La crise humanitaire à Gaza, octobre 2023
La crise humanitaire à Gaza, octobre 2023

Pas de trêve humanitaire pour Gaza. En Israël, les déclarations incendiaires se succèdent. Une catastrophe humanitaire de grande ampleur se profile et fait craindre des conséquences dramatiques conduisant au  soulèvement des pays arabes contre Israël.  Selon Jamie Dimon, PDG de JP Morgan, « cela pourrait être le moment le plus dangereux que le monde ait connu depuis des décennies ».

Le gouvernement israélien a démenti tout cessez-le-feu et interdit toujours l’entrée de l’aide humanitaire dans Gaza

L’agence Reuters avait fait état d’un cessez-le-feu accepté par Israël permettant de faire entrer l’aide humanitaire dans Gaza ce matin. Le gouvernement israélien a démenti cette affirmation. « Il n’y a actuellement aucun cessez-le-feu qui permettrait l’acheminement de l’aide humanitaire vers la bande de Gaza et l’évacuation des étrangers », peut-on lire dans un communiqué laconique du bureau du Premier ministre Benjamin Netanyahu. « Cette déclaration intervient après que l’agence de presse Reuters, citant deux responsables égyptiens de la sécurité, a déclaré qu’Israël avait accepté un cessez-le-feu à partir de 9 heures du matin dans le cadre d’un accord avec l’Égypte et les États-Unis » explique ainsi le Times of Israël.

La riposte de l’Etat hébreu à l’attaque surprise du mouvement islamiste Hamas le 7 octobre sur la bande de Gaza ne faiblit pas malgré les appels de la communauté internationale et de la Ligue arabe. Les frappes continuent de tomber sur les populations civiles palestiniennes enfermés dans les limites étroites de la bande, comme des souris piégées. L’armée israélienne a uniquement indiqué qu’elle s’« abstiendrait » de frapper lundi matin les couloirs d’évacuation reliant le nord au sud de la bande de Gaza.

« Nous sommes au début d’opérations militaires d’ampleur dans la ville de Gaza », située dans le nord, a déclaré lundi un porte-parole de l’armée Jonathan Conricus. « Les civils ne seraient pas en sécurité s’ils restaient ici », a-t-il averti. Israël exhorte depuis vendredi les habitants du nord de Gaza, soit environ 1,1 million de personnes sur un total de 2,4 millions, à fuir vers le sud, affirmant frapper la ville de Gaza pour y détruire le centre des opérations du Hamas. Plus d’un million de personnes ont déjà quitté leur foyer dans ce territoire de 362 kilomètres carrés, placé en état de siège, coincé entre Israël, la Méditerranée et l’Égypte.

L’ONU : une « catastrophe humanitaire inédite » est en cours

Pour l’agence de l’ONU pour les réfugiés palestiniens (Unrwa), une « catastrophe humanitaire inédite » est en cours. « Il reste 24 heures d’eau, d’électricité et de carburant » et si de l’aide n’y entre pas, les médecins n’auront plus qu’à « préparer les certificats de décès », a affirmé lundi Ahmed Al-Mandhari, le patron régional de l’Organisation mondiale de la santé (OMS).

Face à la détermination d’Israël de ne pas permettre à l’aide humanitaire de rentrer dans Gaza ni d’instituer une trêve, les États-Unis semblent essayer de contenir la fureur d’Israël, comme en témoignent également les déclarations de Biden qui, tout en réitérant le soutien de Washington, a appelé au respect du droit à la guerre et à éviter d’occuper à nouveau Gaza mais une telle perspective parait difficile à réaliser, tant Netanyahu joue, ou croit jouer, sa sécurité politique avec cette guerre.

Cette volonté de Washington de calmer le jeu est également démontré par les propos du chef du Pentagone Lloyd Austin lors d’une visite en Israël rapportés par le Washington Post : « Les terroristes comme le Hamas ciblent délibérément les civils, mais les démocraties ne le font pas. L’heure est à la détermination et non à la vengeance. »

La modération américaine intervient alors qu’en Israël, encore sous le choc du massacre qu’il a subi, les déclarations se succèdent et n’augurent rien de bon pour le sort de la population civile de Gaza.

Incinérer Gaza ?

Le New York Times rapporte cette escalade, citant un article du général de division réserviste Giora Eiland sur Yedioth Ahronoth : « Israël, écrit le général Eiland sur Ynet, a lancé un sévère avertissement à l’Égypte et a clairement indiqué qu’il n’autoriserait pas l’aide humanitaire égyptienne à entrer à Gaza. Israël doit créer une crise humanitaire à Gaza, obligeant des dizaines de milliers, voire des centaines de milliers de personnes, à chercher refuge en Égypte ou dans le Golfe. »

Il énumère ensuite en quatre points ce qui pourrait être une des stratégies israéliennes :

