diminuer les critiques à propos des actes de Léon XIV afin de ne pas déranger les manœuvres cardinalices en vue d’une contrepartie possible et limitée. Dit ainsi, peut-être est-ce résumé d’une manière quelque peu brutale : l’émission de Matt avec Taylor Marshall dure 39 minutes (qui traite aussi de l’infâme « esprit de Vatican II ») et nous vous invitons à la visionner en entier, mais le sens final semble être plus ou moins celui-ci. La raison pour laquelle cela vaut la peine d’en parler, c’est que maintenant la chose est proposée de manière ouverte.
Zip it : se taire vis-à-vis des actes de Léon XIV afin de ne pas déranger les manœuvres cardinalices en vue d’une contrepartie possible et limitée, notamment pour la Messe de toujours
« « Cela n’a aucun sens stratégique de dénoncer maintenant Léon » (32:54). « Si [Léon] voit que nous sommes prêts à le rencontrer, un peu sur quelque chose comme la Messe en latin, eh bien, tant mieux […] pour ce qui est d’essayer d’obtenir des avantages comme la restauration de la messe en latin, il est logique de se taire un peu [it makes sense to kind of zip it a little bit] et de voir ce qui se passe avec des hommes comme le cardinal Burke, le cardinal Mueller et le cardinal Sarah » (34:00).
« Ce qui est curieux, c’est qu’en prononçant le mot « zip » (traduisible par un verbe comme compresser, réduire mais aussi avec un nom comme un zip, une fermeture éclair), Matt a imité le geste de fermer la bouche presque à travers une fermeture éclair. Un extrait est reproduit ici par Stephen Kokx. Mais venons-en aux problèmes de fond.
« 1. Il y a des questions qui ne peuvent tout simplement pas être réduites au plan stratégique. Vous pouvez utiliser la stratégie pour une négociation commerciale ou politique, mais pas sur la Vérité révélée, qui doit être prise ou laissée en un seul morceau. Il faut toujours faire preuve de prudence mais nous ne pouvons pas rester silencieux face à ce qui s’est passé depuis mai, car il s’agit aussi de faits publics qui concernent la foi de millions de personnes (voir les divers articles de MPI sur Léon XIV, ndlr de MPI).
« 2. Nous avons déjà abordé la question dans l’article « Le pire, le meilleur ? »Non : plus c’est clair, mieux c’est. L’actualité brièvement expliquée par l’encyclique Pascendi: de même que la vérité ne doit pas être fragmentée, de même, dans la crise de Vatican II, les composantes doctrinales et liturgiques (Lex Orandi – Lex credendi) doivent être évaluées ensemble dans leurs causes et ne peuvent être séparées. Il n’y a pas de Novus Ordo sans Vatican II. Donc non, même les faits récents ne doivent pas être redimensionnés du tout mais doivent être montrés dans leur intégralité et ramenés à leurs origines.
« 3. La tentative de séparer la doctrine du culte (donc : Messe Tridentine oui, mais avec une acceptation plus ou moins large et plus ou moins consciente des principes de Vatican II) a historiquement produit des paradoxes bien connus. Un exemple de ces dernières années mérite d’être mentionné, relaté dans Paroles claires sur l’Église : après la promulgation de Traditionis Custodes, les responsables des instituts « ex Ecclesia Dei » ont produit un document qui, pour fonder ses raisons, contenait, entre autres, deux citations de… Amoris Laetitia.
Mais l’on ne peut séparer la doctrine du culte, la charité consiste avant tout à dire les choses telles qu’elles sont
« 4. Et ce n’est pas tout. Supposons que Léon XIV annule tout et remette les pendules à l’heure d’avant Traditionis Custodes (publié le 16 juillet 2021). Du point de vue de la dynamique révolutionnaire, qu’est-ce qui changerait exactement ? Même en supposant que nous soyons catapultés avec la machine à remonter le temps dans le pur ratzingerisme, nous nous retrouverions exactement dans le contexte ecclésial qui a produit « harmonieusement » ce que nous avons vu au cours des presque 10 années de cohabitation sereine entre Benoît XVI et François.
« 5. Le thème n’est pas de pouvoir saisir une atténuation temporaire ou une légère tolérance pour une Messe Tridentine supplémentaire, peut-être le mardi matin à 7 h 00 suivie du rite amazonien de la communauté brésilienne. Le thème est de comprendre que c’est le Novus Ordo qui est problématique et que la tolérance s’applique – sous certaines conditions – à l’erreur et non à la Messe de toujours. Renverser cet ordre, c’est renverser la vérité.
« 6. Sur les cardinaux Burke, Mueller et Sarah. Rien contre les gens mais la preuve que l’opération ne fonctionne pas est aussi dans les résultats passés : pensez aux Dubia (d’ailleurs : que leur est-il arrivé avec le nouveau pontificat ?) et à d’autres initiatives souvent peu concluantes. Sarah était jusqu’à il y a 4 ans le Préfet du Culte Divin sous François. Le poids de l’aile conservatrice dans le conclave, c’est ce que nous avons vu. Enfin, sur les audiences : Burke a été reçu au Palais apostolique mais aussi récemment le père Martin, jésuite « pro-LGBT », qui s’est montré enthousiaste en disant : « J’ai été ému d’entendre le même message du pape François sur les catholiques LGBTQ. »
« 7. Personne (parmi ceux qui sont raisonnables) n’attaque personnellement Léon ou ne juge ses intentions, mais il est plus que légitime – voire un devoir – de contester les actes erronés qui ont été commis ces derniers mois, en reconnaissant d’ailleurs que cela a été très clair dès le début. Tout doit être fait avec charité, mais la charité consiste avant tout à dire les choses telles qu’elles sont.
« Michael Matt ne dit pas d’arrêter la bataille, mais de le faire selon des critères qui franchement ne convainquent pas. Bref, sans animosité : la stratégie ne fonctionne pas, même si elle ramène à la maison le résultat qu’elle semble se fixer et qu’elle obtiendra peut-être.
« Que faire, alors ? Ce que nous disons depuis toujours :prier, se former, militer.
« Oui, oui ; non, non, tout ce qui vient en plus vient du malin (Mt 5, 37) »
Pour nos lecteurs qui souhaitent continuer à se former sur ce sujet, le prochain numéro de la revue Caritas (actuellement à l’impression) l’aborde dans l’article intitulé : Vous avez dit « paix liturgique » ?
Francesca de Villasmundo
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