Les motifs invoqués par Darmanin pour dissoudre Academia Christiana

C’est le lundi 4 décembre que Victor Aubert, président d’Academia Christiana, a reçu la visite de gendarmes venus lui remettre la notification d’intention du gouvernement de dissoudre Academia Christiana. L’annonce médiatique s’est ensuite faite le dimanche 10 décembre.

Si beaucoup se demandent quels sont, cette fois, les motifs invoqués pour cette nouvelle dissolution d’un mouvement catholique et politique, il faut donc se référer aux quelques pages de cette notification d’intention de dissoudre Academia Christiana pour comprendre le message.

Un journaliste de Valeurs Actuelles en a obtenu connaissance par une source du Ministère de l’Intérieur et livre ces éléments via X (ex-Twitter).

Recours à la violence physique

« L’association provoque explicitement au combat et encourage de manière ciblée le recours à la violence physique contre ceux qui sont désignés comme des adversaires, à savoir les militants de gauche, les forces de l’ordre et plus généralement la République française.

Ainsi, l’abbé Roch Perrel, a déclaré lors de l’université d’été 2020 : « Alors on fait ici je crois la promotion de certains sports de combat, ça n’est pas pour rien, […] pour vous entraîner à donner des coups et à recevoir des coups euh.. […] dans la gueule. Il faut pas abandonner les salles de sport à nos amis des banlieues, à nos adversaires, il faut être capable de se battre, et même physiquement, se battre physiquement […] pouvoir donner des taloches ça aide à être fort… Contre qui être fort ? Alors y’a deux dangers : bon les gauchistes en tout genre, là il faut que vous soyez forts, il faut que vous sachiez vous battre, je vous en ai déjà parlé. […] Et deuxièmement euh.. ben les flics euh.. c’est surtout face à eux que vous risquez euh… d’avoir à faire, vous pourrez euh … vous serez peut être amené à vous battre euh… »

En outre, le 15 octobre 2021, la chaîne Youtube de l’association a publié une vidéo de l’intervention de Yann Vallerie, ancien président du mouvement identitaire Jeune Bretagne, lors de l’université d’été 2021 : « Instruisez vos enfants afin de les libérer de l’emprise républicaine. Et au-delà de ça il y un choix à faire, est-ce que ce sacrifice financier pour vos enfants ne vaut pas la guerre que l’on doit mener à la République française, moi je pense que cela le vaut…Il faut réfléchir à une nouvelle manière d’exister en créant de véritables poches de résistance face à la dictature […] ? »

Exaltation de la collaboration

La dissolution de l’association Academia Christiana est envisagée, en deuxième lieu, sur le fondement du 5e alinéa de l’article L. 212-1 du code de sécurité intérieur, à savoir l’exaltation de la collaboration:

Dans une vidéo du 30 août 2020 publiée sur la chaine Youtube de l’association, l’abbé Roch Perrel fait l’apologie de la collaboration en rendant hommage au régime de Vichy : « Si vous allez avec vos camarades au cimetière du Grand Bornand et bien n’allez pas vous faire photographier avec tout le monde. On y va on va pieusement prier pour les miliciens qui ont été exécutés à la Libération mais vous ne prenez pas de photo, ça peut vous faire des ennuis… »

Enfin, le 6 février 2023, Academia Christiana a publié sur son site internet un article intitulé « Robert Brasillach – Le 6 février 1945 on a condamné à mort un écrivain », qui lui rend hommage. On peut notamment y lire que « Brasillach n’a pas eu d’autre politique que celle de l’amitié nationale. Il n’a pas eu d’autre souci que la réconciliation et la fraternité. Il n’a pas eu d’autre vœu que le bonheur… L’exécution de Brasillach, c’est le signe que notre pays avait depuis longtemps cessé d’être chrétien. »

Provocation à la discrimination, à la haine ou à la violence

La dissolution de l’association Academia Christiana est envisagée, en dernier lieu, sur le fondement du 6e alinéa de l’article L. 212-1 du Code de sécurité intérieur, parce qu’elle provoque à la discrimination, à la haine ou à la violence envers une personne ou un groupe de personnes à raison de leur origine, de leur sexe, de leur orientation sexuelle, de leur identité de genre ou de leur appartenance ou de leur non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une nation, une prétendue race ou une religion déterminée, ou propage des idées ou théories tendant à justifier ou encourager cette discrimination, cette haine ou cette violence.

