Sapiens et le climat

Olivier Postel-Vinay a été longtemps rédacteur en chef du magazine scientifique La Recherche. Il est par ailleurs membre du comité scientifique du magazine L’Histoire. Il avait déjà publié La Comédie du climat – comment se fâcher en famille sur le réchauffement climatique (chez JC Lattès, 2015) et revient sur le sujet avec Sapiens et le climat.

Nous vivons une crise climatique réellement sans précédent. Et pour cause : elle se fonde non pas sur des bouleversements concrets entraînés par un changement climatique catastrophique, mais sur l’inquiétude générée par des scénarios élaborés par des “spécialistes” sur une crise à venir. C’est la première crise climatique par anticipation.

Et si la vérité était autre ? L’une des régions du monde où la hausse des températures est la plus marquée est l’Arctique et en particulier le Groenland, pour le plus grand plaisir des habitants qui vient affluer le poisson et se remettent à l’agriculture, comme naguère les Vikings. Un article savant paru en janvier 2023 dans la revue Nature montre que la température moyenne de la moitié nord du Groenland a eu tendance à baisser depuis l’époque viking puis, comme dans l’ensemble du monde arctique, à remonter à partir du temps de Napoléon, donc bien avant que les effets de la révolution industrielle puissent se faire sentir.

Nous vivons tellement au présent que la plupart d’entre nous oblitérons le passé, l’ignorons ou le réduisons à quelques jalons mal informés, propagés par des clichés, souligne Olivier Postel-Vinay. En matière de climat, l’un des clichés les plus irritants est la formule “sans précédent”, qui accompagne tant de dites informations diffusées par les médias. Et l’auteur de noter que la sécheresse de 1921 était bien plus rude que celle de 2022, à tel point que la revue du 14 juillet 1921 avait été annulée à Paris. Les relevés de l’époque signalent 40 degrés à Besançon, 41 à Vésoul, près de 45 à Bourg-en-Bresse. Difficile de mettre ça sur le compte des émissions de gaz à effets de serre.

Le travail instructif des archéologues et des historiens

Olivier Postel-Vinay cite une multitude d’exemples, depuis la préhistoire jusqu’à la fin de la première moitié du vingtième siècle, pour démontrer à quel point les changements climatiques ont rythmé de façon régulière l’histoire de notre monde et de l’ensemble de ses continents. Au paléolithique, les périodes tièdes se déclenchent rapidement et les réchauffements soudains sont très prononcés, de 5 à 16 degrés en quelques décennies, donc sans commune mesure avec ce que nous connaissons et surtout envisageons pour le prochain siècle. Et quand les médias vous parleront d’événements climatiques “sans précédent” pour de la neige ou de la grêle un jour d’été, gardez en mémoire qu’en 1318 il neigeait à Cologne le 30 juin, qu’en 1341 le printemps fut hivernal sur quasiment toute l’Europe. Et retenez ces mots de William Shakespeare dans Songe d’une nuit d’été, vers 1595 :

Dans ce dérèglement nous voyons les saisons changer. Les gels blancs tombent dans le frais giron de la rose écarlate (…). Le printemps, l’été, l’automne fécond, l’hiver chagrin échangent leur livrée, et le monde effaré ne sait plus s’y retrouver.

Quand les experts annonçaient “un nouvel âge glaciaire”

Quant au catastrophisme climatique des fameux “experts”, il a pris des formes bien contradictoires. Si aujourd’hui c’est la thèse du réchauffement climatique qui domine les plateaux de télévision, à l’inverse dans les années 1970 les “experts” nous alertaient sur le global cooling qui prédisait “un nouvel âge glaciaire”. L’un des propagateurs de cette thèse s’appelait John Holdren, à l’époque jeune physicien. On le retrouva plus tard comme conseiller scientifique d’Obama.

Quand les changements climatiques influencent l’Histoire

Ce livre nous montre aussi de façon très intéressante comment les changements climatiques – qui existent depuis la nuit des temps – peuvent avoir d’évidentes conséquences historiques. Car qui dit conditions climatiques extrêmes dit aussi catastrophes pour les récoltes avec à la clé ventres vides entraînant révoltes, jacqueries et contribuant parfois à l’emballement d’une révolution. Ainsi, l’été 1788 est très chaud, provoquant l’échaudage des blés : le grain brûle alors qu’il n’est pas encore dur. La faible moisson a été aggravée par la sécheresse : 40 % de déficit des pluies dans le nord de la France, jusqu’à 80 % dans le sud. A quoi vient s’ajouter le 13 juillet, un an avant la prise de la Bastille, un formidable orage de grêle qui prend tout le pays en écharpe. Les rapports de l’époque signalent des grêlons atteignant 600 grammes. Les vitres explosent, les ardoises s’envolent, les chevaux s’effondrent. Les grains et les vignes sont hachés menus. Une première volée d’émeutes éclate dès le mois d’août. Après quoi survient un hiver particulièrement rigoureux. On recense 86 jours de gel de décembre 1788 à février 1789 ! A la Saint-Sylvestre, on enregistre -21,75 degrés à Paris. Les fleuves en partie gelés et les routes enneigées n’acheminent plus les grains. Les moulins sont à l’arrêt. Le vin gèle dans les caves. Les arbres lézardés se fendent. Déjà élevés en août 1788, les prix du blé et du seigle continuent de grimper en un temps où pour une partie de la population le pain absorbe encore la moitié du budget. 58 émeutes frumentaires ont été identifiées en 1788 ; le chiffre passe à 239 en 1789. Le prix des grains atteint son plus haut niveau le 14 juillet 1789. Olivier Postel-Vinay cite l’historien anglais Alfred Cobban : “Le moment le pire après une mauvaise moisson est toujours le début de l’été suivant, quand le produit de la moisson précédente est épuisé et que la nouvelle moisson n’est pas encore rentrée.”

Sapiens et le climat, Olivier Postel-Vinay, éditions Litos, 170 pages, 8,90 euros

A commander en ligne sur le site de l’éditeur

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