Boris Prassoloff, né en France de parents russes blancs émigrés en 1917, est diplômé d’HEC. Parallèlement à une carrière d’économiste, il s’est consacré à l’étude de l’émigration russe en France. Mais c’est un sujet plus vaste qu’il traite dans son nouveau livre publié chez Perrin, celui des Romanov en exil, de 1919 à 1992.
Les Russes blancs en exil
Après l’effondrement du tsarisme et le massacre de la famille impériale, le Grand Duc Cyrille, chef de la branche des Wladimirovitch, cousin du Tsar, émigre en France. D’autres Romanov l’ont déjà précédé, comme le Grand-Duc Alexandre et le Grand-Duc Boris. Des centaines de milliers de Russes – en janvier 1921 les estimations vont de 860 000 à plus de deux millions – ont eux aussi émigré pour fuir le régime bolchévique, et vont reconstituer, notamment en France, une “Russie hors frontières”. Ce n’est pas une émigration dispersée : sociologiquement assez homogène et hiérarchisée (titres, grades, formules de respect sont conservés), elle a gardé sa culture, sa langue, sa religion, ses traditions. Elle se structure rapidement en créant des organisations en tout genre – d’entraide, militaires, professionnelles, culturelles, religieuses, politiques -, et en publiant de nombreux bulletins, revues et journaux. Paris abrite alors plusieurs véritables quartiers russes avec écoles, boutiques, restaurants. Les émigrés se rassemblent le dimanche autour de leurs églises et surtout de la cathédrale de la rue Daru. Tous rêvent d’un retour au pays.
Les querelles entre monarchistes
Certains ne se contentent pas de rêver. Après l’évacuation de ses troupes en novembre 1920, le général Wrangel n’a pas renoncé à une reprise des combats contre les rouges.. Secondé par le général Koutiepov, il réussit à maintenir la cohésion, la discipline et les liens de solidarité d’une organisation militaire en exil qui compte plusieurs dizaines de milliers d’hommes établis dans toute l’Europe. D’autres travaillent politiquement au “rétablissement de la monarchie dirigée par un souverain légitime de la Maison des Romanov, conformément aux Lois fondamentales de l’Empire russe”. Un Romanov comme futur tsar, certes, mais lequel ?Huit Grands-Ducs ont échappé au massacre, mais seuls trois noms circulent : le Grand-Duc Nicolas Nicolaïevitch, vieux chef militaire au prestige inégalé, mais qui est loin dans l’ordre officiel de succession ; le Grand-Duc Cyrille, théoriquement numéro un dans l’ordre de succession, mais dont le comportement en février 1917 a choqué ; et en arrière-plan, le Grand-Duc Dimitri, auréolé de sa participation à l’élimination de Raspoutine. C’est le début de divisions entre les monarchistes. En 1924, Cyrille se proclame empereur de toutes les Russies. Mais le Conseil monarchiste suprême, les grands chefs militaires de la guerre civile, Denikine, Koutiepov, Wrangel, ainsi qu’un certain nombre de personnalités monarchistes, refusent de reconnaître le nouveau tsar.
L’échec, si près du but
A la mort du Grand-Duc Cyrille 12 octobre 1938, c’est son fils le Grand-Duc Vladimir qui revendique le trône impérial. Plus d’un demi-siècle plus tard, en 1991, à l’effondrement de l’Union soviétique, il fut à deux doigts de monter sur le trône d’une Russie en plein désarroi. Le 21 avril 1992, lors d’une conférence de presse, le Grand-Duc Vladimir s’écroule sur sa table. Il devait prononcer le lendemain à Miami, à l’invitation d’une banque américaine, une importante conférence sur l’opportunité de restaurer la monarchie russe. Ce livre passionnant nous raconte cette incroyable histoire de l’ombre qui s’étale sur plusieurs décennies et se termine par un échec, si près du but.
Ex Libris
Tsars sans empire – Les Romanov en exil (1919-1992), Boris Prassoloff, éditions Perrin, 416 pages, 24 euros
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