A travers son discours, ses références et le choix de ses intervenants, l’association promeut en effet la discrimination et la haine à l’encontre des personnes de confession juive, des immigrés, des homosexuels et des femmes.

Par exemple, sur sa chaine Youtube, l’association a publié deux vidéos du groupe Tourdeforce, dont les titres, les visuels et les paroles légitiment les actions de l’Allemagne nazie. Ces deux vidéos, respectivement intitulées « History is written by the winners », publiée en juillet 2014, et « Adolf Hitler Platz », publiée en octobre 2014, qui sont extraites de l’album « Jedem Das Seine », dont le titre est une référence à l’inscription figurant à l’entrée du camp de concentration de Buchenwald, et contiennent de nombreuses références à l’Allemagne nazie, notamment plusieurs images d’Eva Braun et d’Adolf Hitler.

Le responsable de l’association a lui même choisi pour illustrer le profil Linkedin de l’association une image représentant la ville allemande de Rothenburg ob der Tauber, où Adolf Hitler avait obtenu 87% des suffrages exprimés à l’occasion de l’élection présidentielle de 1932, record absolu pour toute l’Allemagne. En octobre 2016, à Paris, il a d’ailleurs été observé effectuant un salut nazi au cours d’une manifestation de La Manif pour Tous.

Antisémitisme

Enfin, dans une vidéo mise en ligne le 30 août 2020 sur la chaîne Youtube de l’association, l’Abbé Roch Perrel n’hésite pas à tenir également des propos provoquant clairement à l’antisémitisme : « Si vous vous amusez à faire des quenelles, eh bien, devant des synagogues, ne vous faites pas prendre en photo, ça va, on va vous les ressortir. » »

Cette liste de reproches est partiellement évoquée dans différents articles de presse. Libération évoque le fait que, sur un plateau de télévision, le ministre de l’Intérieur, Gérald Darmanin, se serait emmêlé les pinceaux, confondant Academia Christiane et Civitas, avant d’ajouter « la confusion entre les deux structures peut s’entendre, l’une comme l’autre professant une doctrine hostile vis-à-vis des juifs. »

« Se présentant comme un institut de formation, le mouvement a peu à peu endossé le rôle de point de convergence de la mouvance radicale, point de passage incontournable pour tout jeune d’extrême droite prônant le renversement de la République pour instaurer un régime raciste autoritaire. Si le catholicisme traditionnel est fondateur chez ces militants, c’est bien la haine de l’autre qui est centrale dans leur doctrine », écrit encore Libération avant d’évoquer le complotisme et antimaçonnisme » d’Academia Christiana.

L’AFP cite également une source proche du dossier affirmant que le groupe « légitime de façon récurrente la violence physique et le recours aux armes ».

Liens avec Alain Soral, fichés S et salut romain

Quant au Huffington Post, il souligne qu’Academia Christiana est dans le viseur du renseignement pour les liens entretenus avec des personnalités d’autres groupes déjà dissous et que France 2, en février 2022, avait diffusé un reportage sur Academia Christiana montrant Victor Aubert souriant aux côtés d’Alain Soral, le qualifiant de « boss ».

Marianne évoque une « université d’été en présence d’individus connus pour violences et fichés S » du 14 au 20 août 2023 à Bécon.

Ouest-France et d’autres médias ressortent une vidéo où l’on voit Victor Aubert faire un « salut romain » lors d’une Manif pour Tous.

Bref, seuls les naïfs peuvent croire que Darmanin n’ira pas jusqu’au bout. Ses services sont visiblement sur le dossier depuis plusieurs mois et le ministre de l’Intérieur ne lâchera pas sa proie. Le contenu de la notification d’intention de dissoudre Academia Christiana est calqué sur les conseils de la circulaire Darmanin et son annexe pour interdire tous les rassemblements et manifestations de ce qu’il qualifie d’ultra-droite. La ficelle est identique pour chaque mouvement catholique ou nationaliste. Il faut en prendre pleine conscience et ne pas chercher à les diviser et les opposer en espérant permettre à l’un de s’en sortir mieux que les autres.

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