Les USA sont-ils en train de préparer l’extension du conflit ukrainien ?

Tout porte à le croire. La Russie ne s’y trompe pas qui multiplie les démonstrations de force, tant sur terre qu’en mer ou dans les airs, sans omettre de renforcer ses alliances.

Alors que le maître de Kiev, Pietro Porochenko s’active pour tenter de neutraliser l’oligarque de l’oblast de Dniepropetrovsk, l’un des principaux artisan du coup d’Etat de la place Maïdan (Voir les détails plus bas), les intrigues géostratégiques des Etats-Unis dans le pays battent leur plein. Au-delà de l’Ukraine ils visent la « République Moldave  de Dniestr » (improprement appelée Transnistrie).

Alors que le régime de Kiev vient d’être battu à plate couture en Novorossiya, comme si de rien n’était Porochenko aux ordres des USA, prétend « dégeler ce conflit et aider la Moldavie souveraine et indépendante à rétablir son intégrité territoriale et à réintégrer la Transnistrie »; Porochenko a déclaré cela lors d’une conférence de presse mercredi dernier, qu’il a donnée en compagnie de son homologue de Roumanie. L’espoir secret étant, semble-t-il, pour la Roumanie de s’approprier la Moldavie frontalière, tandis que la « Transnistrie » pourrait se rattacher à l’Ukraine. La république moldave de Dniestr est située à la frontière de l’Ukraine et de la Moldavie. C’est une petite république qui a conquis son autonomie contre Chisnau (capitale de Moldavie) en 1991 au moment de l’effondrement de l’URSS. Petite république non reconnue par l’ONU elle est occupée par des troupes russes qui ont mandat international pour assurer la paix sur le territoire.

Igor Strelkov signalait il y a quelques jours que « selon des habitants de la région d’Odessa, une colonne militaire ukrainienne progressait vers sa frontière avec la République de Dniestr. » Une rumeur, donc, davantage qu’une information, mais qui est crédible en fonction des déclarations de Porochenko. Si cette rumeur s’avérait,  elle pourrait forcer les Russes à intervenir. Ce qui transformerait le conflit ukrainien, qui reste pour le moment une guerre civile, en guerre internationale, avec l’implication de plusieurs pays, dont la Roumanie qui a été intégrée à l’OTAN en 2004. La Roumanie serait donc le biais par lequel l’OTAN pourrait rentrer officiellement dans cette éventuelle confrontation. A l’appui de cette thèse, non seulement les récentes préoccupations de Kiev et de Bucarest à propos de la Transnistrie, mais également l’arrivée de renforts américains ces derniers temps en Roumanie et en Ukraine. Dans le même temps l’OTAN déploie ses forces dans les Etats baltes et en Pologne, avec l’arrivée de troupes blindées et aéromobiles américaines dans les pays membres récents de l’OTAN autrefois membres du Traité de Varsovie (alliés de l’URSS)., il est désormais évident que nous assistons à des préparatifs militaires US destinés à faire dégénérer la situation en un conflit régional. Ou tout au moins à en menacer l’Europe géographique qui comprend la Russie.

Déploiement des troupes et de l’industrie polluante américaine en Europe

Concrètement en ce qui concerne l’Ukraine, l’armée américaine a fait débarquer ces derniers jours 300 G’Is dans le pays, destinés à former les paramilitaires de la garde nationale, ainsi qu’un important matériel militaire ainsi que le montre la vidéo ci-dessus. Venus de Vicenza en Italie, ces soldats US ont déjà manoeuvré en septembre dernier en Estonie, à la frontière russe. Ils sont venus s’installer au centre de formation de Yavoriv, à la frontière de ukraino-polonaise. Leur mission de formation est prévue pour durer d’avril jusqu’en octobre. Mais pour quel champ de bataille vont-ils former les Ukrainiens alors que les accords de Minsk organisent la paix dans le Donbass ? Là encore il y aurait matière à analyse, mais ceci n’est qu’un article qui ne peut pas tout développer.

Ce qui est certain c’est que Washington ne déploie pas ses troupes pour rien et que sa main-mise sur l’Ukraine organisée lors de la révolution de la place Maïdan, n’est pas un caprice passager. Des contrats faramineux sont en préparation qui permettent à la grosse industrie américaine et à ses poisons de s’installer en Europe sans même attendre le traité de libre-échange transatlantique  prévu pour 2015 entre l’UE et les USA. Si ce grand marché aboutissait il instituerait une dictature sans précédent des industries américaines sur l’Europe. Notamment en ce qui concerne l’agriculture. 

