La démographe Michèle Tribalat a analysé le projet de loi sur l’immigration d’Emmanuel Macron et répondu aux questions de Figarovox à ce sujet.

FIGAROVOX.- La politique d’immigration d’Emmanuel Macron a suscité la colère d’une partie de la gauche. On se souvient notamment de la une du Nouvel Obs avec des barbelés, et ce titre: «Bienvenue au pays des droits de l’homme». De nombreux politiques accusent Macron de mener une politique plus sévère que celle de Nicolas Sarkozy. Est-ce vraiment le cas?

Michèle TRIBALAT.- […] Deux sujets ont retenu l’attention médiatique, la réforme de l’asile pour accélérer les procédures et les mesures envisagées pour «resserrer les boulons» dans les procédures d’éloignement. D’ailleurs, ce deuxième volet est bizarrement titré «Renforcer l’efficacité et la crédibilité de la lutte contre l’immigration irrégulière». Il faudrait plutôt parler de séjour irrégulier. Le gouvernement cherche à faire un peu mieux pour expulser ceux qui sont déjà sur le territoire sans en avoir le droit. Quant à l’accélération des procédures d’asile, on ne peut à la fois se plaindre de leur lenteur et se lamenter sur la tentative de faire plus vite. Plus elles traînent, plus le séjour des demandeurs d’asile se prolonge et plus les lieux d’accueil sont engorgés. C’est d’autant plus vrai que leur nombre a fortement augmenté.
Le projet prévoit d’ailleurs la création de 7 500 places d’accueil supplémentaire en 2018-2019. 

Macron s’inscrit-il dans la continuité de ses prédécesseurs ou peut-on parler de rupture ?

En dehors de ces deux volets motivés par le développement de l’immigration irrégulière ces dernières années – filtrage par la procédure d’asile et éloignements des déboutés – rien, dans le projet, n’indique une volonté de limiter l’immigration étrangère en France, comme c’était le cas de Nicolas Sarkozy par exemple.

Rien, dans le projet, n’indique une volonté de limiter l’immigration étrangère en France, comme c’était le cas de Nicolas Sarkozy par exemple.

Certaines dispositions, présentées dans la partie intitulée «Améliorer les conditions d’accueil et d’intégration des étrangers en situation régulière» ou dans celle traitant de la protection humanitaire, élargissent, au contraire, le champ des possibilités.

Pour la première, ces ouvertures se font en direction des plus qualifiés avec une extension du passeport-talent et une transposition de la directive «étudiants-chercheurs» (qui devait de toute façon se faire) en vue de faciliter leur installation en France. Pour la seconde, il s’agit, par exemple, de substituer un premier titre de séjour de quatre ans à un titre d’un an pour les étrangers qui bénéficient d’une protection subsidiaire ou qui sont apatrides, et d’étendre le regroupement familial auprès des réfugiés mineurs, au-delà des ascendants directs, aux frères et sœurs. Cette dernière mesure, quand on sait le développement exponentiel des arrivées spontanées de mineurs (qui ne sont d’ailleurs pas tous mineurs et sont plutôt des garçons proches de leur majorité) en Europe ces dernières années, recèle un potentiel d’entrées non négligeable.

Elle crédibilise le projet de familles qui envoient leur grand garçon, en éclaireur, essayer de trouver un avenir meilleur en Europe.

(…) La question de l’immigration régulière est éludée. Pourtant, elle augmente ces dernières années… Comment expliquez-vous cette progression? Est-ce lié au regroupement familial ?

On ne retient généralement que les deux dernières années pour commenter l’évolution de l’immigration étrangère en France et on en parle dans la presse lorsque le ministère de l’Intérieur met en ligne, en janvier, son estimation des nouveaux premiers titres de séjour délivrés aux étrangers en provenance de pays tiers (à l’Espace économique européen et à la Suisse) dans l’année qui vient de se terminer. On ne retient généralement que les deux dernières années pour commenter l’évolution de l’immigration étrangère en France et on en parle dans la presse lorsque le ministère de l’Intérieur met en ligne, en janvier, son estimation des nouveaux premiers titres de séjour délivrés aux étrangers en provenance de pays tiers (à l’Espace économique européen et à la Suisse) dans l’année qui vient de se terminer.

On se rend compte que le nombre de premiers titres délivrés augmente, quasiment sans interruption, depuis le début de la série rendue publique par le ministère de l’Intérieur.

En vingt ans, de 1997 à 2017, ce nombre est passé d’un peu moins de 120 000 à un peu plus de 260 000. En un an, un peu plus de 30 000 titres supplémentaires ont été délivrés, principalement pour raison humanitaire (asile…), pour motif économique et pour des venues d’étudiants. Les estimations de l’Insee sur une période plus courte (2006-2015), montrent aussi une augmentation des entrées d’immigrés en France.

(…)

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