Agrégée et docteur en histoire, Julie d’Andurain est professeur en histoire contemporaine à l’université de Lorraine et membre de l’Académie des sciences d’Outre-Mer. Spécialiste des questions coloniales et des phénomènes guerriers, elle signe une biographie du Général Gouraud publiée chez Perrin.

En son temps, le général Henri Gouraud (1867-1946) a été extrêmement connu et célébré comme une figure de proue de l’armée française. Durant l’entre-deux-guerres, son immense silhouette claudicante et sa barbe de broussard apparaissaient fréquemment sur les écrans des cinémas lors des projections des “Actualités Gaumont”. Aujourd’hui, pourtant, il est pour ainsi dire totalement oublié, y compris de l’institution militaire. La raison en est assez simple : si la figure de l’officier colonial renvoyait autrefois à l’héroïsme, à l’accomplissement de soi à travers les voyages, l’exploration et les découvertes, et à la construction de l’Empire colonial en Afrique et en Asie, elle est désormais mal considérée et peu compatible avec les “valeurs républicaines” contemporaines. Or, à l’époque, la République était du côté du “parti colonial”. Et cette biographie du général Gouraud est aussi l’occasion d’une réflexion sur l’idée coloniale en France sous la IIIème République.

La majorité des saint-cyriens des années 1890 provient globalement d’un monde privilégié et très cultivé sur fond d’une éducation civique républicaine qui ne boude pas un registre épique puisant autant dans la tradition du chevalier Bayard que dans celle de Napoléon. Henri Gouraud ne fait pas exception. Comme de nombreux jeunes officiers de sa génération, il rêve d’aventure et de grands espaces. Choisissant de partir pour l’Afrique contre la volonté paternelle, il s’y révèle pleinement, se découvrant animé d’une flamme coloniale dont il ne se départira pas. Au cours d’une existence difficile et dangereuse, il expérimente la vie de broussard et de blédard, apprend à faire campagne avec une économie de moyens caractérisant la plupart de ses opérations. Henri Gouraud a vite compris où se situaient les lieux de pouvoir présidant aux destinées de l’outre-mer. Entre la rivalité des ministères de la Guerre et de la Marine, la propension du ministère des Affaires étrangères à faire des protectorats et mandats un pré-carré et enfin un ministère des Colonies croupion, Henri Gouraud tire son épingle du jeu et obtient les postes de l’avant qui permettent de faire une belle carrière. Il devient ainsi le plus jeune général de sa génération.

Son grand succès consiste à avoir prouvé que les coloniaux disposaient d’une expérience opérationnelle rare et précieuse. En permettant aux officiers coloniaux d’accéder aux plus hauts commandements en France, la Grande Guerre a en effet achevé de donner ses lettres de noblesse à la Coloniale. Avec la Montagne de Reims, avec le 15 juillet 1918, avec la libération de Strasbourg en novembre 1918, la Grande Guerre a permis aux coloniaux, à Gouraud en particulier, chef d’une armée de plus de 500.000 hommes, de prouver que leur tactique n’était pas simplement valable dans une guerre d’outre-mer face à des indigènes. Ces mêmes coloniaux ont également fait le pari d’amener avec eux en Europe des troupes de couleur que beaucoup regardaient à l’époque avec suspicion, craignant leur fragilité au combat.

Cette consécration opérationnelle au temps de la Grande Guerre vaut à Henri Gouraud d’être choisi par Clémenceau pour assumer la tâche de commandant en chef de l’armée du Levant et de haut-commissaire en Syrie. Considéré comme le meilleur élève de Liautey, il va vite constater en Syrie l’irrésolution voire la lâcheté des décideurs parisiens.. Cette expérience de la politique ne le laisse pas sans amertume mais n’entame pas sa détermination à mettre en place une Grande Syrie, une Syrie fédérale, dans laquelle les grandes communautés auraient toutes leur place et une certaine autonomie. Mais il se heurte à différentes trahisons. En 1921, il est victime d’un attentat. Il rentre en France en 1923 avec le désir de ne “faire que le militaire”. Devenu gouverneur militaire de Paris, il est rapidement réduit au rôle d’icône – celle des anciens combattants – à la “silhouette légendaire”.

Le Général Gouraud, Julie d’Andurain, éditions Perrin, 512 pages, 27 euros

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