Une guerre internationale régionale permettrait de nouveaux plans commercio-financiers, style plan Marshall, qui au lendemain de la seconde guerre mondiale ont permis aux USA d’imposer leur modèle agricole en inondant les champs d’Europe de leurs engrais obligatoires et de leur coûteux matériel, déstructurant durablement l’agriculture traditionnelle française. Ce qui a fait de la seconde guerre mondiale une excellente affaire pour les USA, les a sortis de leur crise financière et leur a permis d’imposer leur leadership au monde. Nous n’en sommes pas encore sortis et nous y sommes même encore enfoncés jusqu’au cou. Mais cela ne leur suffit pas!

En quoi cela concerne-t-il l’Ukraine ? C’est que la société américaine Monsanto, spécialisée dans les OGM alimentaires, projette de construire une usine de semences en Ukraine en 2016; produits destinés aux pays de l’Union européenne. Alors qu’on sait qu’en France notamment, les OGM sont interdits. C’est peut-être dans ce contexte qu’on peut situer le bras de fer entre Porochenko et Kolomoïsky. En effet, le marché peut se concevoir ainsi: Porochenko donne l’agriculture ukrainienne à Monsanto, (l’Ukraine étant l’un des principaux greniers à blé du monde) et les USA lui donne toute liberté d’éliminer son grand rival Kolomoïsky!

Bras de fer entre les deux plus puissants oligarques d’Ukraine

Ceci se déroule sous fond de règlements de comptes au sommet en Ukraine. Porochenko a entamé un bras de fer avec l’autre oligarque le plus puissant de la révolution du Maïdan: Igor Kolomoïsky, contre lequel il vient de signer l’ordre de démission de son poste de gouverneur de la province de Dniepropetrovsk. Or Kolomoïsky deuxième fortune d’Ukraine, a formé des unités répressives semi-privées : les « bataillons » d’extrémistes néobandéristes et néonazis tels Azov, Aydar, Donbass, DnieprI et DneprII,  « OUN » et les trois bataillons de volontaires islamistes tchétchènes, dont nous avons déjà parlé. Ces unités comptent environ 15.000 hommes, et il y a quelques jours Kolomoïsky a donné l’ordre d’en tripler les effectifs. En juillet 2014,  Moscou avait  demandé à Interpol de lancer un avis de recherche international à l’encontre de l’oligarque ukrainien pour meurtres, une requête qu’Interpol a rejetée… L’homme, prudent, réside en Suisse, mais il soutient financièrement les paramilitaires issus de Praviy Sektor qui forment en quelque sorte ses troupes privées. Parmi eux également le bataillon  DUK , qui compterait plus de 500 hommes. Son commandant a reçu l’ordre du commandement central de quitter  la ligne de front pour le 1er avril, avec mise-en-garde sévère.  Yarosh, l’âme damnée du Maïdan a protesté mais Porochenko s’est empressé de lui proposer une place « importante » au ministère de la Défense, afin de calmer ses  bataillons répressifs.

Même chose pour le bataillon Azov de sanglante renommée qui a reçu l’ordre de quitter la ligne de front du Donbass. Ces divers bataillons  sont invités à rejoindre la garde nationale, lorsqu’ils n’y sont pas déjà, et à se placer sous le commandement opérationnel ukrainien.  Il est vrai que les membres de ces milices privées ne sont pas aussi dociles vis-à-vis du pouvoir central et de Washington que ceux-ci le souhaitent. Le SBU (police politique ukrainienne sous autorité américaine) a déjà lancé une «opération à grande échelle» contre  le bataillon DnieprI après l’assassinat d’un de ses officiers. De même une procédure judiciaire a été lancée contre certains membres du bataillon Aydar, lesquels auraient planifié des attentats contre des bâtiments administratifs de Kiev. Le bataillon  Aydar a même été dissous.

Qu’en est-il des militants de Praviy Sektor (Secteur Droit) incorporés au SBU dont certains à des postes clefs ? Après avoir neutraliser les fonctionnaires proches de Kolomoïsky c’est l’oligarque lui-même qui est isolé, même s’il ne s’en laisse pas compter et s’il organise sa résistance, menaçant même de séparer sa province de l’Ukraine. Il a pour cela de puissants arguements économiques. «Les luttes politiques en Ukraine se doublent maintenant, comme c’était prévisible, de luttes économiques. Maïdan qui devait apporter au peuple ukrainien la démocratie et la ‘prospérité européenne’ n’aura finalement été qu’un immense jeu de chaises musicales », analyse Virgile Thomas. Mais rien n’est fini, au contraire, tout est à craindre, tout peut dégénérer et un éventuel conflit entre la Transmistrie, l’Ukraine, la Moldavie et la Roumanie, pourrait rester régional avec la Russie et les USA en arrière-plan ou bien rejoindre celui du Proche-Orient. Ou encore dégénérer en un conflit mondial qui opposerait la Russie aux USA directement.

Tout est en germe actuellement.

 

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