« (1) La population entière de Gaza se déplacera vers l’Égypte ou le Golfe. De notre point de vue, chaque bâtiment à Gaza où se trouve le quartier général du Hamas, y compris les écoles et les hôpitaux, est considéré comme une cible militaire. »
« (2) « Tout véhicule à Gaza est considéré comme un véhicule militaire transportant des combattants. Il n’y aura donc pas de circulation automobile et peu importe que ces véhicules transportent de l’eau ou d’autres fournitures essentielles. »
« (3) « Le secrétaire général de l’ONU a envoyé de l’aide humanitaire à Gaza. La condition israélienne pour toute aide devrait être une visite de la Croix-Rouge aux otages israéliens, en particulier aux civils. En attendant, aucune aide, quelle qu’elle soit, ne sera autorisée à entrer à Gaza. »
« (4) « Des intermédiaires possédant à la fois une expérience diplomatique et militaire seront nécessaires pour expliquer ces concepts en détail au reste du monde. Il ne sera pas possible de renverser le Hamas sans exercer de pression, et si les responsables israéliens ne donnent pas aux Américains une explication claire et détaillée, ils ne comprendront pas qu’Israël n’a pas le choix. Ce qui s’est passé est comparable à l’attaque japonaise sur Pearl Harbor, qui a conduit au largage d’une bombe atomique sur le Japon. »
« En conséquence, Gaza deviendra un endroit où aucun être humain ne pourra exister et je dis cela comme un moyen plutôt que comme une fin. »

Une des stratégies d’Israël : vider Gaza de ses habitants

L’article du New York Times susmentionné, analyse ses propos ainsi :

« Le ministre de la Défense Yoav Gallant a déclaré : ‘’Nous combattons les animaux humains et nous nous comporterons en conséquence.‘’ Le général Ghassan Alian a déclaré qu’à Gaza ‘’il n’y aura ni électricité ni eau. Il n’y aura que de la destruction. Tu voulais l’enfer, tu l’auras. ‘’ »

La colère qui couve en Israël s’est exprimée également via le président Isaac Herzog qui a déclaré lors d’une conférence de presse :

« Il y a là-bas toute une nation qui est responsable […] Cette rhétorique selon laquelle les civils ne sont pas au courant, qu’ils ne sont pas impliqués. Ce n’est pas absolument vrai. Ils auraient pu se révolter. Ils auraient pu lutter contre ce régime maléfique qui a pris le contrôle de Gaza lors d’un coup d’État. »

Cela a été rapporté par le Huffington Post qui ajoute :

« Lorsqu’un journaliste a demandé à Herzog de préciser s’il voulait dire que puisque les Gazaouis n’ont pas chassé le Hamas du pouvoir, ‘’cela en fait, implicitement, des cibles légitimes‘’, le président israélien a répondu : ‘’Non, je n’ai pas dit ça‘’, ajoutant toutefois : ‘’Quand tu as un missile dans ta foutue cuisine et que tu veux me le tirer dessus, est-ce que je peux me défendre ?‘’ ».

L’inquiétude demeure donc quant à ce qui est prévu pour Gaza.

La nouvelle Nabka et les risques d’élargissement du conflit

Le quotient juif Haaretz se démarque de l’attitude jusqu’au-boutiste du gouvernement israélien, et cela reflète une partie de l’opinion israélienne. Gideon Levy met ainsi en garde, dans les colonnes du journal, contre les conséquences catastrophiques d’une attaque totale contre Gaza, avec deux millions de citoyens expulsés de la bande, et des images qui ne pourraient manquer d’évoquer la Nabka, lorsque des millions d’Arabes ont été expulsés des frontières de l’État israélien naissant.

Ainsi Levy écrit :

« Israël se lance dans une opération militaire dangereuse sans perspective de profit. Vous pouvez demander à votre allié à Washington ce qu’ont produit les guerres insensées menées par l’Amérique pour initier un changement de régime dans le monde. »

« […] Si cette mission est effectivement accomplie et qu’Israël dévaste la bande de Gaza, ses dirigeants et ses habitants, elle restera gravée pendant des générations dans la conscience du monde arabe, du monde musulman et du tiers monde. Une deuxième Nakba empêcherait des centaines de millions de personnes dans le monde d’accepter Israël. Certains régimes arabes pourraient faire preuve de retenue au début, mais l’opinion publique de leur pays ne permettrait pas qu’une telle retenue dure longtemps.

« Le prix serait payé par Israël et il serait plus élevé que ce qu’Israël pense actuellement. Israël est sur le point de se lancer dans une guerre catastrophique, ou l’a peut-être déjà fait. »

Cela pourrait être le moment le plus dangereux que le monde ait connu depuis des décennies

On rapporte également le titre d’un écrit de Neita Heman, toujours dans Haaretz :

« Ma mère, 84 ans, a été prise en otage. En son nom également, je vous en prie : ne détruisez pas Gaza. »

Avec ce sous-titre :

« Ma mère et beaucoup de ses amis massacrés dans le kibboutz de Nir Oz étaient des gens de paix, des gens qui croyaient qu’il existait des êtres humains ayant des droits même de l’autre côté de la frontière. »

Non seulement la situation critique de Gaza augmente chaque jour qui passe, le danger d’une expansion du conflit se précise, aussi bien avec le Hezbollah, avec lequel les affrontements se poursuivent à la frontière libanaise, qu’avec l’Iran, ce qui pourrait se produire si les porte-avions américains envoyés au large du Liban décidaient d’attaquer le Hezbollah pour défendre Israël.

« Cela pourrait être le moment le plus dangereux que le monde ait connu depuis des décennies » affirme Jamie Dimon, PDG de JPMorgan dans un document interne de l’institution financière.

Francesca de Villasmundo

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