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Dans ce numéro 69 de la revue Civitas, René Descartes (1596-1650) est à l’étude. Nous lui consacrons un dossier car l’homme, qui est à la fois un penseur et un mathématicien plongé dans les découvertes d’un siècle en pleine ébullition scientifique, devient un personnage clé dans l’histoire de la pensée française et européenne.

Voyageur, très solitaire mais aimant la bonne compagnie, c’est en Hollande surtout, où il passera vingt ans de sa vie, qu’il se consacrera à l’étude et mettra en scène les songes d’une nuit d’automne (10 novembre 1619) à Neuburg sur le Danube, en Allemagne, lui révélant les principes de sa méthode d’analyse.

Descartes est un penseur qui intervient sur le processus même de la pensée. A ce titre, il est intéressant de le parcourir. Il est intéressant aussi de l’étudier au regard de la pensée catholique car, sans le vouloir, il introduit une révolution dans la structure même de l’acte de foi.

Descartes n’est pas un révolutionnaire comme ceux qui se sont emparés de sa philosophie le sont devenus à l’encontre de l’autorité monarchique au siècle suivant. Il n’est pas un subversif politique, Louis Jugnet nous le confirme, car « il est peu attiré par les problèmes de gouvernement et, autant par prudence humaine que par manque de passion à leurs égards, préfère laisser à d’autres ce qui touche à la direction des affaires publiques » (1).

Il n’est pas davantage un libéral au sens où l’indépendance de l’esprit libéral l’éloigne de tout ce qui relève de la hiérarchie politique et religieuse. On sait que l’esprit libéral puise son origine dans le luthéranisme. Il s’est développé et entretenu dans les officines secrètes des sociétés de pensée du 18e s issues du protestantisme, chez les philosophes du même siècle, et dans les célèbres salons littéraires parisiens où couraient libelles et diatribes, acrostiches et concours d’éloquence, jusqu’à l’aboutissement logique de son dénouement, la Révolution française. Cet esprit s’est ensuite répandu dans la société française tout au long des 19e et 20e siècles trouvant un appui on ne peut plus solidaire dans l’américanisme pourtant condamné par Léon XIII en 1899. Descartes n’aime pas penser à plusieurs ni se mettre à plusieurs pour penser.

Il n’est pas non plus un adversaire de l’Eglise catholique à laquelle il ne cessât jamais d’appartenir en dépit d’un hypothétique rapprochement intellectuel avec la mystique des Rose-Croix qui défraya la chronique de son temps.

Et pourtant, Descartes est révolutionnaire car les arcanes de sa pensée sont en rupture avec la pensée scolastique fondée sur l’adéquation de l’intelligence au réel, c’est à dire sur la réalité objective des choses qui entourent notre intelligence et la précède pour lui permettre de la connaître et de la mesurer. Il est révolutionnaire, car l’introspection méditative ou intuitive, à la fois inductive et déductive, à laquelle il se livre, et qui font jaillir dans ses écrits les sujets si célèbres du « cogito » et du « doute méthodique », produit un renversement du  il  vers le  je, et du  credo  vers le peut-être.

Avec Descartes, en effet, le sujet prend la place de l’objet et s’empare de lui. Il le définit désormais selon la perception qu’en fait son propre entendement et dont le fonctionnement traverse le crible nécessaire du doute jusqu’à n’en point douter. En d’autres termes, le réel est décortiqué, nous dirions aujourd’hui déconstruit, mis à nu et dépouillé, comme ce morceau de cire dont il détaille les états successifs afin de savoir quoi en penser. Le corps réel n’est plus saisi dans sa substance même, relevant pour lui de l’imagination – toute forme inhérente est pour lui mythologique – mais dans son composé, dans ses parties, et dans son infinité de rapports des parties entre elles (rapports extérieurs, rapports de composition). C’est là son étendue. La causalité est donc revisitée par le sujet, un sujet qui peut devenir maître et possesseur de toute chose (homo faber) et s’ériger alors en cause première et cause finale dans l’examen des causes. La raison cartésienne est ainsi productrice de ces idées claires et distinctes qui, au terme du doute, disent les choses puis les définissent comme certaines autour d’elle. Le « je » devient désormais le maître du jeu, jusqu’au contentement de soi : tout part de lui et revient vers lui dans ce bon usage du libre-arbitre qu’il nomme générosité. Le subjectivisme peut dès lors s’étaler dans tous les contours de la pensée et les grands philosophes qui succèderont à Descartes – tous protestants à l’exception de Spinoza et de Malebranche (Locke, Leibniz, Kant, Hegel, Marx, Feuerbach, Husserl) et presque tous allemands – le déploieront selon les axes multiples de la spéculation phénoménologique.

Avec Descartes encore, mais surtout après lui, l’acte de foi n’est plus cette adhésion ferme et résolue de l’intelligence humaine à la source divine de la Révélation, c’est à dire aux vérités surnaturelles révélées par Notre Seigneur Jésus Christ. Il perd de sa dimension contemplative pour revêtir celle de l’expérience. Il devient ce je crois issu d’un peut-être dont l’inépuisable doute devient l’habitacle permanent au cours de son processus expérimental. Descartes s’opposera ainsi au monde thomiste, « ce monde des preuves administrées » (1), qui lui reprochera de prendre « pour centre de religion la fonction ascétique de douter quelquefois de tout » (2).

Cet acte de foi dans le doute, éminemment moderne et actuel, est on ne plus répandu parmi les catholiques aujourd’hui et même les catholiques les plus pensants (songeons à Denis Moreau ou Rémi Brague). Or, le père Laurent ofm nous rappelle le véritable enseignement de l’Eglise à  la fin de ce numéro : le doute est ruine de la foi car la foi, dans son principe (Dieu) comme dans sa finalité (Dieu encore), est certaine comme Dieu lui-même est certain.

Le rationalisme cartésien est toujours honoré et toujours à l’œuvre de nos jours. Notre pays s’en réclame et l’une des plus prestigieuses universités parisiennes (Paris V) porte son nom. Certes Descartes a été critiqué par d’autres philosophes mais il a été porté et continue d’être porté dans l’enseignement scolaire et universitaire comme l’on porte un ornement ou une distinction. C’est pourquoi nous le proposons à votre regard afin de le mieux cerner et de le soumettre à votre réflexion.

Gilles Colroy

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(1) Louis Jugnet, Doctrines philosophiques et systèmes politiques, 1965.

(2) et (3) Alain, Idées, Introduction à la philosophie Platon, Descartes, Hegel, Comte, collection champs philosophiques, Editions Flammarion, 1983.

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