Interdire le RN après la dissolution de Civitas ? Et ensuite ?

Le politologue Thomas Guénolé, auteur de Manuel de résistance à l’extrême droite, fait en ce moment le tour des médias. Avec une rengaine insistante : il faudrait interdire le Rassemblement National.

Le Rassemblement national ne serait pas un « parti politique normal »

Cette campagne a débuté le 21 septembre 2024. Thomas Guénolé intervient lors d’un débat sur le plateau de France Info en faisant référence à Karl Popper. « Est-ce qu’on n’aurait pas dû interdire le parti nazi avant qu’il ne prenne le pouvoir et qu’il détruise la République de Weimar ? Rationnellement, son raisonnement, c’est de dire, la tolérance des systèmes démocratiques ne doit pas aller jusqu’aux forces politiques dangereusement intolérantes. », lance-t-il. Le politologue estime que le Rassemblement national n’est pas un « parti politique normal ».

« En quoi ce serait contre-productif d’interdire un parti d’extrême droite ? Je pose la question. À quel moment on considère que c’est un parti politique normal ? », répond Thomas Guénolé lorsque la présentatrice lui rappelle qu’il y a « quand même 11 millions de Français derrière » le Rassemblement national.

« C’est prévu par le Code de sécurité intérieure »

« C’est prévu par le Code de sécurité intérieure, l’article L212-1, qui donne des motifs d’interdiction. Et le 6e, c’est quand vous propagez des idées qui provoquent à la discrimination et à la haine en l’occurrence envers la population d’origine maghrébine en propageant des théories de type « submersion migratoire » et « grand remplacement » », a-t-il affirmé à l’antenne, considérant que l’interdiction du Rassemblement national est « légale » et qu’il n’est pas nécessaire de changer les dispositifs existants pour y parvenir.

Interrogé depuis par de nombreux médias, y compris Valeurs actuelles, il ajoute : « Le Rassemblement National coche toutes les cases de la définition du fascisme ».

Le RN a commis une grave erreur en ne s’opposant pas à la dissolution de Civitas

Précisons que Thomas Guénolé est un ancien de La France insoumise, ce parti d’extrême gauche qui avait agité les réseaux sociaux et sommé Darmanin d’interdire Civitas après l’université d’été 2023 du parti catholique. Or, quand Darmanin a suivi les recommandations de Mélenchon et entamé la procédure de dissolution de Civitas, le Rassemblement National ne s’y est pas opposé. Au contraire, il s’est même trouvé des élus du RN pour valider la dissolution de Civitas lorsqu’ils étaient interrogés par les médias. C’était une erreur majeure de la part du RN. Accepter que le gouvernement puisse dissoudre un parti politique, c’est accepter d’être potentiellement le suivant sur la liste !

Le parti La France Insoumise joue avec le feu et finira par se brûler à ce petit jeu politicien. Par réflexe idéologique, ce parti d’extrême gauche a réclamé – et obtenu – la dissolution du parti catholique Civitas. Aujourd’hui, l’un de ses sbires agite les esprits pour les préparer à celle du Rassemblement National. Mais la logique de l’histoire, et Mélenchon devrait se rappeler comment a fini Robespierre, c’est que La France Insoumise finira frappé par une même procédure de dissolution, au motif notamment d’être accusé d’antisémitisme.

La décision du Conseil d’Etat sur l’annulation ou non de la dissolution de Civitas sera déterminante

Le parti Civitas a introduit un recours auprès du Conseil d’Etat pour faire annuler la dissolution qui l’a frappé. Il attend depuis de longs mois que le Conseil d’Etat veuille bien statuer. Lorsque ce moment viendra, et cela ne pourra plus trop tarder, les états-majors de plusieurs partis politiques feraient bien de réfléchir à deux fois. Et, publiquement ou dans l’ombre, ils seraient bien inspirés, pour leur propre salut, de s’activer pour qu’au nom des dispositifs qui protègent l’existence des partis politiques, le Conseil d’Etat casse la dissolution du parti catholique Civitas. Car de cette décision, qui peut sembler insignifiante parce qu’elle ne concerne qu’un parti qui n’est pas représenté dans les assemblées parlementaires, dépend en vérité la suite d’événements politiques pouvant permettre ou non d’éliminer des partis politiques dont la concurrence gêne le régime macroniste qui se cramponne de toutes ses forces au pouvoir.

Pierre-Alain Depauw

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